Le message de Denis Gancel aux jeunes rassemblés à Hautecombe : il ne faut pas avoir peur des marques, ni les suivre aveuglément, mais savoir les considérer telles qu’elles sont, et pourquoi pas s’en inspirer.
Denis Gancel est passionné des marques ; il est familier des histoires des grandes firmes et pourrait vous parler des genèses de Danone, Sodexo, Yamaha, pour ne donner que des exemples. À tel point qu’il a créé l’agence de conseil en stratégie W&cie, et donne des cours à Sciences-Po. Il est aussi, et avant tout, père de famille ; avec un réseau de pères dont il est l’initiateur, "Repère", il fait du catéchisme auprès d’adolescents.
Mettre au jour les origines
Pour cela, rien de tel que de prendre du recul, de s’intéresser à l’historique des entreprises, aux valeurs qu’elles ont portées, aux racines sémantiques des concepts que l’on aborde. Avant les grandes guerres, le but était de produire, en qualité et en quantité. L’industrie militaire, dédiée à la production de masse, standardisée et reproductible, a dû, après la guerre, se reconvertir en industrie civile. Sollicitée pour la reconstruction, il a fallu rapidement qu’elle développe une nouvelle stratégie qui prenne en compte le désir des clients pour le singulier : l’obsession bascule de la production à la vente. C’est alors que naît le marketing : l’art de rendre différentes des choses semblables. Il faut rendre le produit séduisant malgré sa standardisation.
Dans l’étymologie du mot "marque", on trouve plusieurs apports : le "merché" normand était une borne sur les chemins, le "marquare" italien tient de la réputation, le "mark" allemand est une unité de compte. La marque tient un peu de tout cela, elle dépasse le marketing pour être la partie vibrante de l’entreprise, à la manière de l’âme d’un violon.
Des âmes perdues
À l’heure du Web, chacun d’entre nous peut créer sa propre marque ; les projets fleurissent avec vitalité ; la marque est le lieu où l’on peut déposer l’état d’esprit dans lequel on entreprend. Dans une société dépressive, les marques constituent un repère. Alors que les appuis sont peu nombreux et instables, on s’accroche à la confiance que peuvent donner les marques, qui sont les seuls réseaux efficaces de grande échelle. Il y a une beauté dans la durabilité d’une enseigne, sa transmission entre générations.
Cependant, trop souvent les marques perdent leur âme. Dans la compétition pour être connue des clients, une multitude de marques sont éphémères ou creuses. De plus, elles dépassent souvent les bornes en investissant le champ sociétal : que ce soit en accaparant des valeurs – Coca-Cola et le bonheur, l’Oréal et la beauté – en occupant le monde de la culture – MasterCard theater – en finançant le transhumanisme comme Google. Face aux réactions à la mort de Steve Jobs, on constate à quel point les marques occupent un vide, le vide de l’homme sans Dieu.
On trouve aussi des excès dans les batailles pour les prix qui traduisent des conditions d’emploi déplorables, dans les logiques monopolistiques, dans l’utilisation des clients, ou l’absence de diversité. Tous les centres-villes se ressemblent, et les marques de luxe qui pouvaient tirer orgueil de leur rareté, ont désormais multiplié leurs boutiques.
Rendre aux marques leur honneur
En rappelant que les sociétés qui ont nié les marques se sont révélées tyranniques, une attitude plus juste serait de placer l’homme au centre, et de rendre leur force aux États, actuellement fébriles dans leurs problèmes financiers, afin de replacer les grandes entreprises dans leur rôle propre, qui est d’incarner la beauté d’un projet entrepreneurial.
Le titre "Welcome To Paradise" lui-même est par exemple une marque magnifique, dans laquelle peuvent se retrouver de nombreux jeunes. Denis nous a aussi partagé la joie qu’il avait eu à entreprendre, lorsqu’il a créé sa boîte "W", puis le réseau de catéchisme "Repère". À l’heure d’Internet, nous pouvons être créatifs à notre tour, avec quelques conseils :
• être présent, observateur, séduisant mais non séducteur, préparé, ambitieux ;
• avoir confiance, en soi, dans les autres, dans l’avenir, dans la providence ;
• avoir un projet guidé par la volonté de réussite, le plaisir d’être ensemble et le bien commun.
En effet, l’observation peut nous rendre attentifs aux problèmes qu’un projet pourrait prendre en main ; en restant vrai, le bien commun pourra être servi, avec ambition et confiance dans la réussite ; après avoir laissé mûrir, il faut aussi savoir s’entourer et impliquer d’autres personnes. Mais toujours plus que de réussir, nous devons vivre.