Comme son prédécesseur, Vincent Peillon, la ministre de l’Éducation nationale pense que l’école est faite pour inculquer la mystique laïque dans un « parcours éducatif citoyen ». Et pas question de broncher !
Nous sommes en l’an II. Pardon, à « l’acte II » de la « refondation » de l’école (après la loi sur l’école de 2013 d’impérissable mémoire). Après François Hollande et Manuel Valls hier, au tour de la ministre de l’Éducation nationale d’emboucher les trompettes de la laïcité. Elle a dévoilé aujourd’hui le contenu de la « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » annoncée par le chef de l’État : un nouvel enseignement moral et civique, un renforcement de l’éducation aux médias et à l’information, une formation des enseignants à la transmission « des valeurs de la République », une Journée de la laïcité célébrée chaque 9 décembre… sans oublier des ambassadeurs de la laïcité !
Un citoyen exemplaire, formaté à la « laïcité »
L’« enseignement moral et civique » n’est autre que l’« enseignement de la morale laïque », voulu par son prédécesseur, Vincent Peillon (Aleteia). Il n’a donc rien de très nouveau mais il est bien au service d’une nouvelle morale. Celle qui consiste à laver la tête d’un élève de tout son héritage familial, religieux et social pour livrer à la République un citoyen exemplaire : formaté à la « laïcité ».
« Formaté », vous trouvez que j’exagère ? Un épisode récent me paraît très révélateur de ce que la ministre voudrait obtenir chez un élève par ce « nouveau parcours éducatif et citoyen de l’école élémentaire à la terminale » qui sera mis en œuvre à la rentrée 2015. C’était à l’Assemblée nationale, quelques jours après les attentats, le 14 janvier. Najat Vallaud-Belkacem déplorait devant les députés les nombreuses entorses à la minute de silence décrétée obligatoire dans toutes les écoles de France pour rendre hommage aux victimes : « Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les : "Oui je soutiens Charlie, mais…", les "deux poids, deux mesures…", les "pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? ". Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs ».
Poser des questions à l’école, quelle idée !
Qu’un ministre de l’Éducation nationale puisse s’indigner que des élèves, « trop nombreux », osent des questions sur ce qui était arrivé ou plutôt sur la façon d’y répondre, me laisse sans voix. Qu’elle juge « insupportable » qu’un jeune Français, hors de tout incident, a-t-elle précisé, pose des questions à l’école, c’est affolant ! L’école ne devrait-elle pas justement être le lieu par excellence où aucune question n’est interdite ? Et où une objection aussi sensée que « Oui, je soutiens Charlie, mais… » et une question aussi pertinente que « Pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? » méritent une réponse circonstanciée ? Moi, par exemple, qui ne suis plus vraiment en âge scolaire, j’aimerais bien que la ministre m’explique pourquoi le blasphème est vertueux , « laïc, citoyen, républicain » quand c’est Charlie Hebdo qui le profère, mais odieux quand il est retourné contre « les valeurs de la République »…
Silence dans les rangs ! Aucune question ne sera tolérée ! Oser après cela de grandes envolées sur la formation du sens critique, c’est se moquer. Si tel est l’état d’esprit dans lequel seront formés les futurs « ambassadeurs de la laïcité », ces « citoyens volontaires » pour prêcher dans les écoles « les valeurs de la République », on leur souhaite bien du plaisir ! « Face au plan annoncé, la communauté éducative, qui a été consultée tour à tour depuis le 12 janvier, semble rester sur sa faim », commente sobrement Le Monde.
Tout cela est évidemment promis à faire « pschitt ! »… mais nous coûtera tout de même 71 millions d’euros pour 2015 et 250 millions pour les trois prochaines années. On les aurait pourtant dépensés de bon cœur pour que nos écoliers sachent à nouveau lire, écrire et compter…