Deux mois après le rétablissement des relations diplomatiques entre Washington et La Havane, le Souverain Pontife contribue à sortir l’île de son isolement.Les populations cubaines ont mis beaucoup d’espoir dans la visite du Pape sur leur sol. Deux mois après le rétablissement officiel des relations diplomatiques entre Washington et La Havane, le Souverain Pontife est venu poser les jalons d’une renaissance que le monde entier est venu suivre en direct – près d’un millier de journalistes cubains et étrangers sont accrédités pour couvrir la visite de François – et elles sont venues en masse signifier leur reconnaissance à celui qui, plus qu’un médiateur, fut un “catalyseur” dans l’histoire de ce dégel, “avec sa formidable capacité d’agir dans le cœur des hommes”, a commenté l’archevêque de La Havane, le cardinal Ortega, juste avant l’arrivée du Pape, le 19 septembre dernier.
François est en effet arrivé samedi à Cuba pour une visite de quatre jours, première étape d’un voyage – le plus long de son pontificat – qui le conduira aussi aux États-Unis dès mardi soir.
Quatre mois après “sa rencontre mémorable” avec le président Raúl Castro, au Vatican, c’est en vrai missionnaire de l’espérance que le Souverain Pontife s’est présenté aux Cubains, une espérance nourrie par des signes de changement, bien que l’embargo américain – une nouvelle fois allégé en coïncidence avec l’arrivée du Pape – continue d’étrangler la population depuis plus d’un demi-siècle. Dès son arrivée samedi soir à Cuba, dans son premier discours à l’aéroport, le Pape a donné le ton de son voyage, appelant les responsables politiques (cubains et américains) à “continuer sur le chemin du rapprochement et à développer toutes leurs potentialité”.
Dimanche, il est allé à la rencontre du peuple lors d’une grande messe festive sur la place de la Révolution, à La Havane. Les Cubains – ils étaient un demi-million à la messe – sont “un peuple qui a des blessures, comme tout peuple, mais qui sait ouvrir les bras, qui marche avec espérance”, a souligné le Pape au cours de son homélie. À la fin de la messe, le cardinal Ortega a confié à Radio Vatican ses espoirs que l’appel du Souverain Pontife à la paix “n’atteigne pas seulement les milieux politiques” mais également “les peuples des deux nations”, et spécialement le peuple cubain pour “aboutir, dans un esprit chrétien de pardon et de miséricorde, à la réconciliation souhaitée entre tous les Cubains, ceux qui vivent à Cuba et en dehors de Cuba”, a déclaré le cardinal.
Cuba, clé entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest…
Cuba retrouvera-t-elle sa “vocation naturelle” de “clé entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest” ? Pour le Pape argentin, l’île est la mieux placée pour servir d’avant-poste dans un nouveau dialogue entre les deux Amériques. Il faut savoir que La Havane accueille depuis trois ans des pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), après un conflit armé qui a fait officiellement 220 000 morts en un demi-siècle, et provoqué le déplacement de 6 millions de personnes. Aucune rencontre entre le Pape et les négociateurs dans ce conflit, comme l’espéraient certains, mais le Saint-Père, avant l’Angélus de dimanche, a tenu à redire le soutien du Saint-Siège au processus de paix.
Servir des personnes par leurs idéologies
Et dans ce pays où pourtant seuls 10% de catholiques se disent pratiquants, le pape François compte sur l’aide des chrétiens pour stimuler le peuple à prendre soin de ses valeurs comme “lutter pour la dignité d’un frère, se mettre au service des plus démunis” en laissant de côté” ses propres “aspirations, ses envies, ses désirs de toute puissance”, a-t-il dit à la messe de dimanche. Le Pape dit non à un service qui “se sert” des autres pour satisfaire des intérêts personnels ou ceux des “siens”, cette attitude entraîne une dynamique d’exclusion qui gagne du terrain surtout en Occident.
Et il le redira devant les jeunes au centre culturel P. Félix Varela jouxtant la cathédrale, plaidant encore une fois pour la croissance d’une “culture de la main tendue” contre celle “du rejet et du règne du Dieu argent” dont sont victimes tant de jeunes sans emplois, les personnes âgées qui ne produisent plus et tant d’enfants avant même de naître. “Soyez capables de créer l’amitié sociale… car sans elle la famille meurt, le monde meurt…”, a exhorté le Pape, car “elle seule est capable de nourrir les rêves et les espérances” d’un peuple qui veut “se projeter concrètement dans l’avenir”.
Dans une interview à la chaîne de télévision du Vatican (CTV), le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin, a espéré que la libéralisation économique attendue, après la levée de l’embargo américain imposé à Cuba depuis 1962, “puisse conduire aussi à une plus grande ouverture du point de vue des droits de l’homme”.