Il y a un an, le 3 août 2014, Daesh lançait une offensive sur la région de Sinjar où vivaient des centaines de milliers de yézidis. Voici le témoignage poignant de Saïd Hassan, représentant de la tribu yézidie des Hébéba.Le 2 juillet, lors d’une conférence organisée avec Fraternité en Irak à Paris, Saïd Hassan a raconté cette nuit du 2 au 3 août 2014 où sa communauté a été décimée et a dû fuir sur le mont Sinjar. L’association propose une transcription de son témoignage.
Dans l’Histoire, selon plusieurs experts, les yézidis ont été victimes de 74 campagnes génocidaires. Mais en toute honnêteté, les persécutions contre nous sont incalculables. Il y en a tellement… Les yézidis n’ont jamais été reconnus en Irak, ils sont considérés comme des citoyens de second rang. Plus de 600 000 d’entre nous vivent en Irak, mais pourtant 95% des Irakiens ignorent qui nous sommes. Nos fêtes ne sont jamais montrées à la télévision, nous avons la réputation d’être des adorateurs de Satan et des gens sales.
Dans l’histoire récente, nous avons subi un génocide en 1915. On estime que 250 000 yézidis ont été massacrés dans la zone frontalière entre la Turquie et l’Irak actuels. Plus récemment, en 1975, sous le régime de Saddam Hussein, des yézidis ont été déportés dans des camps, ils ont été sans cesse discriminés, de nombreux terrains leur appartenant ont été spoliés.
"Nous savons bien que personne en Irak ne voudra mourir pour nous défendre"
La situation a empiré avec l’arrivée de Daesh. À partir de juin 2014 et de leur arrivée à Mossoul, les terroristes ont dit qu’ils allaient attaquer les yézidis en Irak. Nous avons pris cette menace très au sérieux car, en Syrie, des membres de notre communauté ont été massacrés par l’État islamique. C’est pourquoi, quand Daesh a fait sauter la frontière entre la Syrie et l’Irak, nous avons demandé à plusieurs reprises aux Kurdes de nous donner des armes afin que nous puissions nous défendre. En tant que yézidis, et au regard de l’Histoire, nous savons bien que personne en Irak ne voudra mourir pour nous défendre. Pour cette raison, bien que des peshmergas – des soldats kurdes – soient positionnés dans la région du Sinjar, nous n’avions pas confiance. De fait, les événements nous ont malheureusement donné raison.
"Sans tirer un coup de feu, les peshmergas se sont repliés et nous ont abandonnés"
Dans la nuit du 2 au 3 août 2014, alors que Daesh était à seulement 300 m des premiers villages yézidis de la région de Sinjar, j’ai appelé le PDK, le parti kurde de Massoud Barzani, afin qu’il fasse quelque chose pour nous sauver. Nous savions bien qu’avec l’État islamique, aucune cohabitation ne serait possible. Pour eux, nous sommes des adorateurs de Satan : s’ils nous tuent, ils iront plus vite au Paradis. À plusieurs reprise cette nuit-là, les Kurdes ont refusé de nous donner des armes.
À 2 h 15 du matin, c’est mon village que Daesh a attaqué en premier. Sans tirer un coup de feu, les peshmergas se sont repliés et nous ont abandonnés. Chez les yézidis, nous avions gardé quelques Kalachnikovs et autres armes. Nous avons tout fait pour résister, ne serait-ce que pour que les nôtres puissent gagner le mont Sinjar et s’enfuir. Les combattants yézidis ont résisté dans les villages jusqu’à ce que des tanks leur écrasent le corps. Voilà jusqu’où nous avons résisté pour que les nôtres puissent partir. Dans les villages, nos voisins non-yézidis ont vite choisi leur camp et rejoint Daesh. Ils ont souvent pris part aux dépouillement de nos maisons et parfois au viols des femmes. Nos propres voisins…
"C’est comme dans les camps nazis"
Ce 3 août, j’étais sur une hauteur du village avec des jumelles et j’ai vu à plusieurs reprises dans mon village les terroristes faire des allers-retours avec des camions. Je les ai vu emmener dix personnes à l’extérieur du village, les abattre et recommencer ce ballet macabre. Juste à côté, il y avait un sanctuaire. Il l’ont fait exploser après y avoir attaché des femmes yézidies ceinturées d’explosifs. Tout ce que je dis peut vous paraître incroyable, mais j’ai des preuves, j’ai pris moi-même des photos ou on m’en a transmis.
Ce qui a été fait aux yézidis n’est même pas racontable à une personne saine d’esprit. On ne peut pas compter les expériences atroces qui ont été faites sur les femmes yézidies. C’est comme dans les camps nazis. Les femmes de 12 à 16 ans étaient les plus convoitées. Certaines ont été mariées jusqu’à quatre fois par mois voire par semaine. Lire la suite sur le site de Fraternité en Irak