Le cardinal Sandri vient d’entamer sa visite dans le Nord de l’Irak à la rencontre des chrétiens déplacés.
Après trois journées passées à Bagdad (Irak), le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, est arrivé à Erbil, dans le Nord du pays, le 3 mai 2015 en fin d’après-midi. Lors d’une divine liturgie en rite syro-catholique célébrée à Erbil, il a dénoncé la « violence aveugle et destructrice » des djihadistes et déploré que l’homme n’ait rien appris des drames du siècle dernier. Au Kurdistan, il a rejoint les membres de la Réunion des œuvres d’aide aux Églises orientales (ROACO), venus évaluer les besoins sur place.
Avant de se rendre à Erbil, le cardinal Sandri a notamment rencontré à Bagdad le président puis le Premier ministre irakiens, qui ont tous deux insisté sur la présence millénaire des chrétiens dans le pays. Un Irak sans chrétiens ne serait plus l’Irak, a ainsi soutenu le Premier ministre Haïder al-Abadi, en écho aux paroles récurrentes du pape François à propos du Moyen-Orient. Quant au président Fouad Massoum, il a souhaité que le Pape puisse visiter le pays dès que la situation le permettra.
La crainte d’un exode général
À Erbil, c’est en plein air au cœur du quartier chrétien d’Ankawa, sur un terrain attenant à la paroisse syriaque, trop petite pour l’occasion, que le préfet de la Congrégation pour les Églises orientales a participé à la messe présidée par le chef de l’Église syriaque-catholique, le patriarche Ignace III Younan. Le cardinal Sandri a évoqué la présence nombreuse de déplacés et son « désir » d’être au milieu d’eux. « Vous, a-t-il dit, qui portez en votre cœur et dans votre vie les signes de la violence, de la persécution et de la dissémination qui a contraint beaucoup à abandonner leurs maisons dans la plaine de Ninive, à Mossoul, à Qaraqosh et dans d’autres villages, afin de trouver un refuge sûr. »
Dans son homélie, le cardinal Sandri a évoqué le massacre des Assyriens par l’Empire ottoman, il y a un siècle. « On demeure sans voix, a-t-il alors affirmé, face aux violences ou aux agressions, mais surtout parce que le cœur de l’homme ne semble rien avoir appris des drames qui ont secoué le 20e siècle et qui se poursuivent aujourd’hui en versant d’autre sang innocent avec une violence aveugle et destructrice. » « Vos pasteurs, le Pape et l’Église universelle avec eux, craignent un exode général des terres qui sont chrétiennes depuis 2 000 ans », a encore soutenu le cardinal Sandri.
Aider les fidèles chrétiens des différents rites
À Erbil, le cardinal Sandri a rejoint une dizaine de membres de la Réunion des œuvres d’aide aux Églises orientales (ROACO), parmi lesquels des responsables de l’Œuvre d’Orient, de l’Aide à l’Église en détresse, de l’archidiocèse de Cologne et de l’Œuvre de la Sainte-Enfance en Allemagne, ou encore de l’Association nord-américaine d’aide à l’Orient CNEWA. Pendant deux jours, auparavant, les membres de la ROACO avaient visité plusieurs camps de déplacés et tenté d’évaluer, au fil de nombreuses et émouvantes rencontres, les besoins de chacun. Ils tentent ainsi d’aider les fidèles chrétiens des différents rites.
Devant la violence des djihadistes du groupe État islamique, l’été dernier, plus de 100 000 chrétiens ont été contraints de fuir leurs maisons, dans la plaine de Ninive, pour rejoindre Erbil et quelques autres camps installés au Kurdistan irakien. Les tentes installées dans l’urgence il y a neuf mois ont été peu à peu remplacées par des préfabriqués. Certains déplacés ont parfois été accueillis dans des logements de fortune, partageant bien souvent en nombre quelques mètres carrés.
Des écoles, des jardins d’enfants et des dispensaires ont peu à peu vu le jour, et la vie s’est réorganisée dans ces camps, y compris d’un point de vue spirituel. Déplacés avec leurs fidèles, les prêtres continuent de nourrir spirituellement leurs communautés, tout comme nombre de sœurs dominicaines irakiennes, particulièrement impliquées dans les centres d’accueil.
« Nous voulons rentrer chez nous ! »
Malgré l’aide de l’Irak et du gouvernement autonome kurde, malgré la solidarité internationale à travers les agences d’aide, les conditions de logement restent pénibles, entre promiscuité et problèmes vitaux. L’eau manque en plusieurs points, le réseau électrique est aléatoire et, cet été, la température pourrait monter jusqu’à 50 degrés, atteignant alors jusqu’à 65 degrés dans les préfabriqués aménagés mais pas encore dotés de refroidissement d’air.
Des tensions surgissent de temps à autres entre fidèles des différentes confessions : syriaques, chaldéens, latins… mais tous se serrent les coudes après, parfois, plusieurs déplacements. Et tous n’ont qu’un seul souhait : retrouver les maisons et les villes dont ils ont été chassés l’été dernier.
Lors d’une rencontre émouvante à Ainkawa, le 3 mai, les membres de la ROACO ont échangé avec de nombreux déplacés. « C’est vrai que nous avons tout perdu, a assuré une femme, mais notre foi a été renforcée. » « Nous ne voulons qu’une seule chose, rentrer chez nous », a lancé un homme. À son tour, Tamara, une jeune fille de 12 ans, a forcé l’admiration : « Daesh nous a tout pris, a-t-elle soutenu avec un visage rayonnant, mais nous avons encore notre foi en Jésus-Christ et il ne pourront jamais nous la prendre ». Le 4 mai, le cardinal Leonardo Sandri et les membres de la ROACO doivent se rendre à Dohuk, dans le Nord-Ouest du Kurdistan irakien, au nord de la ville de Mossoul actuellement contrôlée par le groupe État islamique.
À Erbil (Irak), Antoine-Marie Izoard, I.Media