Ex-Seleka et anti-Balakas, en conflit depuis des années, ont arrêté les hostilités pour faciliter la visite du pape. “La trêve tient toujours”, assurent des missionnaires sur place. Un “pacte de non agression” signé à Bangui par les groupes armés de matrice islamique revendiquée et dite-chrétienne, déchirés par des années de lutte, a permis que la récente visite du pape François se passe sans incidents. Au bas du document, les signatures d’Abdoulaye Hissen, chef de l’ex-coalition Seleka (à majorité musulmane) et Maksim Mokom, leader des anti-Balaka (à majorité chrétienne). Et une date gravée dans toutes les mémoires: le 13 novembre, jour des attentats à Paris.
Quelques heures avant que l’idéologie fondamentaliste ensanglante les rues de la capitale française, en plein cœur de l’Afrique, dans un pays historiquement lié à la France, deux personnalités influentes de deux milices ennemies signent une trêve. Grâce au patient travail de médiation de la gendarmerie vaticane et de la communauté de Sant’ Egidio, leur engagement a permis au pape d’inaugurer une semaine à l’avance le jubilé de la miséricorde sans incidents et sans risques pour sa sécurité, mais également pour sa suite et les fidèles venus le voir.
Lundi 30 novembre, à la sacristie du stade de Bangui, à l’endroit même où le Saint-Père a célébré la messe devant des milliers de jeunes, Hissen et Mokom, dans la plus stricte confidentialité, ont remis leur « pacte de non agression » entre les mains du substitut de la secrétairerie d’Etat, Mgr Angelo Becciu, qui a confirmé à la presse la rencontre et la remise du document. Comme on le sait, les hostilités entre les deux milices, mais surtout l’instabilité dans le quartier musulman PK5 de Bangui, en proie depuis des semaines à des poussées de violences, risquaient de faire capoter la troisième et dernière étape de la visite du pape en Afrique.
Le gouvernement français avait fait savoir depuis longtemps qu’il n’aurait pas garanti la sécurité du pape, ni utilisé ses militaires pour le protéger, lui déconseillant alors vivement de mettre un pied à Bangui. Les alertes aux attentats se sont multipliées jusqu’à la veille de son départ pour l’Afrique. Mais François voulait à tout prix y être, manifester physiquement sa proximité au peuple centrafricain. Ainsi, quelques semaines avant son départ, le commandant de la gendarmerie vaticane Domenico Giani, et Mauro Garofalo, le responsable des affaires étrangères au sein de la communauté de Sant’ Egidio – qui avait déjà participé à des opérations de médiation de paix en Centrafrique – ont entamé des négociations sur le terrain.
“Avec Luca Cintia, le commissaire de la gendarmerie nous avons monté une petite équipe de quatre cinq personnes et avons eu plusieurs rencontres dans les quartiers les plus sensibles de Bangui”, explique Mauro Garofalo à la presse. “Il y avait des problèmes surtout avec le quartier musulman PK5 et certaines parties du parcours que le Pape devait effectuer dans les rues de la capitale, des zones où les anti-Balaka étaient très présents. Nous avons essayer d’expliquer que le pape François ne venait pas en homme politique, mais en messager de paix, et que sa visite était une occasion unique pour la réconciliation du pays.”
Abdoulaye Hissen et Maksim Mokom ont donné leur accord. Malgré les fortes tensions qui opposent les deux milices et les esprits échauffés de part et d’autre à l’approche des élections, ils ont accepté la trêve et de la respecter.
Le voyage du Pape, y compris sa visite à la mosquée de Bangui, s’est déroulé sans problèmes. Il a été accueilli très chaleureusement. La gendarmerie a pu compter sur la collaboration des militaires de la Minusca, les casques bleus de l’ONU placés sous la direction du général musulman d’origine sénégalaise Keita Balla, et celle des hommes de la direction de la sécurité des nations unies arrivés de New York.
De sources locales, il semblerait que la trêve, toujours très fragile, tient toujours. Dans le quartier PK5, la liberté de mouvement des non musulmans se serait améliorée. « Pour les miliciens – explique le représentant de Sant’ Egidio, « ce fut une occasion de montrer leur bonne volonté ». Selon des déclarations recueillies par l’agence Fides auprès de missionnaires à Bangui, “le climat laissé par le pape François a calmé les esprits. Les réactions, généralement violentes, sont aujourd’hui plus mesurées. La venue du pape a redonné confiance aux gens et permis la reprise de certaines activités économiques”. Il n’y a plus qu’à espérer que le fil de la trêve, qui reste très mince, ne se brise pas.