Si pour certains les tensions à Bangui sonnent comme une menace à la visite du Pape à Bangui à la fin du mois, pour d’autres elles font figure d’invitation.Le pape François ouvrira en Afrique la première Porte Sainte du jubilé extraordinaire de la Miséricorde dont l’ouverture officielle est prévue le 8 décembre prochain à Saint-Pierre. L’événement aura lieu à la cathédrale de Bangui, le 29 novembre, lors de sa visite en Centrafrique, troisième et dernière étape de son prochain voyage apostolique à l’étranger, qui le conduira d’abord au Kenya puis en Ouganda.
Par ce geste, le Pape, a-t-il lui-même annoncé le 1er novembre aux milliers de fidèles rassemblés place Saint-Pierre pour la prière de l’Angélus, tient à montrer à la République centrafricaine, brisée par presque deux années de crises politiques et violences, que “toute l’Église est proche d’elle et prie pour elle”, et appeler tous les Centrafricains à “être de plus en plus des témoins de miséricorde et de réconciliation”.
En toile de fond, une nouvelle éruption de violence
Depuis le 26 septembre dernier, Bangui connaît une nouvelle éruption de violence que même l’intervention de la mission des Nations unies dans le pays n’a pas réussi à enrayer. La présidente par intérim, Catherine Samba-Panza, déplorait la mort de 90 personnes depuis fin septembre, malgré la signature d’un accord de paix en mai dernier, et la fuite de centaines de personnes attaquées dans leurs quartiers par des habitants de PK5, un secteur musulman de la ville.
Des élections présidentielle et législatives devaient avoir lieu le 18 octobre dernier, mais ont été reportées au 13 décembre suite à ces violences. Résultat d’un conflit intercommunautaire qui aurait fait plus de 400 000 déplacés et 440 000 réfugiés depuis 2013, lorsque le pays est tombé dans le chaos après la prise du pouvoir par les rebelles musulmans de la Séléka. Cette période avait été suivie de représailles des milices majoritairement chrétiennes anti-Balaka et l’armée française avait du intervenir dans le cadre de l’opération Sangaris pour mettre fin aux massacres.
“Le pape n’a pas peur”, assure le cardinal Parolin
A l’angélus, le pape s’est dit “fort préoccupé” pour les “douloureux épisodes de ces derniers jours”, et appelé les parties impliquées à prendre des mesures pour en finir avec la violence, tout en faisant part de son soutien moral aux missionnaires comboniens de la paroisse de Notre-Dame-de-Fatima à Bangui – où la porte sainte devrait être ouverte par le pape – qui aident les nombreux déplacés (Aleteia).
Dans un communiqué à l’agence Fides, les Œuvres pontificales missionnaires présentes dans le pays confirment “les crimes et les saccages, les destructions de lieux de cultes et d’églises, et actes de barbarie” commis depuis le 25 septembre. Elles ont appelé récemment “fidèles, chrétiens et musulmans, partenaires nationaux et internationaux et hommes et femmes de bonne volonté” à “mettre fin à leurs hostilités et querelles” et à “se préparer, dans la paix et la sérénité, à accueillir l’Envoyé de Dieu”.
Les violences qui se succèdent en Centrafrique ne remettent pas en cause le voyage du Pape à Bangui le 29 et le 30 novembre, assure le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État au Saint-Siège. Il affirme que le Pape n’a pas peur. “Le pape va partout”, souligne-t-il dans des propos rapportés par la presse africaine, le 29 octobre dernier, “il est prêt à affronter tous les risques…”. Le cardinal Parolin attribue le courage du Saint-Père à “sa foi et son amour pour les gens”.
Cette étape en Centrafrique est très importante pour le Saint-Père car il veut “adresser une parole de réconfort, pas seulement aux chrétiens, mais à tout le monde, pour le bien de la paix encore à construire”, a conclu le secrétaire d’État. Très importante également pour le clergé africain : “J’attends de la visite du pape François en Afrique un nouveau souffle pour l’Église”, a notamment déclaré le cardinal Monsengwo, archevêque de Kinshasa (RDC) et conseiller du Pape, dans un entretien à Jeune Afrique, en marge du récent synode des évêques sur la famille. Le Saint-Père ne connaissait pas beaucoup l’Afrique, reconnaît-il, il trouve donc “formidable” qu’il y aille, et “formidable” son désir “d’aller auprès des gens qui souffrent même si cela est très compliqué…”.
Les étapes clés du voyage
Les détails de la toute première visite pastorale du Pape en Afrique ont été dévoilés à la mi-octobre : du 25 au 27 novembre il sera au Kenya ; du 27 au 29 en Ouganda et du 29 au 30 en Centrafrique – si la situation, effectivement, le lui permet, a-t-il laissé entendre à l’angélus de dimanche dernier – trois pays marqués par une forte présence catholique mais en proie à des tensions civiles meurtrières à répétition. Le Souverain Pontife rencontrera tour à tour les trois chefs d’État concernés (Uhuru Kenyatta, Yoweri Museveni et Catherine Samba-Panza) et célébrera dans chaque pays une messe.
À Nairobi, il s’adressera au clergé et aux religieux en général puis aux séminaristes, avant de visiter le siège de l’ONU dans la capitale. En Ouganda, il se rendra aux sanctuaires anglican et catholique des Martyrs de Namugongo pour y commémorer la canonisation par le pape Paul VI en 1964 des premiers saints africains – 22 jeunes gens tués entre 1885 et 1886. Très attendu également, le discours que le Saint-Père doit prononcer le 30 novembre devant la communauté musulmane dans la mosquée centrale de Bangui qui, selon les médias africains, “devrait être symboliquement très fort”.