Alors que le continent sud-américain est marqué quotidiennement par des violences faites aux populations indiennes, l’État péruvien a publié au Journal officiel un décret officiel reconnaissant l’alphabet de 31 langues indigènes. Ces 31 langues nouvellement reconnues par l’administration viennent s’ajouter à l’espagnol, pratiquée par 83,9% de la population. Cette décision signifie notamment que les citoyens péruviens pourront exiger des administrations et institutions publiques qu’elles utilisent, en plus de l’espagnol, une langue indigène pour l’établissement de tout document officiel, comme des certificats de naissance, de mariage, de décès, etc. Parmi ces langues répertoriées figurent notamment le kapanawa, une langue parlée par… 400 personnes, vivant dans la forêt amazonienne au Nord du pays.
La publication du décret constitue pourtant un défi de taille pour l’administration. Motif ? Les organes officiels ne disposent pas tous de matériels, informatique ou de typographie, comportant l’ensemble des lettres de ces 31 nouveaux alphabets. Les fonctionnaires devront pourtant se débrouiller ou prendre le risque de se placer hors la loi. Car le Pérou dispose d’une loi (n°29735) qui règlemente “l’usage, la préservation, le développement, la sauvegarde, la diffusion et l’encouragement à la pratique de langues originaires”, et prévoit l’officialisation de ses règles écrites.
Une langue parlée par… 70 000 habitants
À ce jour, la langue indigène la plus utilisée dans l’établissement de documents bilingues est l’awajú, qui n’est pourtant pratiqué “que” par 70 000 habitants, répartis dans quatre département du pays. Elle devance néanmoins la langue des indiens aymarás et celle des quechuas, qui représentent 45% de la population péruvienne (30 millions d’habitants) et qui constituent même, pour un tiers d’entre eux, l’unique idiome parlé.
Entre 43 et 60 langues
Cette décision de reconnaître 31 alphabets est loin d’être anecdotique. Selon les estimations, le Pérou possède entre 43 et 60 langues originaires en fonction des linguistes. Mais selon le propre gouvernement, nombre d’entre elles sont en danger et une dizaine risquent de disparaître d’ici peu parce qu’elles ne sont parlées que par des personnes âgées et qu’elles ne sont plus enseignées à des jeunes. D’où l’engagement des autorités de reconnaître officiellement ces langues d’ici à la fin 2017.