L’ancienne nonne tibétaine Gyaltsen Drolkar a été emprisonnée pendant 12 ans en Chine. Elle témoigne de la violence du système carcéral chinois.
Officiellement, il n’existe pas de torture dans les prisons chinoises, mais des indices nombreux, sérieux et concordants permettent d’avancer le contraire. Gyaltsen Drolkar a raconté son expérience dans un livre autobiographique, L’insoumise de Lhassa (Éd. Bourin).
Emprisonnée pour une manifestation pacifique
En 1990, Gyaltsen Drolkar avait 19 ans ans et manifestait avec d’autres moniales bouddhistes, réclamant le respect par les autorités chinoises de la liberté d’expression et de culte dans les régions tibétaines. La jeune femme a écopé de quatre ans de prison. Elle relate des conditions carcérales effrayantes. « Nous étions soumises à toutes sortes de tortures, morales et physiques », a-t-elle récemment confié par l’entremise d’un traducteur, à l’AFP. « Par exemple, explique-t-elle, ils m’attachaient, ils me suspendaient, me couvraient le visage et me battaient. »« Ils utilisaient des instruments électriques, ajoute-t-elle. Je perdais conscience, et quand je reprenais conscience, ils recommençaient. » En tant que prisonnières politiques, ses consœurs et elle étaient étroitement surveillées, mais elles sont tout de même parvenues à obtenir un magnétophone sur lequel elles ont enregistré des chants, clamant leur indépendance.
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Les cassettes de leurs enregistrements ont été clandestinement exfiltrées de la prison, mais leur activité de résistance artistique a été repérée par leurs geôliers. Gyaltsen Drolkar a été condamnée à huit années de prison supplémentaires. Leurs conditions de vie se sont encore dégradées, mais la moniale, comprenant que les autorités ne souhaitaient pas sa mort pour éviter un scandale international, a donc entamé une grève de la faim avec ses compagnes. Leur combat a payé puisque la jeune femme a finalement été libérée en 2002, à l’issue du temps initialement prévu. Fuyant jusqu’au Népal, elle est aujourd’hui réfugiée en Belgique où elle vit dans la crainte que sa famille subisse des représailles.
Tortures à la carte
Un autre dissident, l’écrivain Liao Yiwu a passé quant à lui quatre ans dans une prison de Chengdu, dans la province du Sichuan, pour un simple poème. Il raconte son expérience avec le livre Dans l’empire des ténèbres. L’humour de Yiwu n’enlève rien à l’effroi des pratiques qu’il relate. À son arrivée en prison on lui parle des « 108 raretés de Songshan », qui se révèlent être en fait des tortures raffinées. Comble de sadisme, les geôliers font en sorte que les prisonniers s’infligent entre eux les tortures de leur « menu », comme entre autres la « grillade de colonne vertébrale » : l’exécutant plonge une boule de coton dans du pétrole et en frotte la colonne vertébrale du détenu. Il place ensuite la boule de coton dans le dos et y met le feu. Des étincelles jaillissent partout jusque dans la nuque de la victime.
Secret mal caché
La Chine nie l’évidence avec un aplomb considérable, mais certains éléments de témoignages démontrent qu’elle n’est pas complètement insensible aux accusations internationales. Ainsi, lorsque des organisations étrangères de défense de droits de l’homme visitaient la prison de Gyaltsen Drolkar, ses consœurs et elle-même étaient dissimulées par leurs gardiens et remplacées par des prisonnières de droit commun qui se faisaient passer pour elles. Le Parti a besoin d’un vernis – même fragile – de respectabilité. Le travail d’associations comme Amnesty International et le témoignage courageux d’anciens prisonniers pourraient donc participer à améliorer un tant soit peu les conditions de vie des
« opposants » chinois…