Au-delà de son triomphe, et du désastre du Labour, le Premier Ministre britannique doit maintenant affronter deux gros soucis : l’Ecosse et l’Europe.
« Une très grande nuit pour le Parti conservateur », « la plus douce des victoires », a commenté David Cameron, le Premier ministre sortant, à l’aube du 8 mai. Le Parti conservateur est arrivé largement en tête, obtenant la majorité absolue avec 326 sièges contre 232 pour le parti travailliste. « Les Tories (conservateurs) font bien mieux qu’il y a cinq ans. C’est même la première fois qu’un gouvernement sortant gagne des sièges entre deux élections, depuis Margaret Thatcher en 1983 ! » (TF1) « Le Parti travailliste d’Ed Miliband subit une défaite aux dimensions historiques, victime de son élimination quasi-complète en Ecosse (il ne lui reste qu’un seul élu), et de la difficulté de son leader à convaincre de la crédibilité d’une alternative aux Conservateurs sur l’économie ou l’Europe. » (Nouvel Obs).
Triomphe du Parti national écossais
David Cameron, qui devait rencontrer la reine dans l’après-midi de vendredi, pourra former un nouveau gouvernement sans avoir besoin d’alliés. L’autre nouvelle, moins inattendue, de ce scrutin est le triomphe du Scottish National Party (SNP) en Ecosse : il remporte 56 des 59 sièges réservés à l’Ecosse, jusque-là fief travailliste. « Il a obtenu une victoire symbolique avec l’élection de Mhairi Black, une étudiante de 20 ans. Elle devient ainsi la plus jeune députée de Westminster, le parlement britannique, depuis 1667. Nicola Sturgeon, la chef du parti, a promis de « faire entendre la voix de l’Ecosse à Westminster ». Avec de tels résultats, le SNP devient la troisième force politique au parlement. » (Le Parisien) Le SNP ne fait pas mystère qu’il aspire « à la tenue d’un nouveau référendum d’indépendance, après un premier rendez-vous manqué en septembre, avec 45% en faveur du "oui". » (BFMTV)
D’où des soucis prévisibles pour l’unité du Royaume et l’annonce immédiate par David Cameron qu’il voulait « rassembler le Royaume-Uni en mettant en œuvre la décentralisation pour l’Écosse dès que possible ». « Le prochain gouvernement a l’énorme responsabilité (…) de faire face à la tâche particulièrement difficile de garder le pays uni », a déclaré de son côté Ed Miliband, le travailliste, grand perdant de ces élections (France 24) qui a annoncé sa démission de la direction du Labour quelques heures plus tard. Quant aux libéraux-démocrates, partenaires de Cameron depuis 2010 au sein du gouvernement conservateur, ils sortent laminés par cette nuit «cruelle et punitive» qui ne leur laisse que 8 sièges sur 56 à la Chambre des communes.
« Brexit or not Brexit » ?
Les autres grands perdants sont les instituts de sondage qui pronostiquaient tous un score extrêmement serré, « neck to neck », voire une défaite des Tories. « J’ai toujours dit que la seule enquête d’opinion qui compte est celle du jour d’élection, et je dirais que cela n’aura jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui », a commenté David Cameron (Sud Ouest). « Les sondeurs devraient se sonder entre eux pour voir ce qui n’a pas marché », a ajouté sardoniquement Boris Johnson, l’extravagant maire de Londres (Europe 1).
Le succès du parti conservateur lui permet de poursuivre la politique qu’il conduit depuis cinq ans sans avoir à s’encombrer d’alliés mais repose aussi la question de l’appartenance du Royaume Uni à l’Union européenne. Si le parti europhobe Ukip n’obtient qu’un siège en raison du mode de scrutin (à un tour), il est néanmoins le troisième parti en voix dans l’ensemble du pays et est arrivé en deuxième position dans de nombreuses circonscriptions. Cameron aura toute latitude pour soumettre à référendum l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE d’ici à 2017 (ce sera le premier référendum depuis l’adhésion du pays à l’Europe en 1995). « Cette perspective inquiète ses partenaires européens en raison de la possibilité d’un «Brexit» (pour « British Exit », « sortie britannique » de l’Europe). » (
Le Parisien) « L’Europe est donc plongée dans une incertitude qui va durer des mois, et sans doute des années : celle du “Brexit”, la sortie possible de la Grande Bretagne. » (Nouvel Obs) Le scénario le plus probable est que Cameron appellera les Britanniques à rester dans l’Union Européenne, tout en faisant lourdement pression sur ses partenaires européens afin de renégocier le statut du Royaume Uni, comme il l’avait promis aux électeurs. Mais comme le remarque Le Figaro, «il risque paradoxalement de se retrouver prisonnier de sa majorité », un tiers des tories étant partisan du «Brexit». C’est donc le début d’un long suspense pour l’Europe.
Du côté de l’Elysée comme de Matignon, on imagine que le triomphe de Cameron – sur fond de croissance économique et de chômage en baisse – engendre un certain vague à l’âme…