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Le synode et les divorcés remariés : ni victoire, ni défaite, que de la sagesse

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Philippe Oswald - publié le 27/10/15
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Les commentateurs se divisent sur le “succès” ou “l’échec” supposés du pape François. C’est oublier un peu vite que la consultation de ces derniers jours n’est que… consultative. Pour Romilda Ferrauto rédactrice en chef de Radio Vatican, “le synode des évêques s’achève dans un climat d’espoir : après un premier synode en 2014 qui avait divisé l’assemblée, les participants repartiront avec le sentiment du devoir accompli, malgré la délicatesse et la complexité de la tâche (…). La commission chargée du rapport final est parvenue à élaborer un texte susceptible de satisfaire la majorité des pères du Synode. » Elle relève toutefois qu’ « un des paragraphes consacré aux divorcés-remariés n’a été adopté que de justesse, avec 178 pour [à une voix donc, la majorité qualifiée requise étant de 177] et 80 votes contre …»

“Une révolution douce”

Le Monde se réjouit de ce qu’il interprète comme une victoire  du pape François : «Par la plus étroite des marges – une voix au-dessus de la majorité requise des deux tiers -, le pape François a remporté son pari. Le rapport final sur la famille, (…) offre aux divorcés remariés la perspective de retrouver, pour certains d’entre eux, une pleine participation à la vie ecclésiale, jusqu’à l’accès aux sacrements. »

François Vercelletto ne partage pas ce sentiment sur son blog de Ouest France : “De nombreux analystes interprètent le rapport final du synode comme la marque d’un futur changement de la discipline qui s’appliquera aux divorcés remariés. Est-ce si sûr ? On l’a dit et redit. (…) après deux questionnaires envoyés aux fidèles et deux synodes à un an d’intervalle, ‘l’ouverture’ ressemble davantage à une porte entrebâillée qu’à une fenêtre grande ouverte. (…)Faudra-t-il que demain François accorde une certaine latitude aux conférences épiscopales pour résoudre cette question ? Mais qu’en sera-t-il alors de l’unité de l’Église catholique ? Peut-on imaginer une règle en Afrique et une autre en Europe ?”

Même sentiment mitigé d’ Henri Tincq dans les rangs de ceux qui estiment que le pape a obtenu “une victoire à l’arrachée” (Slate) : “La fragile victoire de François pourrait donc ne rester qu’un feu de paille, à l’issue d’un synode qui aura permis de mieux identifier les fractures idéologiques et les opposants à la ligne réformatrice: notamment dans les épiscopats africains, ceux de l’est de l’Europe qui se rétablissent difficilement de l’épreuve communiste et celui des États-Unis, qui fait face à un environnement familial et sociétal de plus en plus laxiste. Ces opposants ne sauront tolérer demain la moindre remise en cause de la morale catholique…”.

Si révolution il y a, c’est une “révolution douce” estime Dominique Greiner dans l’éditorial de La Croix : “(…) certains ont pu penser que le Pape ouvrait la boîte de Pandore, et prenait un risque inconsidéré en laissant s’exprimer publiquement des opinions contradictoires sur la discipline de l’Église en matière d’accès aux sacrements. Ceux-là peuvent être rassurés. Le rapport final remis au pape samedi 24 octobre ne remet absolument pas en cause la doctrine de l’Église sur le mariage, même quand il évoque l’accompagnement qui pourrait être proposé aux divorcés-remariés dans la perspective d’une ‘pleine participation à la vie de l’Église’. À l’opposé, ceux qui attendaient que le synode fasse la révolution sur cette question, sur celle de la contraception ou de l’homosexualité ne peuvent que dire leur déception.”

“Le Pape garde la main”

Ni les “conservateurs” ni les “progressistes” n’ont emporté une victoire, estime Bernard Lecomte sur le site Atlantico : “Ceux qui espéraient que ces débats déboucheraient sur un assouplissement de la doctrine sur les divorcés remariés, ou sur une démarche plus formelle en direction des couples homosexuels, sont déçus, car aucun texte final ne mentionne ces ouvertures espérées. Mais à l’inverse, ceux qui ont ferraillé contre toute esquisse de tentative d’assouplissement de la doctrine familiale de l’Eglise, (…) sont inquiets de voir que le pape s’est ménagé plusieurs portes de sortie grâce auxquelles, pour l’avenir, il garde la main”.

De fait, souligne le cardinal Vingt-Trois dans le JDD, le pape François “sort renforcé [du synode] parce que les choses se sont passées comme il le souhaitait. (…) Le fait que le synode, sur une question aussi difficile, ne se soit pas bloqué et ait assumé les différences, laisse au pape toute liberté pour prendre ses décisions…”.

Efficace explication de texte chez nos confrères de Famille Chrétienne sous la plume d’Antoine Pasquier et Jean-Marie Dumont : “Les Pères synodaux fidèles au Magistère semblent donc avoir réussi à déjouer les pronostics qui prédisaient un changement notable de la doctrine ou de la discipline de l’Église.” Le rapport final fait largement référence au magistère de l’Église sur le mariage et la famille. Le rapport invite l’Église à « redécouvrir » ses textes fondateurs sur la famille comme Humanae Vitae ou Familiaris Consortio, souvent tenus à distance voire directement critiqués par certaines parties de l’Église. Accompagnement des jeunes familles, formation des prêtres, annonce de l’Évangile. Les fondamentaux chers au pape François sont là.

Le synode des évêques n’est pas un parlement chargé de voter une réforme sociétale mais un organe consultatif, rappelle sur son blog Patrice de Plunkett : “Le rapport final remis au pape n’est donc pas une proposition de loi : c’est un document de cinquante pages, forcément complexe puisqu’il dégage un consensus. Après quoi le Pape, ayant constaté et étudié ce que pense l’Eglise universelle, publiera – d’ici un ou deux trimestres – ses conclusions et ses orientations qui feront autorité”.

“Laisser du temps à l’Esprit Saint”

Pour prendre la mesure de la difficulté des décisions qui attendent le pape François, notamment sur l’accès ou non à la communion des divorcés remariés, il faut lire attentivement la longue interview qu’a accordée à Jean-Marie Guénois dans Le Figaro Vox, la canadienne Aline Lizotte, docteur canonique en philosophie et directrice de l’Institut Karol Wojtyla. Contentons-nous ici d’en citer la conclusion : “Le synode n’est pas un Concile, il n’engage pas l’autorité magistérielle infaillible de l’Église. Ni même l’autorité du Pape dans son magistère ordinaire. (…). Mais on attendait du synode qu’il inaugure, pour toute l’Église, une véritable refonte de la Pastorale du mariage et de la famille. C’était peut-être un projet ambitieux. Peut-être faudra-t-il se contenter d’un début d’orientation. Nous sommes toujours pressés, et nous ne savons pas encore, après plus de 20 siècles de christianisme, laisser du temps à l’Esprit Saint”.

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