Le fondateur de Sant’Egidio confie au “Vatican Insider” son irritation face à l’acharnement de certains à vouloir diminuer le Pape en lui collant des étiquettes.Il y a des clichés qui irritent, comme dire du pape François : “Il parle de pauvreté tout le temps parce qu’il vient d’Amérique du Sud” ou : “Il agit et parle d’une certaine façon parce qu’il est jésuite”. Le fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, Andrea Riccardi, est un de ceux que cela irrite et qu’il dénonce au Vatican Insider comme étant une tactique pour diminuer le Pape. L’historien commente l’affaire Charamsa, certains épisodes du voyage du Pape à Cuba et aux États-Unis et les intentions prêtées à un séminaire entre experts de renom – à La Civiltà Cattolica – mais fermé au public, à la veille du synode.
Sur le coming out de Mgr Charamsa, à la veille du synode…
“Mon impression est que l’on a plutôt affaire à un problème personnel, à une manière de vivre les relations humains, interpersonnelles et d’amitié à l’intérieur même de la Curie : il est clair que l’histoire de Mgr Charamsa ne date pas d’hier. S’il y a de l’embarras, on peut le comprendre au sein de la congrégation qui l’employait. Par contre, je ne comprends pas pourquoi un problème personnel deviendrait-il une question d’ordre institutionnelle, voire en rapport avec la gouvernance du Pape. Du reste, ces 50 dernières années, il y en a eu des prêtres qui ont quitté leur sacerdoce, beaucoup même, et qui avaient encore fait plus de bruits.”
Sur les intentions du Pape, bien ou mal interprétées…
“Quiconque s’exprime en public est victime d’interprétations. Mais dans le cas du pape, je trouve que ses propos sont clairs, et ses intentions bien exprimées. Le pape est mal interprété par ceux qui veulent mal l’interpréter, l’interpréter à leur façon, pour renforcer leurs idées ou pour le simple plaisir, dirait-on, de l’enfermer dans un cliché qui puisse le diminuer. François n’a pas besoin de ‘décodificateur’. Il a choisi de parler au peuple, comme un Pape et un pasteur. Les personnes simples comprennent le pape, ce qu’il dit, les indications qu’il donne à l’Église. Il suffit de s’en tenir à la réalité, de regarder et d’écouter.”
Sur la nécessité de toujours revenir aux origines pour comprendre …
“Tous les hommes ont leur histoire. Mais enfermer le pape François dans un cliché veut dire réduire la portée de son message. Jorge Mario Bergoglio est jésuite et un évêque latino-américain, bien entendu, mais ramener tous ses gestes et ses paroles juste à son identité, signifie réduire la réalité à un schéma. Les racines n’expliquent pas tout. Il y a dans l’histoire de François une charge originale qui a comme qui dirait ‘explosé’ après son élection. Ceux qui le connaissaient retrouvent l’homme qu’il a toujours été, mais trouvent aussi un homme projeté dans une nouvelle dimension et une grande responsabilité. Ne réduisons pas le pape à un schéma qui, permettez-moi de le dire, arrange tous ceux qui veulent lui enlever du pouvoir. Ceux-là disent par exemple qu’il affronte le drame de la pauvreté et met en discussion le modèle de développement actuel parce qu’il vient d’Amérique du Sud, ou qu’il agit et parle d’une certaine façon parce qu’il est jésuite.”
“Pas besoin d’être un fin stratège de la communication pour voir que ces petites considérations cachent le comportement de personnes qui refusent de se mettre en discussion par rapport à ce que dit le Pape, parce qu’ils veulent continuer comme avant. D’ailleurs, les traditionnalistes ne sont pas les seuls à lui résister, il y a aussi ceux qui ne veulent pas qu’on les secoue, le parti des paresseux.”
Sur la rencontre entre experts, à la veille du synode, fermée au public…
“L’initiative n’avait rien à voir avec le synode. Le fait que ce séminaire était organisé sans le public pour parler de réforme dans l’Église, ne veut pas dire qu’il y avait ‘un quelconque secret’ à cacher : tout sera publié dans un livre !”
Sur le voyage du pape à Cuba et aux États-Unis…
“(…) Il me semble que le Pape a réussi à parler au cœur des citoyens américains, à partir de leurs valeurs, celles des pères fondateurs de leur pays. Il a parlé en Américain qui parle aux Américains… Concernant la signification de ses salutations à Kim Davis et à son ancien élève Yayo Grassi, n’exagérons pas l’importance de ces épisodes ! Il faudrait s’habituer au fait que le Pape rencontre les personnes, ne colle pas une étiquette sur leurs choix. Une rencontre avec le Pape n’est pas une reconnaissance officielle : y voir un soutien à une position est une erreur et abusif. Si le Pape veut appuyer une position, il a les moyens de le faire ouvertement.”