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Revue de presse de la semaine. Le souffle de l’Histoire et les courants d’air politiciens

2790066 02/12/2016 Patriarch Kirill of Moscow and All Russia (left) and Pope Francis of Rome meet in the Jose Marti International Airport in Havana. Sergey Pyatakov/Sputnik

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Philippe Oswald - publié le 13/02/16
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Osons qualifier cette semaine d’historique ! Pas pour ce qui s’est passé en France – vote des députés sur la Constitution, remaniement ministériel –, mais à Cuba avec la rencontre du Pape et du patriarche de Moscou. C’était hier vendredi à La Havane. Qui eût pu prédire que Cuba serait le lieu de la rencontre entre le Pape et le chef de l’Église orthodoxe russe ? Une première depuis le schisme entre les Églises d’Orient et d’Occident, en 1054, il y a près de 1 000 ans ! L’île se trouvait sur la trajectoire du pape François en route pour le Mexique et au programme du voyage en Amérique latine du patriarche Cyrille.

Unis par la défense des chrétiens

Si de nombreux aspects de leurs personnalités séparent le pape François du patriarche (très décrié pour son amour du luxe et sa dépendance du Kremlin), ce qui les a rapprochés a bien plus d’importance : la défense des chrétiens – orthodoxes et catholiques – au Moyen-Orient et la promotion de l’unité. “Il est nécessaire de mettre de côté les désaccords intérieurs et d’unir nos efforts pour le salut du christianisme dans les régions où il est soumis à de cruelles persécutions”, avait annoncé le patriarcat de Moscou à Cath.ch.

““La Russie peut donner beaucoup” pour la paix mondiale, a déclaré le Pape dans une récente interview, en faisant état de “convergences” dans l’analyse des “Printemps arabes””, explique France 24. Les liens étroits entre le Patriarcat et le Kremlin donnent aussi à la rencontre une dimension stratégique : “À l’arrière-plan, il y a un troisième protagoniste” en la personne du président russe Vladimir Poutine, que le Pape a reçu deux fois, analyse sur son blog le vaticaniste Marco Politi. “Il serait ingénu de penser que la soudaine disponibilité du patriarche n’est pas liée à la situation de la Russie dans ce moment géopolitique”, estime Marco Politi, citant en particulier le rôle que Moscou veut jouer, avec Washington, “dans la stabilisation de la situation syrienne et dans l’endiguement du terrorisme jihadiste”.”“François est bien vu à Moscou”, confirme à 24 heures Fedor Loukianov, rédacteur en chef du magazine La Russie dans la politique globale : “(…) sans être l’initiateur de la rencontre entre le Pape et le patriarche, [Poutine] aurait pleinement soutenu son organisation”.

La Russie marque des points en Syrie

Il a en effet beaucoup été question de la Russie sur la scène internationale cette semaine. L’aviation russe, l’armée de Bachar el-Assad, le Hezbollah libanais et les gardiens de la révolution iranienne ont lancé une offensive sur Alep, la grande métropole du Nord partiellement aux mains des rebelles depuis 2012 et désormais encerclée. “La Russie et ses alliés profitent de l’absence criante de stratégie des Etats-Unis et de l’Europe, après plus de quatre ans de guerre en Syrie”, analyse Pierre Haski dans Le Nouvel Obs : “Le président russe avait pris la mesure de l’indécision américaine et de l’impuissance européenne, et singulièrement française, face à la guerre de Syrie”.

Constitution : “Une victoire en forme de trompe-l’œil”

À Paris, après des semaines de joutes enflammées à propos d’un texte sans cesse remanié par l’exécutif, l’Assemblée nationale a finalement approuvé mercredi 10 février l’ultime mouture de la réforme constitutionnelle de “protection de la Nation” voulue par François Hollande après les attentats du 13 novembre. “C’est une victoire en forme de trompe-l’œil”, relève La Croix : “Le compromis acrobatique trouvé pas le gouvernement, supprimant la mention des binationaux mais ne créant pas d’apatride et incluant les délits, comme le demandait la droite, n’a pas convaincu”. Avec 317 voix pour, 199 contre, 51 abstentions, “la réforme passe donc tout juste la barre des 3/5 à l’Assemblée, le ratio théoriquement nécessaire pour adopter une réforme au Congrès”.

