Loin d’être un carcan, la morale qu’enseigne l’Église est un chemin de liberté. Encore faut-il en comprendre le fondement.La morale chrétienne n’est pas une liste d’interdits ou d’impératifs catégoriques inaccessibles à la raison mais “une lumière pour l’action”, explique Pascal Jacob, agrégé de philosophie, dans cet essai rigoureux et clair*. Ni rigide, ni laxiste, cette morale se veut pleinement réaliste, au plus près de la nature humaine, au point que ses exigences ne sont pas à l’usage exclusif des chrétiens, mais capables d’être reconnues et observées universellement. Avant l’énoncé de tout dogme ou de toute règle, l’Église catholique est en effet convaincue que “la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance” (affirmation de la déclaration conciliaire Dignitatis Humanae dont l’auteur est Karol Wojtyla, le futur saint Jean Paul II).
La morale chrétienne est aussi laïque
En ce sens, la morale chrétienne se veut aussi laïque, c’est-à-dire reconnaissable par tous, “au-delà de tout particularisme culturel, religieux ou communautaire”. Très concrètement, même les tenants du relativisme ou les pourfendeurs de “l’ordre moral” ne peuvent s’empêcher d’apprécier qu’on respecte la parole donnée ou qu’on ne les vole pas… Chassez la morale par la porte, elle reviendra par la fenêtre… souvent en boomerang !
Telle est, résumée de façon lapidaire, la pointe du propos de Pascal Jacob. Le sujet est particulièrement sensible puisqu’il concerne l’agir de chacun, qu’il soit ou non philosophe ou/et théologien. Il appartient au magistère de l’Église d’éclairer cet agir à l’intention de tous, savants ou non, car si l’on peut s’accorder aisément sur l’interdit du mensonge ou du vol, les choses se compliquent s’agissant par exemple de la destination universelle des biens, du respect de la vie ou de la morale sexuelle.
Encore faut-il que des théologiens ne brouillent pas et, a fortiori, ne contredisent pas l’enseignement de l’Église en distillant une doctrine prétendument catholique mais en réalité viciée par des théories incompatibles avec le réalisme de la foi. Sur certains sujets brûlants, le divorce entre des textes du magistère et l’exégèse qu’en font certains commentateurs qui peuvent être des ecclésiastiques, sème le trouble et le désarroi dans les consciences.
La foi ne s’accommode pas de n’importe quelle philosophie
Pascal Jacob prend le problème à bras le corps en montrant que “si la foi ne dépend pas d’une philosophie, elle ne peut s’accommoder de toutes”. La confiance dans les capacités humaines à connaître et à aimer le vrai, le bien et le beau est au cœur de la foi chrétienne. Pas d’enseignement authentiquement catholique, en morale comme ailleurs, sans le support d’une philosophie réaliste pour laquelle le vrai et le bien ne sont pas des « transcendantaux » inaccessibles à la raison comme l’a professé Kant, mais des réalités offertes à l’intelligence et à la volonté, comme l’ont montré le philosophe païen Aristote et le théologien chrétien Thomas d’Aquin.
Cet essai est donc aussi un appel au discernement adressé à tous ceux qui veulent mieux comprendre la morale chrétienne afin qu’ils ne se laissent pas égarer par des doctrines incompatibles avec la foi catholique parce qu’étrangères à la vérité. Il ne suffit pas qu’un auteur se présente comme “théologien” ou “moraliste” pour être un guide fiable notamment dans tout ce qui relève de la morale ou de l’éthique. S’il dilue, conteste ou contredit l’enseignement du magistère, attention, y a un loup !
*La morale chrétienne, carcan ou libération ? par Pascal Jacob, Desclée de Brouwer, 188 pages, 16,90 euros