Le sort est jeté et la pièce jouée ! Le “Pays des hommes intègres” a enfin son président à l’issue des élections couplées de la présidentielle et des législatives du dimanche 29 novembre dernier.Les Burkinabés, en dépit des soubresauts qu’a connus la transition, et contre toute attente, ont donné une bonne leçon de démocratie en organisant des élections libres et transparentes, crédibles et dont les résultats ont été acceptés par tous. Des élections qui se sont déroulées dans un climat apaisé, bref, des élections démocratiques depuis plus de trente ans. L’on connait les péripéties de ces élections dont l’issue heureuse a été saluée par la communauté internationale, qui avait pourtant, au même moment, les yeux rivés sur Paris où se tenait la COP 21.
Un an après la chute de Blaise Compaoré, chassé par la rue, la transition politique est bien en marche et a abouti à l’élection d’un nouveau chef d’Etat, Roch Marc Christian Kaboré. Ce n’est pas un inconnu, puisqu’il est pur produit “made in Burkina Faso”. En effet, celui dont les intimes appellent “Rocco” a émergé sur la scène politique burkinabè en 1994, remplaçant le tout premier ministre de Blaise Compaoré, Youssouf Ouédraogo. Fils d’un banquier et d’une enseignante, bachelier à 18 ans, titulaire d’un DESS en gestion et d’un certificat d’aptitude à l’administration et à la gestion des entreprises, il va se retrouver empêtré dans les luttes politiques et à la direction générale de la Banque Internationale du Burkina (BIB). Le déclic dans la carrière politique partira de 1989 lorsque Blaise Compaoré lui demandera d’assumer la fonction de ministre des Transports et des Télécommunications”. Plusieurs fois ministre, président de l’Assemblée nationale entre 2002 et 2012, avant de quitter le navire battant pavillon Blaise Compaoré au début de l’année dernière pour fonder son propre parti, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP). Serait-ce un “changement dans la continuité” ? L’avenir nous le dira.
Ce qui est sûr, le nouvel homme fort du Burkina Faso a du pain sur la planche, ce d’autant que plusieurs chantiers herculéens s’étendent devant lui. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre Mgr Paul Ouedraogo, archevêque de Bobo-Dioulasso, président de la Conférence épiscopale Burkina/Niger et de la Commission nationale de la réconciliation et des réformes. En effet, dans des pays comme le Burkina Faso, “généralement les priorités sont partout, et même les priorités demandent à être priorisées”, a-t-il affirmé dans sa première sortie médiatique tout juste au moment de la publication des résultats provisoires. “Il va de soi que le chantier économique est un dossier prioritaire, parce que s’il y a un secteur qui a esquivé les coups depuis les événements des 30 et 31 octobre 2014, puis des 16 et 17 septembre 2015… C’est la vie économique du pays, qui en a souffert le plus”, a-t-il poursuivi.
De son avis toujours, “un deuxième chantier est certainement celui de la justice pour la réconciliation. Au niveau de la commission de la réconciliation nationale et des réformes, faut-il le rappeler, nous avons quand même recensé plus de 5 000 dossiers qui sont des cas où les frustrations se sont accumulées, où les injustices ont été flagrantes quelque fois, et qui demandent réparation, pour mettre tout le monde dans les dispositions de vivre ensemble et de réconciliation pour bâtir ensemble le Burkina”.
Enfin, pour l’archevêque de Bobo-Dioulasso, “le troisième chantier est même un problème de gouvernance tout simplement, parce qu’en plus de la justice, de la gouvernance économique, la gouvernance politique elle-même et institutionnelle est un chantier assez urgent”.
Pour l’heure, en attendant que les résultats soient définitivement validés par le conseil constitutionnel, les félicitations fusent de partout à la joie légitime du nouveau président qui savoure sa victoire. Mais en fait de victoire, ainsi que le reconnaissent les nombreux observateurs nationaux et internationaux, le premier vainqueur de ces élections est, à n’en point douter, le Burkina Faso qui en est certainement sorti mûri. Pourvu que son expérience fasse tâche d’huile partout en Afrique.