La diffusion d’une vidéo de Vincent Lambert, prise par l’un de ses amis sur son lit d’hôpital, enflamme le Web et les médias. “Indécence !”, crie-t-on. Et sa mort programmée, elle est décente ?
L’ami de Vincent Lambert qui, accompagné du père de celui-ci, est parvenu à franchir le barrage policier pour le filmer quelques dizaines de secondes sur son lit d’hôpital, concentre sur lui l’opprobre de nombreux commentateurs. Cet ami, Emmanuel Guépin, aurait bafoué le "droit à l’image" de Vincent Lambert en ne lui demandant pas son avis – avis que celui-ci ne peut évidemment pas donner, vu son état. Mais les mêmes commentateurs indignés n’ont pas l’air troublés par le fait que Vincent Lambert n’a pas davantage été consulté sur sa mort programmée, décidée par une partie de sa famille et des médecins avec l’aval du Conseil d’État et du Conseil européen des droits de l’homme – à la majorité mais avec une vigoureuse opposition interne (Aleteia).
Plus fondamental que le droit à l’image, le droit à la vie
Le droit à l’image, le respect d’une personne, particulièrement si elle est vulnérable, est assurément à respecter et à défendre. Mais il est un droit plus fondamental encore qui s’appelle le droit à la vie. "L’intégrisme" n’a rien à voir avec cette affirmation sauf à qualifier d’"intégristes" les évêques qui ont rappelé ce principe de base à propos de Vincent Lambert, tels le cardinal Barbarin, Mgr Aillet (Aleteia), Mgr Jordan et Feillet (diocèse de Reims), ou encore François Bayrou réagissant à cette vidéo sur I-Télé : "Ce que l’on voit, c’est un vivant ! Un vivant blessé, un vivant désarmé, mais quelqu’un qui n’est pas un mort prolongé : ce n’est pas de l’acharnement thérapeutique".
Si par malheur l’un de mes proches, ma femme ou l’un de mes enfants par exemple, se trouvait dans l’état de Vincent Lambert, et sous la menace d’être éliminé parce que certains auraient jugé que sa vie ne valait plus la peine qu’on l’hydrate et l’alimente, je n’hésiterais pas à tout tenter pour le sauver, fût-ce en sacrifiant son "droit à l’image". Et j’hésiterais d’autant moins que cette vidéo de Vincent Lambert a eu un impact considérable dans l’opinion. Malgré une tentative de censure de la part du CSA, 500 000 personnes l’on vue en quelques heures.
Ce n’est plus "l’affaire Lambert" mais le sort d’un être humain !
Cette vidéo montre en effet celui que l’on nous présentait comme un malade en toute fin de vie et n’aspirant qu’à mourir, "interagir" avec son environnement et paraître fixer son interlocuteur. On voit qu’il a un beau visage, qu’il vit par lui-même, sans assistance respiratoire ou autre dispositif lourd. En somme, d’un coup, on n’est plus dans "l’affaire Lambert" mais on voit un être humain, un jeune homme, Vincent. L’humanité de Vincent, n’est-ce pas ce que l’on voulait nous cacher ?
Propos d’ignorant, d’"intégriste", martèlent les partisans de l’euthanasie (puisqu’il faut bien l’appeler par son nom). C’est une "manipulation", s’écrie l’ancien médecin de Vincent Lambert, le professeur Éric Kariger, après avoir concédé que "ces malades sont effectivement perturbants pour le commun des mortels que nous sommes. On a le sentiment qu’ils réagissent à leur environnement, puisque toutes les informations sensorielles arrivent à leur cerveau. Si vous faites du bruit, ils peuvent réagir, ils vont avoir un regard qui semble être capté" (Europe 1).
"Cette précipitation à en finir m’interpelle"
Mais ce n’est pas vraiment quelqu’un du "commun des mortels" qui lui a donné la réplique quelques heures plus tard, également sur Europe 1 : Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud – et auteur de Fin de vie, le choix de l’euthanasie (Cherche Midi) –, s’est refusé à condamner cette vidéo et rappelle à cette occasion qu’il y a eu un précédent venant de l’autre camp : "Sur M6, c’était l’épouse de M. Lambert qui avait jugé nécessaire de le montrer" (
M6 Zone interdite, Droit de mourir, 16 novembre 2014 : on y voit le docteur Kariger expliquer que Vincent ne voulait pas d’une telle vie – bien qu’il ne l’ait pas écrit).
Emmanuel Hirsch se dit troublé et même "stupéfait" par ce visage reposé que l’on découvre : "On nous a tellement dit que c’était une personne au bout de son parcours". Au passage, il rappelle que ce patient est strictement confiné dans sa chambre d’hôpital depuis deux ans, et qu’il a même survécu à un "protocole de fin de vie" pendant 30 jours : ceux-là mêmes qui devaient le soigner l’avaient privé d’hydratation et l’alimentation à l’insu de ses parents, avant que la justice n’ordonne qu’on lui permette de vivre… Et voilà que le cauchemar risque de recommencer pour Vincent, ses parents, et les quelque 1 700 personnes qui sont en France dans le même état que Vincent Lambert. "Cette précipitation à en finir m’interroge et m’interpelle", conclut Emmanuel Hirsch. Et comme lui, beaucoup de Français appartenant au "commun des mortels".