Qu’on se le dise : le seul « Père » que reconnaisse le plus célèbre des réseaux sociaux est apparemment Mark Zuckerberg…
Incroyable mais vrai : des prêtres se sont vu menacés de perdre leur compte pour s’être fait appeler « Père » sur le célèbre réseau social… Le père Peter West est prêtre depuis près de 25 ans. Mais cette semaine il est redevenu Peter West, tout simplement. Du moins sur Facebook.
Le père West, si nous pouvons encore l’appeler ainsi, raconte qu’il a voulu accéder à son compte il y a quelques jours de cela, et qu’il a été bloqué parce que son nom d’utilisateur incluait le titre de « Père ». On le savait déjà : la chasse aux pseudonymes et aux comptes anonymes est ouverte sur Facebook. Cela fait aussi un certain temps que le réseau social a choisi d’adopter une politique restrictive à l’égard de l’utilisation par ses membres de leurs titres professionnels. « Facebook est une communauté où les gens utilisent leur véritable identité », telle est sa politique. « Nous demandons aux gens de fournir leur nom dans la vie réelle. De la sorte, vous saurez toujours avec qui vous vous connectez. Cela contribue à préserver notre communauté. »
Contourner les règles
En vertu de cette politique, Facebook demande aux utilisateurs de s’abstenir d’ajouter à leurs noms « des titre de quelque sorte que ce soit (professionnel, religieux…) ». Précision importante des conditions d’utilisation : « Le nom que vous utilisez devrait être votre véritable identité, le même nom par lequel vos amis vous appellent dans la vie réelle », est-il indiqué. Pourtant, au quotidien, c’est bien ainsi que l’on s’adresse à un prêtre… De nombreux religieux catholiques contournent l’interdiction en associant « Père » ou « P » à leur prénom, ou ajoutent un trait d’union entre les deux. Certains membres d’ordre religieux ajoutent les initiales de leur ordre après leur nom. « Je connais un prêtre qui est Italien et utilise "Don", un titre courant en Italie pour "Père" », raconte le père West, par ailleurs vice-président de missions de Human Life International.
Mais la récente vague de prêtres à avoir été victimes des mesures de restriction de la part de Facebook a incité leurs partisans à créer une page commune Facebook intitulée « Tell FB : Allow Catholic Priests to keep the title "Father" in their FB name » (Dites à Facebook : Autorisez les prêtres catholiques à conserver leur titre de
« Père » dans leur nom d’utilisateur). « La mesure de Facebook semble s’appliquer de façon inégale », s’étonne pour sa part Mgr Paul Coakley, archevêque d’Oklahoma City, dans une interview sur Facebook. « J’ai contourné l’interdiction en associant mon titre à mon nom : "archevêquePaul Coakley". Une des choses qui m’ont attiré avec Facebook, ce sont les opportunités que le réseau social offre à l’évangélisation. Je veux que les gens sachent avec qui ils communiquent quand ils communiquent avec moi. Ce type de restriction ne me parait pas cadrer avec le type de discours social que les médias devraient promouvoir. »
Une nouvelle vague restrictive ?
« C’est étrange. C’est la première fois que cela m’arrive », s’étonne aussi le père James Chern, qui a rencontré au même moment des problèmes pour utiliser le terme « Père ». En tant que directeur du Bureau des vocations de l’archidiocèse de Newark (New Jersey, États-Unis), et aumônier universitaire, il trouve Facebook très utile pour communiquer avec les jeunes. « Tôt le matin, j’ai reçu un message disant que mon nom ne cadrait pas avec les "politiques ou standard" de Facebook. J’ai pensé à un virus. Quand j’ai tenté de me connecter à nouveau, même chose : "Nous n’autorisons aucun titre professionnel ou religieux". J’ai alors essayé de mettre "Père" dans la première case, "Jim" au milieu et "Chern" en dernier. Ils sont revenus à la charge et m’ont dit : "Vous violez la politique de restriction. Vous avez une minute pour changer votre nom. Si vous gardez le même nom, nous désactiverons votre compte." Ouah ! J’ai reçu un avis d’expulsion virtuel, et j’ai une minute pour m’asseoir et méditer sur mon existence. J’ai donc mis "Jim Chern", et un de mes amis a pris une photo pour le profil. »
Le père West et le père Chern affirment avoir vu d’autres titres religieux sur Facebook, comme « Rabbin » ou « aumônier ». Ainsi que quelques imams. Le père Stephen Imbarrato qui, lui aussi, a rencontré des problèmes en utilisant « Père », signale une autre anomalie : « Certains soulignent une autre contradiction, à savoir que Facebook a accepté tous les différents genres dans lesquels les utilisateurs peuvent se classer eux-mêmes », s’étonne le curé de la paroisse du Sacré-Cœur à Albuquerque (Nouveau-Mexique, États-Unis). « Ils ont été moins intransigeants à ce sujet, alors pourquoi l’être moins ici ? » Mais pourquoi est-ce important de pouvoir utiliser le terme « Père » ? « C’est ma vocation du Ciel. Je n’ai pas choisi d’être prêtre. C’est Dieu qui l’a choisi pour moi, affirme le père Imbarrato. Même les membres de ma famille ne m’appellent pas Stephen. Ce n’est pas un titre professionnel, c’est une vocation. » En réponse aux multiples demandes d’interview, Facebook s’est contenté d’envoyer un e-mail: « Merci d’avoir pris le temps de partager votre feedback. Nous essayons constamment d’améliorer Facebook, aussi il est important pour nous d’écouter les personnes qui l’utilisent. Malheureusement, nous sommes dans l’incapacité de répondre à vos e-mails individuellement, mais nous en tenons compte. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous écrire. »
Adapté de l’anglais par Élisabeth de Lavigne