Un an après, que sont devenus les 60 000 chrétiens de Mossoul ? Des caméras cachées filment le centre-ville où seule une poignée de civils entretient un semblant de présence, entre précarité et terreur.
Voici ce qu’il reste des 60 000 chrétiens qui vivaient à Mossoul, dans le Nord de l’Irak, aujourd’hui sous contrôle du pseudo État islamique (EI), et de leurs biens : une vidéo exclusive publiée par la BBC, tournée en caméra cachée d’une voiture en marche. La vidéo montre des images de la vie quotidienne dans la deuxième ville du pays. On y voit des femmes intégralement voilées de noir, des écoles abandonnées et des lieux de culte totalement détruits…
Un an après la prise de Mossoul par les djihadistes (Aleteia), il ne reste plus un chrétien. Tous ont pris la fuite ou ont été chassés, et les murs de leurs maisons frappés de la lettre arabe "ن" ("noûn", le N de l’alphabet latin), accompagnée de l’inscription "Propriété confisquée par l’État islamique". "Partir ou mourir" était le sort tragique de ces chrétiens.
Les djihadistes s’octroient un quart de chaque salaire
Aujourd’hui, seule une poignée de civils est retenue dans les murs de la ville, contrainte à vivre dans un climat de terreur et avec l’interdiction formelle de partir. Des refugiés à Erbil témoignent que les djihadistes veillent à entretenir un minimum de présence civile dans la ville pour limiter les bombardements et se protéger d’éventuelles attaques extérieures. Les images et témoignages recueillis par la BBC confirment le climat de terreur et de précarité subis par les habitants : "L’EI est très strict sur la tenue vestimentaire des femmes", raconte Hanna, et il n’est pas rare de voir "un homme fouetté parce que son épouse ne porte pas de gant", ou de voir des djihadistes procéder à "des inspections surprises" dans un restaurant pour s’assurer que les règles sont respectées même durant les repas. "La vie quotidienne a changé du tout au tout, confirme Hisham. Les gens ont perdu leur emploi ou abandonné leurs études, tous nos droits les plus élémentaires nous sont refusés." Les djihadistes se prennent un quart de chaque salaire comme contribution pour reconstruire la ville, témoigne-t-elle, et même les imams ont été remplacés par des partisans du pseudo califat.
"Je suis née chrétienne et je mourrai chrétienne"
La prise de Mossoul, le 10 juin 2014, a été suivie de celle de Qaraqosh (Aleteia), le 6 août, provoquant à elles deux la fuite de 2 millions d’Irakiens, dont la plupart sont encore réfugiés. Quel est leur état d’esprit aujourd’hui ? Comment envisagent-ils l’avenir ? L’équipe de l’Aide à l’Église en détresse (AED) les a rencontrés : Leila Sabria, réfugiée à Batania s’est trouvée à Mossoul face à un djihadiste de Daesh (EI), la sommant de se convertir. Elle raconte : "Je lui ai répondu : ‘Je suis née chrétienne et je mourrai chrétienne’. C’est ma foi qui m’a sauvée à ce moment-là, je me suis sentie très forte. Ce n’est qu’après que j’ai réalisé ce qui aurait pu se passer. Les jours suivants ont été très difficiles. J’ai réalisé que j’avais tout quitté, ma nouvelle maison à Mossoul, tout…". Les religieuses dominicaines n’ont pas été épargnées non plus : "Nous avons perdu 12 couvents, déplore Sœur Maria Hanna, la prieure. Les sœurs ont été humiliées, elles ont été profondément blessées dans leur âme".
"Nos enfants n’ont plus d’avenir en Irak"
Un an après cette tragédie, les réfugiés sont très fatigués, "surtout psychologiquement", explique à l’AED Frère Jalaal qui gère les 270 familles accueillies au centre Werenfried d’Erbil. Les villes n’ont pas encore été libérées et ne le seront probablement pas avant plusieurs mois. L’avenir pour eux est sombre : "Il n’y a pas de futur ici, explique Loay, chrétien de Qaraqosh, réfugié avec sa femme et ses deux enfants. Nos enfants n’ont plus d’avenir en Irak. S’ils restent, peut-être que demain ils leur donneront des armes, et je ne veux pas. Ici, tout est violence."
À la question de savoir si ces épreuves les ont fait douter de leur foi, la réponse des chrétiens est quasi unanime. Leur foi reste là, infaillible, fortifiée. Fadel Yalda, réfugié chrétien à Maila Berwan, témoigne : "Jésus a souffert pour nous et maintenant, nous souffrons pour Lui. Nous sommes ici et nous sommes forts dans notre foi".