C’est le héros de ses camarades d’infortune : depuis quelques mois, Maan est sergent peshmerga cinq jours puis rejoint pour dix jours l’administration d’un hôpital de fortune bâti dans un camp de réfugiés au Kurdistan irakien.Le jeune garçon qui traduit les propos de Maan a les yeux éperdus d’admiration. C’est avec fierté qu’il présente son ami et précise quelques détails, que ce dernier cache avec modestie. Et pourtant, rien ne prédestinait ce natif de Qaraqosh issu d’une famille modeste à devenir le premier chrétien peshmerga, c’est-à-dire combattant de l’armée kurde. Rien d’ailleurs ne laisse supposer en apparence que le souriant jeune homme de 27 ans qui reçoit dans le dispensaire du camp Ashti passe un tiers de son temps à combattre l’organisation État islamique.
À l'académie militaire à 17 ans
"À 17 ans, j’ai été accepté dans l’académie militaire de Zakho", raconte-t-il. Là, il a de bonnes notes, très bonnes même puisqu’il sort deuxième de sa promotion. Ce qui lui permet d’intégrer l’armée kurde et d’en gravir progressivement les échelons. "Aujourd’hui, je suis sergent : j’ai un commando de 100 hommes sous mes ordres", explique le jeune homme d’un voix posée. Quand s’est-il battu pour la dernière fois ? "Il y a dix jours, nous avions un appui aérien de la coalition". Il était en première ligne avec l’armée lorsqu’elle a dû abandonner sa ville, Qaraqosh, pour la seconde fois, le 7 août 2014.
Ne pas se marier pour ne pas laisser de veuve
Maan se dit "heureux de combattre Daesh" même s’il "n’aime pas faire la guerre", il y est "forcé" et c’est le sourire aux lèvres qu’il prononce ces mots : "Si je trouve un de leurs combattants, je le dépècerai". Il se bat avec les Kurdes musulmans sunnites mais cette guerre est pour lui celle des "chrétiens contre les musulmans". Mais après ses cinq jours avec les peshmergas, le jeune Irakien ne profite pas du million de dinars irakiens mensuel de sa solde. D’ailleurs cette somme – équivalente à environ 850 dollars américains – lui sert à payer le loyer de ses parents dans une maison à Shaqlawa, ville située une cinquantaine de kilomètres au nord-est de la capitale du Kurdistan irakien, Erbil. Non, Maan change de casquette et passe dix autres jours dans le dispensaire d’un camp d’Ankawa, la banlieue chrétienne d’Erbil. Volontaire dans la clinique, il touche dix fois moins, pour un travail administratif. Tous les cinq minutes, une infirmière, un membre de l’administration ou son téléphone l’interrompt pour lui demander un renseignement : ici aussi il est indispensable. "J’aime aider les gens", confie-t-il.
Le sergent peshmerga n’a pas peur de la mort, avec un petit rire il dit qu’elle "finira bien par arriver". Maan ne souhaite pas se marier, "pour ne pas laisser de veuve". Mais il adore les enfants, qui le lui rendent bien dans le dispensaire : pas un qui ne lui adresse de larges sourires lorsqu’il passe dans la cour. Dans un monde en paix, il aimerait travailler dans une garderie, "pas comme directeur, plutôt comme surveillant ou accompagnateur". Ce n’est pas le destin qui l’attend, Maan ne cache pas qu’il sera avant longtemps général de l’armée kurde, "d’ici deux ans".