C’est maintenant au Sénat qu’incombe la responsabilité de la poursuite du processus. Or c’est loin d’être gagné, souligne Boulevard Voltaire : “Il faut en effet que les deux chambres avalisent le texte en termes identiques. (…) Or, le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a déjà annoncé la volonté de revenir à la version initiale, qui visait à étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés en France, référence supprimée par l’Assemblée à la demande notamment d’une partie de la gauche, au risque de permettre la création d’apatrides”. Si les deux chambres du Parlement ne parvenaient pas à se mettre d’accord, le Congrès serait annulé. Dans ce cas, explique Europe 1, “le gouvernement ne manquera sûrement pas de mettre l’échec de sa révision constitutionnelle sur le dos d’une obstruction sénatoriale. Mais cela ne permettra pas de faire oublier qu’il s’est lui-même enlisé dans un débat interminable, miné par des atermoiements juridiques, qui a fracturé la majorité”.

En revanche, le Sénat a ratifié sans problème la prolongation de trois mois de l’état d’urgence jusqu’à fin mai (316 sénateurs pour, 28 contre) (RFI).

Remaniement : débauchage et bricolage

Quoi d’autre ? Ah, oui, le gouvernement a été remanié jeudi. Par un chef de l’État plus que jamais “Monsieur Bricolage”, tacle Le Parisien : “Hollande a ressorti sa fameuse “boîte à outils”. Un Premier ministre sur le retour, un baron local, des femmes prétextes et des écolos qui ne représentent plus qu’eux-mêmes : quel bricolage !”. “Débauchage !”, a pour sa part tonné David Cormand, nouveau numéro 1 d’EELV, furieux du trio d’écolos anti-Duflot entrant au gouvernement (Emmanuelle Cosse, ex-patronne d’Europe Écologie-Les Verts, devenue ministre du Logement, Barbara Pompili, secrétaire d’État aux Relations internationales sur le climat et de la biodiversité, et Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste au Sénat, qui hérite du secrétariat d’État à la Réforme de l’État et à la Simplification (Public Sénat).

“Ce retour [d’écologistes] laisse toutefois entendre que l’exécutif leur a donné certains gages, parmi lesquels certainement la fermeture de Fessenheim, ou le déblocage du brûlant dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes”, observe Le Figaro. François Hollande a sorti de son chapeau un référendum local (communal ? départemental ? régional ? interrégional ?) supposé faciliter un atterrissage en douceur. Mais Libération a de gros doutes : “Dans le même gouvernement, on trouve ainsi au moins deux de ses farouches partisans [de l’aéroport], Manuel Valls, bien sûr, mais surtout Jean-Marc Ayrault, si longtemps maire de Nantes – dont le projet est d’ailleurs surnommé l’“Ayrault-port”. Et trois contempteurs virulents, dont l’ex-secrétaire nationale des Verts”. Il est vrai que c’était avant leur arrivée au gouvernement…

Stratégiquement, l’objectif de François Hollande n’a rien de mystérieux : “Après le resserrement de mars et août 2014 autour d’une ligne très hollando-vallsiste, social-démocrate voire social-libérale, le gouvernement s’élargit de nouveau (…) [pour] rassembler la gauche en vue de la présidentielle de 2017”, observe Le Nouvel Obs. Et tant pis si Valls et Ayrault se détestent : “(…) le ministre des Affaires étrangères est traditionnellement placé sous la tutelle du président de la République et non du Premier ministre”.

Mais personne ne voit quel souffle ce remaniement cosmétique façon IVe République donnera au pays… “L’histoire de la Ve République est parfaitement claire sur ce point: les seuls remaniements qui ont eu du sens et un véritable impact, ce sont ceux qui ont procédé à la fois à un changement de Premier ministre et à un changement de ligne politique”, avait prévenu Thomas Guénolé, politologue et maître de conférence à Sciences Po (Le FigaroVox).

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