Après la nouvelle vague de naufrages ayant coûté la vie à plus d’un millier de migrants en trois jours, l’Union européenne n’a plus le choix : elle doit prendre ses responsabilités.
« Nous n’avons plus d’alibi », a lancé le chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, lors d’une réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’Union européenne (UE) à Luxembourg. « Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c’en est trop. »
La pire hécatombe jamais vue en Méditerranée
Après un nouveau naufrage ayant coûté la vie à près de 800 migrants au large des côtes libyennes – la pire hécatombe jamais vue en Méditerranée –, les chefs d’État et de gouvernement des 28 pays de l’UE ont enfin décidé de se réunir en sommet extraordinaire dès le 23 avril prochain. Objectif : tenter de trouver des solutions au drame de tous ces migrants, originaires essentiellement d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, en particulier de Syrie, dont la fuite vers l’Europe ressemble de plus en plus à un véritable exode.
Des migrants pris en étau
Ce nouveau naufrage illustre la situation alarmante des migrants installés ou en transit en Libye, pays en proie au chaos depuis la Révolution de 2011 et la chute de Mouammar Kadhafi. Les organisations humanitaires internationales parlent de 500 à 1 000 personnes récupérées chaque jour en mer par les garde-côtes italiens ou des navires marchands. En Libye, où il est de plus en plus difficile d’obtenir des informations en raison du départ d’une grande partie des ONG et ambassades, les migrants sont pris en étau entre les différentes milices locales qui luttent pour le pouvoir. Ils sont le plus souvent exploités dans des conditions de vie inhumaines : arrestations arbitraires, violences physiques et psychologiques, travail forcé… Selon la Fédération internationale des droits de l’homme, ces migrants subissent le racisme d’une partie de la population, mais également celui des passeurs, qui, comme on l’a vu ces jours passés, n’hésitent pas à tuer par haine (Aleteia) ou pour rentabiliser leur « travail ». Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), plus de 35 000 migrants sont arrivés par bateau dans le Sud de l’Europe depuis le début de l’année, et 1 600 sont portés disparus.
L’appel du Pape à « agir avec décision et rapidité »
Le naufrage du chalutier au large de la Libye, en fin de semaine dernière, était le deuxième de grande ampleur en deux jours, provoquant un choc dans le monde entier. Le pape François a appelé dimanche la communauté internationale à « agir avec décision et rapidité » : « Ce sont des hommes et des femmes comme nous. Des frères qui cherchaient une vie meilleure… Affamés, persécutés, blessés, exploités, victimes de guerres. Ils cherchaient une vie meilleure, ils cherchaient le bonheur », a-t-il appelé dans un cri la communauté internationale (Aleteia).
De leur côté, les dirigeants européens semblent être sortis de leur torpeur : « Nous ne pouvons pas continuer comme cela, nous ne pouvons accepter que des centaines de personnes meurent en essayant de traverser la mer pour venir en Europe », a déclaré le président du Conseil européen, Donald Tusk, en annonçant le sommet des dirigeants européens, jeudi prochain. Lundi, la Commission européenne a présenté dix propositions d’actions qui seront jeudi sur la table des discussions à Bruxelles. On y trouve l’examen d’options pour une répartition plus équitable des réfugiés entre les États membres de l’UE et la mise sur pied d’un programme de réinstallation pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié auprès du HCR. En revanche, un programme pour les renvois rapides des candidats à l’immigration non autorisés à rester dans l’UE serait également envisagé. Celui-ci serait supervisé par l’agence européenne Frontex en coordination avec les États membres de l’Union qui comptent aussi sur une action entre les pays voisins de la Libye pour bloquer les routes utilisées par les migrants (
La Tribune).
Endiguer les départs
Les Européens misent également fortement sur la coopération des pays d’origine et de transit pour endiguer les départs. Or, la Libye, plaque tournante de l’émigration en Afrique du Nord, est toujours déchirée entre deux gouvernements, l’un reconnu par la communauté internationale qui vit retranché dans la ville de Tobrouk au Nord-Est du pays, et l’autre à Tripoli lié à l’autoproclamé État islamique (EI ou Daesh) qui monte en puissance sur tout le territoire. La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (Manul) est actuellement engagée dans une délicate médiation entre les factions libyennes pour tenter de constituer un gouvernement d’union nationale, mais la présence accrue de ces combattants djihadistes de l’EI et d’autres groupes comme Al-Qaïda ne laisse présager rien de bon.
Les combats entre les groupes armés de part et d’autre se poursuivent depuis 2011, marqués par une nouvelle escalade en 2014 qui a fait jusqu’ici plus de 3 000 morts et 400 000 déplacés. Les passeurs de migrants sont les grands profiteurs de cette situation. « Ces hommes sont les véritables esclavagistes des temps modernes, », a dénoncé lundi le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, qui souhaite de toute urgence « des interventions ciblées » contre eux (Le Parisien). Relatif au bateau qui a chaviré dimanche avec plus de 900 personnes à son bord, le Premier ministre de Malte, Joseph Muscat, a calculé que les passeurs ont encaissé « entre 1 et 5 millions d’euros ». Dans son programme de discussions, l’UE prévoit, dans un premier temps, d’engager des efforts systématiques pour capturer et détruire les navires utilisés par les trafiquants.