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Déclaration commune : les huit points saillants d’un tournant historique

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Isabelle Cousturié ✝ - publié le 13/02/16
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Ce texte marque un renouveau dans les relations entre les Églises catholique et orthodoxe russe, après plus de 1 000 ans de division. C’est dans une ambiance détendue et fraternelle que le pape François et le patriarche de Moscou, Cyrille, se sont entretenus pendant près de deux heures dans le grand salon de l’aéroport de la Havane.

Cette rencontre “nous a donné la possibilité d’entendre et comprendre la position de l’un et l’autre (…) nos Églises peuvent maintenant travailler ensemble activement, unir leurs efforts pour défendre les chrétiens du monde entier de manière pleinement responsable et faire en sorte qu’il n’y ait plus la guerre, que la vie humaine soit partout respectée et que se renforcent les fondamentaux de la morale, de la famille et de la personne”, a déclaré le patriarche de Moscou dans un bref discours improvisé aussitôt après la signature du texte.

Après lui, le pape François s’est réjoui de l’esprit de “franchise et chaleur” qui a marqué leurs échanges, affirmant devant les journalistes : “Nous avons parlé en frères, clairement, pas à demi-mots (…). J’ai senti pendant que nous parlions que l’Esprit nous soutenait. (…) Oui l’unité se construit en marchant, (…) une série d’initiatives à réaliser ensemble sont faisables et je pense que nous pourrons les réaliser”.

Le texte de la déclaration commune est un long texte de cinq pages qui témoigne d’une convergence de vue sur tant de sujets :

“Face aux défis du monde”

Le texte déplore “la perte de l’unité” entre catholiques et orthodoxes, conséquence “de la faiblesse humaine et du péché, qui s’est produite malgré la Prière sacerdotale du Christ Sauveur”. Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, le Pape et le patriarche espèrent que leur rencontre contribuera “au rétablissement de cette unité voulue par Dieu”, qu’elle sera “un signe d’espérance pour tous les hommes de bonne volonté”, dans un monde qui attend d’eux “des actes”

Contre les persécutions chrétiennes

“Notre regard se porte avant tout vers les régions du monde où les chrétiens subissent la persécution  (…) sont exterminés par familles, villes et villages entiers”, poursuivent François et Cyrille, régions comme le Proche-Orient et l’Afrique du nord où “leurs églises sont détruites et pillées de façon barbare, leurs objets sacrés sont profanés, leurs monuments, détruits”. Face à ces horreurs poussant tous ces chrétiens à un exode massif de leurs terres, ils appellent la communauté internationale à “des actions urgentes”. Tout en élevant leurs voix en faveur des chrétiens, ils compatissent aussi aux souffrances des fidèles d’autres traditions religieuses devenus victimes de la guerre civile, du chaos et de la violence terroriste.

Contre la violence et le terrorisme

Citant la Syrie et l’Irak, où la violence a déjà emporté des milliers de vies et laissé des millions de gens sans abri ni ressources, François et Cyrille appellent la communauté internationale à “mettre fin à la violence et au terrorisme et, simultanément, à contribuer par le dialogue à un prompt rétablissement de la paix civile”, en mettant en oeuvre “des actions communes, conjointes et coordonnées”. Un fort appel est lancé à tous les pays impliqués dans la lutte contre le terrorisme pour qu’ils agissent de façon responsable et prudente.

Contre l’extrémisme religieux

“En cette époque préoccupante « le dialogue interreligieux est indispensable”, poursuit la déclaration, “les différences dans la compréhension des vérités religieuses ne doivent pas empêcher les gens de fois diverses de vivre dans la paix et la concorde. Dans les circonstances actuelles, les leaders religieux ont une responsabilité particulière pour éduquer leurs fidèles dans un esprit de respect pour les convictions de ceux qui appartiennent à d’autres traditions religieuses. Les tentatives de justifications d’actions criminelles par des slogans religieux sont absolument inacceptables. Aucun crime ne peut être commis au nom de Dieu”.

Contre les atteintes à la liberté religieuse

Un des grandes préoccupations communes aux deux Églises : “La situation de tant de pays où les chrétiens se heurtent de plus en plus souvent à une restriction de la liberté religieuse, du droit de témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles”. La transformation de certains pays en “sociétés sécularisées, étrangères à toute référence à Dieu et à sa vérité” constitue un sérieux danger pour la liberté religieuse, déplorent le pape et Cyrille. “Nous sommes préoccupés par la limitation actuelle des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique.” Convaincus que l’Europe doit rester fidèle à ses racines chrétiennes, ils mettent en garde contre une intégration européenne qui “ne serait pas respectueuse des identités religieuses”.

Contre l’indifférence face aux pauvres et aux migrants

Le texte se poursuit par une détermination à lutter ensemble contre l’indifférence face aux “personnes se trouvant dans des situations de détresse, vivant dans des conditions d’extrême besoin et de pauvreté, alors même que croissent les richesses matérielles de l’humanité”, et face au sort de “millions de migrants et de réfugiés qui frappent à la porte des pays riches”. Dans ce contexte, les Églises chrétiennes, affirment-ils, “sont appelées à défendre les exigences de la justice, le respect des traditions des peuples et la solidarité effective avec tous ceux qui souffrent”.

Contre les atteintes à la vie et la famille

Autre préoccupation commune : la famille menacée dans “son ouverture à la procréation et à l’éducation des enfants, la solidarité entre les générations et le respect pour les plus faibles” ; la mise sur le même plan d’autres formes de cohabitation que le mariage, et de voir que la conception de la paternité et de la maternité comme vocation particulière de l’homme et de la femme dans le mariage, sanctifiée par la tradition biblique, soit “chassée de la conscience publique”. Le Pape et Cyrille se préoccupent aussi pour les millions d’enfants “privés de la possibilité de venir au monde”, s’inquiètent du développement de l’euthanasie qui “conduit à ce que les personnes âgées et les infirmes commencent à se sentir être une charge excessive pour leur famille et la société en général”, et de celui des technologies de reproduction biomédicale qui sont “une atteinte aux fondements de l’existence même de l’homme, créé à l’image de Dieu”. Dans ce contexte, François et Cyrille appellent les jeunes chrétiens à ne pas avoir peur “d’aller à contre-courant pour défendre la vérité divine à laquelle les normes séculières contemporaines sont loin de toujours correspondre”. 

Contre le prosélytisme et la concurrence

Pape et patriarche espèrent que leur rencontre historique contribuera aussi “à la réconciliation là où des tensions existent entre gréco-catholiques et orthodoxes”. Orthodoxes et catholiques sont unis non seulement par la commune Tradition de l’Église du premier millénaire, mais aussi par la mission de prêcher l’Évangile du Christ dans le monde contemporain. Cette mission implique le respect mutuel des membres des communautés chrétiennes et exclut toute forme de prosélytisme. De conclure alors : “Nous ne sommes pas concurrents, mais frères : de cette conception doivent procéder toutes nos actions les uns envers les autres et envers le monde extérieur. Nous exhortons les catholiques et les orthodoxes, dans tous les pays, à apprendre à vivre ensemble dans la paix, l’amour et à avoir “les uns pour les autres la même aspiration”. (…) Il ne saurait être question d’utiliser des moyens indus pour pousser des croyants à passer d’une Église à une autre, niant leur liberté religieuse ou leurs traditions propres”.

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