Le Père Maldamé nous met en garde sur les risques de deux erreurs contradictoires : voir le hasard partout et nulle part.“La question du hasard n’est pas un débat entre créationnistes et matérialistes” précise, en préambule, le père Maldamé, théologien dominicain, membre de l’Académie Pontificale des sciences, de l’Académie internationale des sciences religieuses et auteur de Création par évolution : science, philosophie et théologie (Éditions Cerf, 2011). Créationnistes et matérialistes commettent la même erreur, à savoir prétendre et démontrer l’existence ou l’inexistence de Dieu.
Dieu ne serre pas la vis
Le père Maldamé constate que personne ne remet en cause les principes de bases de la théorie de Darwin dans le monde scientifique. À savoir, une évolution fondée sur la survie des espèces les mieux adaptées. De même que les paysans font évoluer depuis quelques milliers d’années les espèces végétales et animales, la nature, bien plus lentement, à l’échelle de milliard d’années, fait évoluer les vivants. Par conséquent, il faut balayer l’opinion du courant dit de “l’intelligent design” qui consiste à dire que l’organisation du vivant est trop complexe pour être le fruit du hasard, et prétend démontrer rationnellement l’existence d’une entité créatrice.
Le hasard n’est pas une cause
À l’inverse, le père Maldamé dénonce aussi la facilité avec laquelle les matérialistes utilisent la notion du hasard. Loin d’être une opinion appuyée sur les dernières évolutions scientifiques, c’est au contraire une vieille idée, qui remonte à Démocrite. Environ 400 avant Jésus Christ, le père de l’atomisme affirmait déjà que “nous sommes le fruit du hasard et de la nécessité”. Il faisait ainsi du hasard une entité souveraine, alors que c’est le caractère d’un événement, et pas une cause – de même pour la nécessité. Dans la perspective matérialiste, la présence d’aléa dans la nature prouverait qu’il n’y a pas d’intention dans la nature. Par conséquent tout l’univers existerait par pur hasard, sans intention préalable de Dieu. Mais cette opinion n’est pas satisfaisante pour un esprit rationnel pour qui rien n’empêche qu’une finalité soit à l’œuvre, dans des processus où des événements arrivant par hasard, ou plus exactement de manière aléatoire ou contingente.
Pourquoi Dieu laisse-t-il le hasard agir dans la nature ?
Mais pourquoi Dieu, qui est parfait, laisserait-il du “hasard”, de l’aléatoire… que l’on peut considérer comme imparfait ? Dans une perspective théologique, la présence du hasard dans la nature peut s’expliquer par la pédagogie de Dieu. Le père Maldamé donne un exemple : “Un conducteur d’aveugle doit savoir se mettre dans la condition de l’aveugle pour bien le conduire. Dieu fait de même avec nous, il prend en compte notre nature finie pour nous conduire plus loin que nous ne saurions voir”. Dieu s’adapte à une nature qui n’est ni omnisciente ni toute-puissante et où le hasard à sa place. Cette reconnaissance du hasard ne signifie qu’il soit une puissance qui gouvernerait la nature, comme le prétend le discours matérialiste.