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Drame des migrants : l’Europe navigue à vue

Italian naval officers stand in front of rescued migrants onboard the Italian Navy vessel Bettica as they dock in the Sicilian harbour of Augusta on April 22, 2015 . European governments came under increasing pressure to tackle the Mediterranean's migrant crisis ahead of an emergency summit, as harrowing details emerged of the fate of hundreds who died in the latest tragedy. AFP PHOTO / ALBERTO PIZZOLI

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Philippe Oswald - publié le 24/04/15
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Le « sommet extraordinaire » des chefs d’État européens n’aboutit qu’à des mesures à courte vue – un cabotage qui semble dérisoire face à la déferlante migratoire et aux tragédies qu’elle entraîne en Méditerranée.
Réunis jeudi à Bruxelles en conseil extraordinaire après un nouveau naufrage qui a fait quelque 800 morts en Méditerranée dimanche (Aleteia), les dirigeants des 28 pays membres de l’Union européenne ont tenté de s’accorder sur des solutions face à l’urgence humanitaire des migrants et la déferlante migratoire. Les ONG jugent celles-ci insuffisantes, voire « d’une insuffisance lamentable » selon Amnesty International (Europe 1), la position de la plupart des pays européens étant de développer plus de moyens de surveillance sans accueillir sur leur propre sol davantage de migrants.
 

« Ils seront amenés dans le pays le plus proche »

La déclaration du Premier ministre britannique David Cameron à son arrivée à Bruxelles est typique de cette attitude : annonçant que la Grande-Bretagne mettra à contribution son budget militaire pour renforcer la mission Triton, il a ajouté : « Bien sûr, cette aide doit se faire à certaines conditions : cela signifie que les gens que nous recueillerons seront amenés dans le pays le plus proche, c’est-à-dire, sans doute l’Italie, et qu’ils ne puissent pas demander l’asile en Grande-Bretagne » (RFI). Les Italiens ont dû apprécier…

À court terme, il s’agit d’intervenir contre les passeurs notamment en Libye, principal pays d’embarquement des migrants et des réfugiés vers l’Italie et Malte. L’Union européenne renforcera les opérations de surveillance et de sauvetage en Méditerranée. Le plan propose de doubler, de 3 à 6 millions d’euros (une somme qui semble dérisoire s’agissant de l’Union européenne…), le budget mensuel alloué à Frontex, l’agence chargée de la surveillance des frontières. L’UE va également tripler le budget de son opération de sauvetage Triton, passant de 3 à 9 millions d’euros par mois, comme l’a annoncé Angela Merkel (ce qui reste ridiculement bas à l’échelle de l’Europe comme au regard des enjeux). Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a estimé à la clôture du sommet que la mission Triton (coordonnée par Frontex) disposait désormais d’autant de moyens que l’ancienne mission Mare Nostrum, 100% italienne celle-là. Mais précisément, celle-ci n’avait pu faire face au raz-de-marée qui n’a cessé de s’amplifier depuis.

Le cynisme et la violence des passeurs

Les passeurs ont encore de beaux jours devant eux. Leur cynisme et leur violence  sont comparables à ceux de djihadistes, d’ailleurs nombreux dans leurs rangs. Les récits que les enquêteurs ont recueilli auprès des survivants du naufrage de dimanche dernier – le plus meurtrier à ce jour – glacent le sang : « Dans l’usine près de Tripoli où ils ont été enfermés avec 1 000 à 1 200 personnes, des "bastonnades auraient provoqué plusieurs décès, et d’autres migrants seraient morts d’épuisement", a rapporté le parquet. (…) Au moment d’embarquer, ils ont été conduits dans des fourgons vers la côte, puis en canot pneumatique vers le chalutier. Sur le canot, "un garçon aurait été tué parce qu’il s’était levé sans permission, et son cadavre aurait ensuite été jeté à la mer", selon le parquet » (Le Parisien). Prix de la traversée : de 730 à 7 000 dollars.
 

L’Italie, la Grèce et Malte en première ligne

S’agissant de l’accueil des migrants, chaque pays de l’UE est invité à accueillir « au moins 5 000 » réfugiés. « Une approche minimaliste », selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Cela suppose un tri entre les arrivants qui pourront bénéficier du droit d’asile avec le statut de réfugiés et ceux qui seront renvoyés, c’est-à-dire les migrants économiques. Pour rendre cette besogne réalisable, les États européens sont priés de venir en aide aux trois pays en première ligne, l’Italie, la Grèce et Malte. Ces trois pays dénoncent d’ailleurs les effets pervers des accords de Dublin selon lesquels n’importe quel pays membre de l’UE peut demander à un autre pays signataire de prendre en charge sa demande d’asile, s’il a eu par le passé un visa ou un permis de travail dans cet autre pays, ou bien simplement s’il a franchi les frontières de cet autre pays.
 

L’essentiel est remis à plus tard

Le « troisième volet » abordé par le sommet européen concernait les causes des migrations, les guerres, la corruption, le sous-développement. François Hollande a annoncé qu’un prochain sommet entre l’Europe et l’Afrique pour trouver une solution concertée se tiendrait à Malte. « L’Europe doit en faire aussi davantage », a-t-il ajouté (RFI). Elle en fait en réalité très peu, et de moins en moins, ce qui est contraire non seulement à son devoir de solidarité mais à ses intérêts politiques et économiques. L’Afrique est un continent plein d’avenir : il y a longtemps que les Chinois l’ont compris.

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