Alors que l’Assemblée nationale va examiner la proposition de loi Claeys-Leonetti, l’association Soulager mais pas tuer s’inquiète des « zones floues » qu’elle contient.
À aucun moment, cette proposition de loi n’utilise le mot d’euthanasie, mais le détail du texte alerte l’association Soulager mais pas tuer. En particulier, la façon dont la sédation est envisagée ouvre la porte aux dérives euthanasiques. Le texte sera examiné à partir du 10 mars prochain.
« Sédation profonde et continue jusqu’au décès »
Le nouveau texte introduirait le « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Or la sédation est une pratique qui devrait rester exceptionnelle. Claire Pélissier, psychologue et membre de Soulager mais pas tuer, peut faire part de son expérience glaçante au sujet de l’usage de la sédation. Dans l’un des services où elle a travaillé avec des patients en fin de vie, elle a constaté que les patients étaient endormis aussitôt qu’ils manifestaient une souffrance. « On me disait que j’avais de la chance, que je travaillais dans un service très zen, mais je constatais qu’en fait il n’y avait aucun travail sur l’angoisse de fin de vie ; 80% des patients mouraient endormis ! » Si la proposition de loi était votée, ce genre de pratiques pourrait se généraliser.
« Prolongation inutile » et « maintien artificiel »
Parmi les expressions employées dans la proposition de loi et mises en cause par Soulager mais pas tuer, la « prolongation inutile » de la vie et son « maintien artificiel ». Deux expressions qui ne relèvent pas du vocabulaire scientifique. Elles introduisent l’idée que l’alimentation et l’hydratation sont des traitements. Leur arrêt pourrait être une nouvelle façon de créer un protocole euthanasique qui ne dirait pas son nom : arrêt d’hydratation accompagné d’une sédation.
« Directives anticipées contraignantes »
La notion de « directives anticipées contraignantes » laisse entendre que les patients deviendraient prescripteurs et les médecins exécuteurs de cette prescription. Or les médecins intervenant pour Soulager mais pas tuer constatent que la demande d’euthanasie varie. Dans la majorité des cas, elle fait peur, ou représente une tentation, mais ne relève pas d’une demande irréversible. Magali Jeanteur témoigne de la vie de son mari, Cyril, paralysé et muet depuis 17 ans : « Après son accident, il y a eu un moment où il faisait le geste de se suicider, mimant avec les doigts l’action de se tirer une balle dans la tête. Mais il est revenu progressivement à la vie, et quand il a pu s’exprimer en désignant des lettres sur un alphabet sa première phrase a été : "Je suis Cyril Jeanteur, je suis vivant, je veux vivre" ».
« Ne touchez pas aux intouchables »
Philippe Pozzo di Borgo, parrain de Soulager mais pas tuer, se dit « inquiet pour les fragiles de notre société ». « Si la société dit à celui qui souffre, comme moi, qu’il a le droit d’être euthanasié, c’est comme si elle le disait à moi-même, comme si elle me criait à la figure que notre vie ne vaut plus d’être vécue », explique le héros du film Intouchables. Durant la conférence de presse donnée ce jeudi 5 mars par Soulager mais pas tuer, la présence silencieuse de Cyril Jeanteur était venu appuyer les paroles du collectif. Tugdual Derville, auteur de La bataille de l’euthanasie (Éditions Salvator, 2012) soulignait : « Les pensées de Cyril devraient être interprétées avec la plus grande prudence, si l’on cautionnait les moments de désespérance des malades, nous changerions de civilisation ! Il y a dans ces malades une vie intérieure qui nous ralentit, au beau sens du terme, et nous contraint à nous réconcilier avec notre propre fragilité ».
Soulager mais pas tuer organise un rassemblement le 10 mars devant l’Assemblée nationale et envisage une mobilisation nationale le 12 avril si la proposition de loi en cause allait plus avant.