Six jours après l’appel du Pape à ne pas “céder à l’herméneutique de la conspiration”, retour sur la mystérieuse lettre adressée au pape François par 13 cardinaux “préoccupés”.Treize cardinaux ont écrit au Pape pour lui faire part de leurs doutes et perplexités quant aux “procédures” de fonctionnement du synode. Le lendemain matin, le Saint-Père, prenant exceptionnellement la parole en début de séance, a demandé à ses frères évêques de ne pas tomber dans cette mentalité qui consiste à “voir des complots partout”. La contestation a fait long feu, mais sous la cendre la flamme médiatique couve encore.
Alors que le synode des évêques sur la famille est entré dans sa deuxième semaine de travaux, un voile de mystère entoure la lettre de ces 13 prélats, dont les médias italiens se sont fait l’écho lundi 12 octobre. Les signataires y sont précisément cités, mais la liste s’amenuise à mesure qu’ils démentent leur implication. Ainsi, le cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris et président délégué du synode, y figurait avant de voir son nom rayé de la liste.
Tout est parti d’un simple tweet
Le 6 octobre dernier, un tweet du père Antonio Spadaro : “Le #papeFrançois demande de ne pas céder à ‘l’herméneutique de la conspiration’ qui est faible sociologiquement et n’aide pas spirituellement”.
#PapaFrancesco ha chiesto di non cedere all' "ermeneutica cospirativa" che è sociologicamente debole e spiritualmente non aiuta #Synod15
— Antonio Spadaro (@antoniospadaro) October 6, 2015
Directeur de la revue jésuite Civilta cattolica, le père Antonio Spadaro participe au synode et, comme tous les pères synodaux, peut rendre compte de ce qu’il dit, entend et voit. Deux jours plus tard, le père Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, vient à la rescousse d’un synode en eaux troubles : “Le pape François a demandé à tous les pères synodaux d’avoir une totale confiance les uns dans les autres, d’être convaincus que le processus synodal a lieu dans une parfaite loyauté (…). N’imaginons pas des complots partout ou une communication guidée par des intérêts particuliers ou une quelconque tentative de manipulation”. Sa déclaration fait figure de réponse à la fameuse lettre des cardinaux et des évêques.
Les pères synodaux face au doute
Une des principales critiques des cardinaux touche le document de travail initial (l’instrumentum laboris). Certaines parties jugées trop “problématiques” gagneraient selon eux “à faire l’objet d’une réflexion approfondie ou à être retravaillées”. Puis ils critiquent “les nouvelles procédures” synodales, affirmant que celles-ci pourraient être perçues, dans certains milieux, comme “manquant d’ouverture et de vraie collégialité” et avoir “une influence négative sur les délibérations du synode et sur le document final”. Selon les 13 cardinaux, ces procédures “ne sont pas fidèles à l’esprit traditionnel et à l’objectif d’un synode”. Ils ne voient donc pas la nécessité de tels changements, si ce n’est pour “faciliter l’obtention de résultats prédéterminés à propos de questions importantes et controversées”. Un avis partagé par “un certain nombre de pères”.
Autre malaise, soulignent les cardinaux critiques : “Le manque de participation des pères synodaux à la composition de la commission de rédaction. Ses membres ont été nommés, pas élus, sans consultation. De même, tous ceux qui rédigent quelque projet de texte que ce soit au niveau des petits groupes devraient être élus et non pas nommés”, déplorent-ils.
“La doctrine du mariage ne sera pas touchée”, promet François
Enfin, dernière inquiétude, et “peut-être la plus urgente”, soulignent-ils : le fait qu’un problème théologique doctrinal comme l’accès à la communion des catholiques divorcés remariés puisse dominer tout un synode où sont affrontées des questions pastorales aussi vitales que “le renforcement de la dignité du mariage et de la famille”. Si c’est le cas, lit-on dans la lettre, d’autres questions encore plus cruciales seront “inévitablement soulevées” sur la manière dont l’Église, au fil du temps, “devra interpréter et appliquer la Parole de Dieu, ses doctrines et ses disciplines, aux changements de culture”, estiment-ils. Sur ces deux points, le pape François a assuré que “la doctrine sur le mariage n’était pas touchée” et que les pères synodaux ne devaient pas se focaliser sur la question de l’accès à la communion des catholiques divorcés remariés.
Ce lundi 12 octobre, les pères synodaux, experts et auditeurs, comme la semaine dernière, se sont retrouvés en carrefours linguistiques. Ils ont entamé l’étude de la deuxième partie du document de travail sur “le discernement de la vocation familiale”.