À quelques jours de la venue du pape François dans sa ville, Mgr Chaput se confie sur le contexte et l’importance pour les catholiques américains du déplacement du chef de l’Église.Andrès Beltramo Álvarez : Quel accueil les Philadelphiens vont-ils réserver au Pape ?
Mgr Charles Chaput : Philadelphie attend cette visite depuis trois ans. Le Pape sera accueilli avec enthousiasme. C’est dans la nature de notre ville.
Certains sondages indiquent que peu d’Américains savent que le Pape sera en visite dans leur pays. D’autres disent que sa popularité est en berne. Qu’est-ce que les catholiques et les non catholiques attendent de la visite du Pape ?
Les sondages me laissent sceptique car ils oscillent en permanence entre confiance excessive et désarroi. Les États-Unis sont un pays de 320 millions d’habitants qui pour beaucoup ne verraient même pas passer la nouvelle d’une météorite devant s’écraser sur Washington. Les Américains de tous milieux religieux voient ce Pape comme un homme de grande bonté, de joie et espèrent qu’il sera une source d’espoir ainsi que la voix de la réconciliation.
Pour la première fois, un Pape s’exprimera devant les deux chambres du Congrès. Qu’est-ce que cela signifie pour les Américains ?
C’est un moment unique de notre histoire. Philadelphie a souffert de la haine anti-catholique au XIXe siècle, avec l’arrivée de vagues d’immigrants catholiques. Ce fut une expérience horrible. L’Amérique n’a pas toujours été un cadre bienveillant pour la foi catholique, et de certaines façons, ne l’est toujours pas. Que le pasteur de l’Église catholique universelle s’exprime devant les représentants élus du peuple américain est incroyable.
Il se rendra également à la Maison Blanche, aux Nations Unies et à Ground Zero. Attendez-vous des surprises dans ses discours et gestes ?
Des surprises, oui ; c’est dans la nature du Pape. De mauvaises surprises, non.
Le Pape arrive aux États-Unis au moment où apparaissent les sujets qui domineront la prochaine campagne présidentielle, comme l’immigration. Le Pape a une position très claire. Son message permettra-t-il de réduire les tendances xénophobes aux États-Unis ?
Je n’aime pas le terme “xénophobe” qui implique de la malveillance. La majorité des Américains sont plus généreux que cela. Mais depuis le 11 septembre 2001, beaucoup s’inquiètent pour leur protection et celle de leur famille ; leur emploi ; l’état de droit et la solvabilité de nos institutions publiques. Il est important que les gens hors des États-Unis comprennent que les Américains ont des raisons, et souvent de bonnes raisons, de s’inquiéter.
Les États-Unis sont une nation d’immigrants, qui se renouvelle constamment avec de nouveaux arrivants. Diaboliser et pénaliser les immigrants est la pire des ironies, une sorte d’auto-contradiction nationale. Les gens ont un droit naturel à émigrer pour assurer leur sécurité et leurs besoins.
J’espère que le Pape aidera la Maison-Blanche et le Congrès à travailler ensemble et plus honnêtement pour résoudre notre problème d’immigration. Nos deux grands partis politiques sont responsables de notre problème actuel d’immigration. Aucun des deux n’est innocent.
Aux États-Unis il y a eu des critiques sur la position du Pape sur l’environnement et l’économie libérale. Vous attendez-vous à d’éventuelles actions contestaires ?
Bien sûr, cela est naturel en démocratie. Nous devons l’accepter. Mais le Saint-Père n’a fait preuve d’aucune incohérence avec les nombreuses encycliques sociales qui existaient avant lui. Les catholiques doivent avant tout être des chrétiens catholiques. Ils n’auront sinon rien d’important à offrir à la vie morale de leur pays.
À Philadelphie, le Pape parlera d’immigration. Pourquoi est-ce important ?
Philadelphie a été un des grands centres d’immigration au XIXe et début du XXe siècle, et reste essentiellement une ville d’immigrants. Et c’est à Philadelphie que sont nés les États-Unis.
La Rencontre mondiale des familles à Philadelphie sera un moment important du voyage du Pape. Qu’est-ce le Saint-Père espère de cette réunion ?
Un renouveau de la famille chrétienne, et un renouveau de l’esprit missionnaire de la famille pour convertir la culture autour de nous. Si cela se produit, nous assisterons à une révolution dans l’esprit du monde.