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La France finance-t-elle l’État islamique ?

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Philippe Oswald - publié le 05/06/15
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“Des États membres de l’UE achètent le pétrole de l’EI”, a dénoncé l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak. La France en ferait-elle partie ? Des députés demandent la constitution d’une commission d’enquête parlementaire.Le 2 septembre dernier, l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak, la diplomate tchèque Jana Hybaskova, lançait une bombe lors d’une intervention devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen. Il était question du pétrole vendu par l’autoproclamé État islamique via l’Iran, le Kurdistan et Turquie  : “Malheureusement, lâcha-t-elle, des États membres de l’UE achètent ce pétrole”.

Par camions-citernes et par pipeline

L’information n’était connue que de quelques spécialistes ou de curieux visitant des sites spécialisés, tel le blogfinance qui relevait que “selon David Rigoulet-Roze, spécialiste des questions énergétiques au Moyen-Orient, s’exprimant sur TV5Monde, du pétrole du Kurdistan est exporté depuis janvier (2014), via des camions-citernes vers la Turquie. Autre alternative en dehors de la voie maritime : depuis mai 2014, un pipeline ayant pour destination le port turc de Ceyhan permet également de fournir la Turquie en hydrocarbures. (…) Le gouvernement du Kurdistan a en effet décidé d’octroyer des concessions pétrolières à des entreprises étrangères (Exxon Mobil, Chevron, Total) sans l’aval de Bagdad, avec l‘ouverture d’un oléoduc partant de Tak Tak (raffinerie dans la région d’Erbil)”.

Bien que la diplomate tchèque n’ait pas répondu aux questions pressantes de députés lui demandant de citer les pays concernés, l’administration bruxelloise a été priée de mettre en place une véritable coordination européenne sur l’approvisionnement en pétrole des pays membres de l’UE. En octobre, le sous-secrétaire à l’antiterrorisme et à l’intelligence financière américain, David Cohen, avait déclaré que “les hommes de main, les traders, les raffineurs, les sociétés de transport et toute personne qui pose la main sur le pétrole de l’État islamique doivent savoir que nous travaillons dur pour les identifier” (Le Temps).

Des millions de dollars chaque semaine

Neuf mois ont passé, et la situation a empiré. L’organisation terroriste contrôlerait 11 champs pétroliers dans le Nord de l’Irak et dans la province syrienne de Raqqa (ville du centre du pays). La prise de Palmyre aurait rapporté au pseudo État islamique un pactole en pétrole, gaz, phosphates et armes. Chaque semaine, la revente de ressources énergétiques rapporte à l’EI des millions de dollars (près de 800 millions de dollars par an pour le seul pétrole avant les bombardements massifs de la coalition sur les raffineries).

“Actuellement, l’armée irakienne, épaulée par les groupes paramilitaires et la coalition internationale en Irak, mène l’offensive pour tenter de récupérer le site de Baiji, la plus grande raffinerie d’Irak, contrôlée pour moitié par les djihadistes. (…) “Cette raffinerie approvisionnait une grande partie de l’Irak” avec 300 000 barils de pétrole par jour avant qu’elle ne soit prise par les djihadistes”, explique un gradé irakien” (Europe 1). Selon L’Obs, les raids aériens de la coalition sur les raffineries de pétrole auraient fait tomber les revenus du pétrole “à environ 2 millions de dollars par semaine”. Cependant, ajoute L’Obs, la “manne globale” de l’État islamiste est estimée “à plus d’un milliard dont plus de la moitié (600 millions) provient des taxes et de l’extorsion”.

“Les Français ont le droit de savoir”

En France, après les déclarations de Jana Hybaskova, l’association Nouveaux martyrs, fondée pour dénoncer le massacre de chrétiens en Orient et en Afrique, a sollicité l’ensemble des parlementaires, pour que soit faite la lumière sur le financement de Daesh. Une commission d’enquête parlementaire “sur la participation de fonds français au financement de Daesh” est demandée par 90 députés (pour le moment), sous la houlette de Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines, président du Parti chrétien démocrate (PCD) et vice-président de la commission des lois à l’Assemblée nationale. (
Radio Notre-Dame).

Jean-Frédéric Poisson a expliqué à Valeurs Actuelles : “La France, protectrice des chrétiens d’Orient depuis saint Louis, pays des droits de l’homme, ne peut financer de manière indirecte une organisation qui s’attaque frontalement à notre civilisation. (…) Élu de la nation, je considère que la France doit veiller à demeurer l’adversaire de Daesh et non son financeur : diplomatie, subventions par des pays du Golfe, moyens affectés à l’armée, renseignement, transmission de notre identité nationale, tout ceci est lié. On ne peut financer ceux que l’on combat. Les Français sont en droit de connaître la participation éventuelle de certaines grandes firmes nationales au financement de l’organisation terroriste”. Par ailleurs, le député du Bas-Rhin, Laurent Furst, a interrogé de son côté officiellement le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, afin que soit dressée une liste des États qui achètent actuellement du pétrole à l’État islamique.

Affaire à suivre : conformément à la procédure de mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a interrogé la garde des Sceaux pour connaître ses intentions à propos de l’éventuel financement, direct ou indirect, de l’organisation État islamique par la France. On connaîtra la réponse fin juin (une commission d’enquête parlementaire et une enquête judiciaire étant incompatibles, il suffit que le garde des Sceaux ordonne au parquet d’ouvrir une information judiciaire pour que la commission d’enquête ne puisse se constituer).

Sans attendre, l’association Nouveaux martyrs organise une pétition pour demander à la représentation nationale la création d’urgence d’une commission d’enquête parlementaire afin de faire toute la lumière sur les ressources tirées des puits de pétrole contrôlés par l’organisation terroriste Daesh.

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