Les articles de la loi Santé concernant la recherche sur l’embryon et la suppression du délai de réflexion avant l’IVG ont été jugés conformes à la Constitution par les Sages. Dans l’indifférence générale.Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel le 21 janvier sur les recours déposés par les parlementaires de chacune des chambres à propos de la loi Santé de Marisol Touraine étaient attendues avec impatience par les médecins et les médias. Ceux-ci ont surtout communiqué sur la censure d’une partie du tiers payant généralisé, une mesure, il est vrai emblématique de la loi Touraine dont l’abandon satisfait une majorité de médecins (Europe 1). Les médias ont aussi souligné le feu vert au lancement du paquet neutre, autre mesure phare de la loi Santé qui mécontente, cette fois, les buralistes (France 3).
L’enjeu bioéthique largement ignoré
En revanche, les recours concernant la suppression du délai de réflexion avant l’IVG et la recherche sur l’embryon n’ont pas retenu l’attention des médias. Leur enjeu bioéthique leur aura probablement échappé…Voilà donc avalisées par le Conseil constitutionnel, la suppression du délai de réflexion avant une IVG institué comme garde-fou par la loi Veil, et la recherche sur l’embryon humain qui le ravale au rang de matériel de laboratoire.
Dans les deux cas, le Conseil constitutionnel a jugé les articles de la loi Santé conformes à la Constitution. Pour les “sage”, la suppression du délai de réflexion accordé à une femme qui envisage l’avortement n’est pas contraire à “l’équilibre” de la loi Veil étant donné que la confirmation de l’IVG ne peut avoir lieu le même jour. Par ailleurs, répondant à ceux qui mettaient en avant le délai de rétractation imposé par la loi pour confirmer un achat de quelque importance, il a mentionné qu’aucune disposition constitutionnelle n’impose “de façon générale” de délai de réflexion avant un acte chirurgical…
“Au bénéfice de l’embryon” ?
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs estimé conforme à la Constitution la réalisation de recherches biomédicales sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation. En réponse aux députés qui estimaient que l’article l’autorisant n’avait pas sa place dans le projet de loi santé parce qu’il relevait de la loi de bioéthique, et qu’il s’agissait donc d’un “cavalier législatif”, le Conseil constitutionnel a justifié sa décision estimant qu’il présentait “un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis”.
“Sur le fond, les arguments énoncés par le Conseil constitutionnel ont de quoi effrayer, commente le site de bioéthique Gènétique : les essais cliniques incriminés “destinés à améliorer l’efficacité des méthodes de PMA ou à prévenir ou soigner des pathologies chez l’embryon” “sont menés au bénéfice de l’embryon” et “ne conduisent pas à exposer l’embryon a un risque sans proportion avec le bénéfice attendu”… On est cependant en droit de se demander quel est le “bénéfice” que l’embryon, qui va être détruit, pourra tirer de ces recherches ?”.
Un produit industriel…
Gènéthique relève aussi que “les autorisations de recherche ne seront plus attribuées par l’Agence de biomédecine mais par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ce qui banalise ces recherches désormais soumises aux règles de l’industrie de la santé”.
La libéralisation croissante de la recherche (initiée à titre expérimental en 2004, confirmée en 2011, et déjà élargie en 2013) “chosifie” l’embryon humain. Ce n’est pas sans inquiéter d’éminents chercheurs, tel le Pr Alain Privat directeur de recherche à l’INSERM, qui avertit : “Les recherches dans le cadre de l’AMP (Assistance médicale à la procréation) pourront être destructrices de l’embryon humain, mais pire encore : elles pourront réaliser des modifications sur l’embryon humain, via la thérapie génique. Encore une fois, on ouvre la porte à l’homme augmenté” (Gènéthique).