François Hollande ne semble jamais aussi à l’aise lorsqu’il préside des commémorations nationales. De l’aveu général, ce sont les rares occasions où le locataire de l’Élysée semble revêtir la fonction et ses attributs.
Les Français sont donc convoqués, en ce mercredi 27 mai, pour l’entrée au panthéon de quatre figures de la Résistance : Pierre Brossolette, Jean Zay, Geneviève de Gaulle, et Germaine Tillon. Certaines voix s’élèvent cependant contre cette commémoration nationale. La mise en scène du régime, qui vient "aspirer vampiriquement" la mémoire des morts, comme l’écrivait Philippe Muray, est évidente. Plus profondément, la France officielle ne transmet plus l’histoire, elle en célèbre des épisodes et des figures sélectionnées. L’histoire ne passe plus qu’à travers le culte mémoriel. L’historien Pierre Nora a récemment pu le déplorer dans un entretien au FigaroVox, dans lequel il ne voit pas d’opposition entre la passion actuelle de l’instant, et l’injonction de la mémoire : "Nous vivons au contraire sous l’empire de la mémoire et même la tyrannie de la mémoire. Ce phénomène est lié à la dictature du présent. (…) Et nous vivons une inflation de commémorations, qui sont l’expression ultime de cette transformation de l’histoire en mémoire". De son côté, Régis Debray avait lucidement compris que, en béatifiant telle ou telle figure, "c’est toujours le présent qui se célèbre". Célébrer une communion nationale, par patriotisme élémentaire, n’empêche pas d’avoir la même lucidité sur cette situation culturelle.
Jean Zay, ce "grand homme" qui dérange
D’autres voix, se pressant sur les réseaux sociaux, conspuent une des figures honorées, celle de Jean Zay (comme l’ont fait le député Jean-Frédéric Poisson, ou les associations d’anciens combattants, ndlr). Ministre radical-socialiste de l’Éducation nationale sous le Front populaire, d’origine juive, et franc-maçon au dernier degré, il fut emprisonné sous Vichy comme personnification de "l’anti-France", et assassiné par des miliciens en 1944. Jean Zay fut attaqué, dans les années 1930, puis sous Vichy, pour un pastiche anti-militariste, Le Drapeau, écrit à l’âge de 20 ans. C’est toujours ces mêmes vers juvéniles qui sont ressortis aujourd’hui à sa décharge, ce qui ne rajeunit personne. Que celui qui n’a jamais écrit des lignes excessives au même âge lui jette la première pierre.
Laissons cette dernière polémique. L’instant dépasse ces mesquineries. Il y a des moments où le sentiment d’unité nationale et le patriotisme doivent faire taire ce qui nous divise. Il y a des moments où la trêve civique a le droit d’être encore respectée. Le 11 novembre en est un autre, hélas pollué ces deux dernières années par des activistes sifflant "la Gueuse", ceux-là même qui affirment défendre le sacré, mais qui, en réalité, sont des modernes, pour qui la fin justifie les moyens. Lire la suite sur Liberté politique