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Les écoutes américaines provoquent une crise entre Paris et Washington

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Philippe Oswald - publié le 24/06/15
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D’après des documents américains classés top secret que s’est procuré Wikileaks, la NSA a espionné les trois derniers présidents français ainsi que des ministres et des hauts fonctionnaires.
Branle-bas de combat à l’Élysée ce matin où le chef de l’État a réuni dès 9 h un conseil de Défense exceptionnel. Autour de François Hollande, Manuel Valls, Laurent Fabius, Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll ainsi que les principaux responsables militaires et des services de renseignement.

"Des faits inacceptables"

Selon des documents confidentiels de la National Security Agency (NSA) que s’est procurés WikiLeaks et qu’ont publiés Mediapart et Libération, les États-Unis auraient mis successivement sur écoute les trois derniers présidents français, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande de 2006 à 2012, ainsi que des ministres et des hauts fonctionnaires. À l’issue de sa réunion, le conseil de Défense a publié un communiqué indigné : "Il s’agit de faits inacceptables qui ont déjà donné lieu à des mises au point entre les États-Unis et la France, notamment fin 2013 au moment des premières révélations et lors de la visite d’État du président de la République aux États-Unis en février 2014. Des engagements avaient été pris par les autorités américaines. Ils doivent être rappelés et strictement respectés. La France, qui a encore renforcé son dispositif de contrôle et de protection, ne tolèrera aucun agissement mettant en cause sa sécurité et la protection de ses intérêts".

Selon Le Figaro, l’ambassadrice des États-Unis à Paris a été convoquée par Laurent Fabius au ministère des Affaires étrangères pour s’expliquer sur ces écoutes. "Il est difficile d’accepter qu’entre alliés (…), il puisse y avoir ce genre de pratiques, en particulier sur des écoutes liées au président de la République", a déclaré Stéphane Le Foll. Même condamnation dans l’opposition. Claude Guéant, au micro de RTL, considère qu’il y a "une rupture du pacte de confiance" entre les deux pays. Tous deux conviennent toutefois qu’il n’est pas question pour autant de tourner le dos à l’allié américain.

S’il n’y a rien de fracassant dans les informations publiées aujourd’hui, d’autres suivront, selon le fondateur de Wikileaks, Julian Assange (Boulevard Voltaire). Les Américains se défendent mollement. "Nous ne ciblons pas et nous ne ciblerons pas les communications du président Hollande", s’est contenté de déclarer Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC). Une autre victime de cette affaire pourrait être la technologie française : les personnalités de premier plan disposent depuis 2010 de portables sécurisés développés par la société Thalès. Mais ils sont "un peu massifs", révèle RTL. Résultat, beaucoup préfèrent utiliser leurs smartphones non-sécurisés…

Un vaste système d’écoute international

L’ancien consultant de la NSA, Edward Snowden (réfugié en Russie) avait révélé en 2013 que l’agence américaine avait développé un vaste système d’écoute des conversations téléphoniques et des communications en Allemagne, qui avait permis d’accéder au propre téléphone portable de la chancelière Angela Merkel. Selon quel procédé ? "Selon le Spiegel, c’est du toit de l’ambassade des États-Unis à Berlin qu’opère le SCS ("Special Collection Service", une unité composée de membres de la NSA et de la CIA ), rapporte Le Monde. Un autre document, publié lui aussi par le Spiegel, révèle que le SCS est présent dans de nombreuses capitales européennes, dont la France.

"Généralement, ce dernier cache ses appareils d’écoute dans un faux bâtiment fait d’un matériel spécial laissant passer les ondes, et parfois camouflé en trompe-l’oeil. Un blog spécialisé, sur la foi de photographies satellites, remarquait justement il y a peu que des travaux avaient été réalisés sur le toit de l’ambassade des États-Unis à Paris. Cette dernière est située au milieu de tous les lieux de pouvoir français : à moins d’un kilomètre se trouvent, outre l’Elysée, plusieurs ministères régaliens (Intérieur, Justice, Défense, Affaires étrangères) mais également l’Assemblée nationale."

"Il faut savoir que cela ne se passe pas qu’en France : 80 sites de ce type ont été construits dans le monde, et 19 pays en Europe disposent de telles stations-espions, déclare le journaliste spécialiste du renseignement Jean-Marc Manach sur BFM-TV. Les villes de Berlin, Genève, Madrid, ou encore Varsovie, en abritent également."

"Au-delà du scandale que peut susciter aujourd’hui cet espionnage américain, la facilité avec laquelle les États-Unis paraissent pouvoir intercepter la moindre conversation des plus hauts dirigeants français interroge aujourd’hui la faiblesse des capacités de contre-ingérence des services de renseignement français", commente Mediapart.

"La France et l’Europe doivent retrouver leur indépendance"

Dans une tribune du Figaro, Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines et président du Parti chrétien démocrate (PCD), appelle à un examen démocratique du traité de libre-échange transatlantique "TAFTA" dont, écrit-il, "les négociations se déroulent actuellement dans le plus grand secret entre la Commission européenne et les États-Unis". C’est un enjeu de démocratie, de souveraineté, de société, explique Jean-Frédéric Poisson. "Enfin, c’est un enjeu eu
ropéen : voulons-nous continuer à nous aligner sur les États-Unis et diluer l’Europe dans un vaste marché ? La France et l’Europe doivent retrouver leur indépendance vis-à-vis des États-Unis. Que ce soit en matière de politiques commerciale et économique, qui ont un impact direct en matière d’emploi et d’environnement. Mais aussi en matière de politique étrangère."

Jean-Frédéric Poisson annonce qu’il fera pression au sein de son groupe parlementaire, Les Républicains, et auprès du président de l’Assemblée nationale, pour que ce traité puisse être débattu dans l’hémicycle.

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