En dépit d’une convention internationale signée par la France, la Cour de cassation a décidé de valider le mariage d’un couple gay franco-marocain.
Il ne reste plus qu’à expliquer au Maroc, déjà en froid avec l’Hexagone sur différents sujets, que les décisions de la Cour de cassation française s’y appliquent, et constituent désormais la norme internationale suprême… Plus encore que via la loi, c’est au travers des jurisprudences successives que le lobby LGBT modifie patiemment mais méthodiquement, arrêt après arrêt, le cadre législatif national et international. Mercredi 28 janvier, la Cour de cassation a ainsi jugé valide l’union de deux hommes, l’un français, l’autre marocain, en dépit de la convention bilatérale liant les deux pays.
C’est une décision qui ne peut que surprendre, tant on enseigne la hiérarchie des normes dès la première année d’études de Droit : en principe, tant les textes européens que les conventions internationales l’emportent sur le droit et la jurisprudence d’un État. Pourtant, étonnamment, dans une décision qui semble plus idéologique que juridique, la Cour de cassation a estimé ce mercredi que la liberté fondamentale de se marier l’emportait sur une convention bilatérale passée entre la France et le Maroc.
Le cas de ce mariage d’un couple homosexuel franco-marocain était déjà passé devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Chambéry. Mais le parquet général avait formé un pourvoi en cassation, une convention bilatérale franco-marocaine, ratifiée en 1981 et relative au « statut des personnes et de la famille » et à « la coopération judiciaire » disposant qu’en cas de mariage franco-marocain, chacun des deux membres du couple doit se conformer aux lois de son pays. Or la loi marocaine prohibe le mariage entre deux personnes de même sexe.
Se marier, un droit fondamental
Par sa décision, la Cour de cassation impose ni plus ni moins l’application de la loi Taubira à des ressortissants étrangers, même si leur droit national dit le contraire. On imagine la portée de ce raisonnement s’il devait être appliqué à d’autres textes et conventions, ou si d’autres pays faisaient de même à l’encontre du droit et des ressortissants français. La Cour de cassation a rappelé que l’article 4 de cette convention prévoyait que la loi d’un des deux pays pouvait être écartée lorsqu’elle était « manifestement incompatible avec l’ordre public », ce dernier étant défini comme « un ensemble de règles relatives à l’organisation de la nation, l’économie, la morale, la santé, la sécurité, la paix publique ainsi que les droits et libertés essentielles de chaque individu ». La juridiction française a donc jugé que la liberté de se marier était un droit fondamental, ouvert aux couples de même sexe depuis la loi du 17 mai 2013. Ou comment imposer l’application de la loi Taubira au Maroc, qui appréciera certainement cette sorte de néo-colonialisme jurisprudentiel…
« La France impose au Maroc la loi Taubira »
La Manif pour tous a immédiatement réagi à cette décision par un communiqué : « Alors qu’elle est une injustice majeure pour les enfants, la France impose sa nouvelle conception du mariage au Maroc et à une dizaine d’autres pays. Ce mépris des conventions bi-latérales entre États porte atteinte à leur souveraineté ». Pour l’association, cette décision « est une nouvelle atteinte portée à la famille et aux droits de l’enfant comme elle est une atteinte à la souveraineté du Maroc et de dix autres pays dont les conventions bi-latérales sont identiques : ce sont l’Algérie, la Bosnie, le Cambodge, le Kosovo, le Laos, le Monténégro, la Pologne, la Serbie, la Slovénie et la Tunisie ».
« En considérant que la loi Taubira doit être en fait imposée aux pays qui refusent le mariage entre personnes de même sexe, la Cour de cassation contribue à la diffusion d’une loi injuste pour les enfants. »
« C’est aussi accorder une valeur démesurée à la loi Taubira. Il est de notoriété publique, y compris au niveau international, qu’un très grand nombre de Français ne se reconnaissent pas dans cette loi. Dans ce contexte, elle ne peut être considérée comme "une valeur essentielle" de la République » dénonce Ludovine de La Rochère, Présidente de la Manif pour tous.
C’est pourtant ce qu’a estimé la Cour de cassation et ce, à l’encontre des règles en la matière. « Une fois de plus, on a donné à quelques juges la responsabilité de prendre une décision d’ordre politique. Et là, ce n’est même plus pour l’imposer aux Français, mais carrément à d’autres pays ! »
La loi Taubira : un nouvel ordre public international ?
« La Cour de cassation vient de rendre son arrêt dans l’affaire d’un mariage entre personnes de même sexe, l’une française, l’autre marocaine. Or, la convention franco-marocaine ne reconnaît pas le mariage homosexuel et la loi marocaine ne reconnaît pas ce type de mariage, comme d’ailleurs dix autres États avec lesquels la France a passé un accord semblable », souligne quant à elle l’association Alhuna, qui avait déposé un rapport au sujet de ce recours. « Cette décision de la Cour de cassation vient renverser une règle essentielle selon laquelle les conventions internationales l’emportent sur la loi française, ce qu’énonce clairement notre Constitution, qui fonde nos principes et nos valeurs communes. Ce renversement des valeurs et des normes est choquant et très inhabituel, pour une juridiction qui est un gage de stabilité de notre droit et des engagements internationaux de la France. Comment croire que la loi Taubira de 2013 a créé un nouvel ordre public français impératif qui permettrait d’écarter nos engagements internationaux ? »
Le sens du mot « mariage » modifié
L’association poursuit en soulignant que « la France a changé le sens du mot "mariage" avec la loi de 2013, au mépris de ses engagements internationaux et sans les dénoncer. La parole de la France est ici engagée et la changement des circonstances provoqué par la loi ne crée pas un ordre juridique nouveau qui nous obligerait à manquer à notre parole. Cet arrêt de la Cour de cassation fait manquer la France à ses engagements internationaux et va à l’encontre de ce que disait le Conseil constitutionnel en 2013 en contrôlant la loi Taubira : cette loi n’a "ni pour objet ni pour effet de déroger au principe selon lequel tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi" ».