La tension monte dangereusement entre Israéliens et Palestiniens. Dans les rues, les journaux, une seule question : la troisième Intifada est-elle en marche ? Tout semble normal en vieille ville de Jérusalem, ce mardi. Les groupes compacts de pèlerins en parcourent les ruelles étroites, les fidèles juifs la traversent d’un pas rapide pour se rendre au Mur des Lamentations, et les marchands interpellent joyeusement les touristes, leur vantant la beauté des narguilés, coussins, bijoux et autres chapelets qui encombrent leurs pittoresques boutiques. Le tout, sous le regard de policiers et soldats plus nombreux que d’ordinaire. Ils sont partout, postés à chaque porte, à chaque croisement de ruelles. Leur présence rappelle que si la situation semble normale, elle ne l’est en réalité pas.
Attaques à Jérusalem
Dimanche et lundi en effet, ces mêmes quartiers bouillonnants étaient déserts ; la vieille ville était entièrement bouclée et interdite aux Palestiniens de Jérusalem-Est. Une mesure exceptionnelle prise par les autorités israéliennes suite à l’attaque meurtrière survenue samedi soir, en plein quartier musulman. Un jeune Palestinien de 19 ans, étudiant en droit, poignardait à mort deux juifs orthodoxes qui se rendaient au Mur des Lamentations, blessant également une femme et un enfant. Il sera tué par les forces de sécurité israéliennes accourues sur place. Plus tard dans la nuit, à Jérusalem-Ouest cette fois, un autre jeune Palestinien, soupçonné d’avoir agressé un adolescent israélien, sera également abattu par des policiers.
La Cisjordanie s’embrase
Les journées de dimanche et lundi ont par ailleurs été marquées par des heurts violents entre soldats israéliens et Palestiniens, dans toute la Cisjordanie : aux alentours de Ramallah, de Bethléem, Naplouse, etc. L’armée tire à balles réelles contre les jets de pierre et les cocktails Molotov, et selon le Croissant-Rouge palestinien, deux morts et près de 150 blessés sont à déplorer. Les scènes d’affrontements ne sont pas sans rappeler celles des deux premières Intifadas, de 1988 et de 2000.
“La grande majorité des Palestiniens ne veulent pas d’une intifada, explique Mohammed, professeur à Ramallah (capitale administrative de l’Autorité palestinienne). Ils veulent vivre en paix. Mais les jeunes sont fatigués de l’occupation”, explique-t-il. Cette occupation israélienne unanimement décriée, et ses corollaires s’ajoutent à une situation guère enviable dans les Territoires où la pauvreté, le chômage, la corruption privent la jeunesse palestinienne de tout espoir et de toute perspective. Sans parler d’un processus de paix dans l’impasse.
Le contentieux autour des lieux saints
À cette réalité qui n’est pas nouvelle, se greffe le contentieux autour de l’esplanade des Mosquées ou Mont du Temple. Le premier lieu saint du judaïsme est aussi le troisième lieu saint de l’islam.
C’est sur ce vaste plateau que se dressait le Temple de Salomon, édifié près d’un millénaire avant Jésus-Christ et détruit par le roi perse Nabuchodonosor II lors de l’exil des Juifs à Babylone ; puis celui d’Hérode, détruit en 70 par l’empereur romain Vespasien. De ces constructions, il ne reste que le Kotel, le mur de soutènement occidental de l’esplanade, couramment appelé “Mur des Lamentations”. Il demeure l’endroit le plus saint du judaïsme pour sa proximité avec le Saint des saints, l’ancien sanctuaire du Temple aujourd’hui disparu.
Pour les musulmans, le Dôme du Rocher situé au beau milieu de l’esplanade, abrite la pierre sur laquelle Mahomet a accompli un voyage en songe, de La Mecque vers la mosquée “lointaine” (al-Aqsa), et le point d’où le prophète de l’islam serait monté au ciel emporté par un cheval ailé. Ce “Rocher de la fondation” serait également la pierre d’assise du Saint des saints des deux Temples successifs de Jérusalem.
Ce lieu hautement sensible est régi depuis 1967 par un statu quo tacite, lequel instaure un accès libre aux musulmans, et un droit de visite pour les touristes et les juifs, qui ne sont toutefois pas autorisés à y prier. Les autorités religieuses juives interdisent d’ailleurs formellement aux juifs de s’y rendre. En effet, ils prendraient le risque de profaner par mégarde le Saint des saints (dont l’emplacement s’est perdu dans les mémoires), en pénétrant dans l’espace de ce sanctuaire sacré, où se manifestait la Présence de Dieu et dont l’accès était réservé au seul grand prêtre.
Pourtant, depuis quelques années, certains groupes radicaux emmenés par des rabbins nationalistes, réclament à cor et à cri la révision du statu quo et multiplient les “incursions” sur l’esplanade pour y prier, provoquant ainsi la colère des musulmans. Les récents affrontements qui ont eu lieu sur l’esplanade, lors du nouvel an juif, au mois de septembre, auraient d’ailleurs été provoqués par une de ces incursions.
Un mot d’ordre : attendre
Une troisième Intifada est-elle pourtant envisageable ? Non, à en croire certains analystes et observateurs, pour la simple et bonne raison que les Palestiniens auraient tout à y perdre. Beaucoup en effet travaillent en Israël. Toute velléité de révolte serait en outre probablement étouffée par les autorités palestiniennes elles-mêmes, sans compter la riposte israélienne.
Difficile toutefois de prévoir la suite des événements. La tension pourrait retomber avec la fin des fêtes juives, et la mise en place de mesures de sécurité drastiques adoptées par le gouvernement israélien. Les violences pourraient au contraire augmenter et s’étendre. Seuls les prochains jours permettront de le savoir.