Quelques minutes après avoir rencontré le pape François, les imams français reçus au Vatican se sont confiés à I.Media et La Croix suite à l’attentat de Charlie Hebdo.
À peine sortis de leur rencontre avec le pape François au Vatican, quatre imams français ont appris la nouvelle de l’attaque qui a fait au moins 12 morts au siège du journal Charlie Hebdo à Paris (France), dans la matinée du 7 janvier 2015. « Il faut que la communauté musulmane se révolte » pour exprimer son « dégoût » devant la confiscation de l’islam par des « fêlés », des « fous », a confié à I.Media et à La Croix le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou. Quant au président de l’Union des mosquées de France, Mohammed Moussaoui, il a également souhaité une « réaction » des musulmans dont la religion est « instrumentalisée par des criminels ».
Un acte fait pour cliver la société
« Les musulmans sont traumatisés, ils en ont marre, cette majorité silencieuse se voit prise en otage par des fêlés », confie ainsi le recteur de la mosquée de Bordeaux qui souhaite « que la communauté musulmane se ressaisisse, qu’elle se manifeste ». « Il faut que les musulmans sortent massivement dans les rues pour exprimer leur dégoût devant la confiscation de l’islam par ces fêlés, ces fous », confie encore Tareq Oubrou.
Outre sa grande proximité pour les familles des victimes, Tareq Oubrou juge que cet acte est « un coup dur pour l’islam et les musulmans de France, un acte qui va dans le sens de cliver la société et de retarder l’assimilation et l’intégration des musulmans ». « À qui profite ce crime ? », s’interroge l’imam de Bordeaux avant d’assurer qu’il ne bénéficie ni à l’islam ni aux musulmans. « Le propre d’une religion c’est d’unir les gens, insiste-t-il, et tout acte qui va dans le sens de diviser l’humanité, la société, n’est pas un acte religieux ». Et l’imam bordelais de relever que le « carnage » survenu à Charlie Hebdo est « le premier de cette ampleur depuis l’installation de la communauté musulmane à partir des années 1980 », en France.
Une religion instrumentalisée
Quant au président de l’Union des mosquées de France, Mohammed Moussaoui, il se dit « horrifié et choqué » après l’attaque meurtrière de Paris et relève qu’il vient à peine de prier avec le pape François « pour que la paix et la fraternité puissent se consolider et se renforcer dans le monde entier », avec une pensée spéciale pour les chrétiens d’Orient.
À son tour, il assure qu’il n’y a « pas de mots assez durs et assez forts » pour exprimer la condamnation des musulmans de France qui se retrouvent « doublement victimes » parce que « leur religion est instrumentalisée par des criminels » et parce que « des populistes essayent d’instrumentaliser ce type d’acte pour exacerber encore plus les tensions et attiser les peurs au sein de la société ».
Pour l’ancien président du Conseil français du culte musulman (CFCM), « si les extrémistes s’obstinent à redoubler d’efforts et à intensifier leurs actes, leurs violences et leurs atrocités, les musulmans doivent intensifier leur réaction face à cette barbarie qui, malheureusement, est parfois commise au nom de la religion
musulmane ».
Mgr Michel Dubost, président du Conseil pour les relations interreligieuses de la Conférence des évêques de France, guide les quatre imams français lors de leur visite à Rome. Pour l’évêque d’Évry-Corbeil-Essonnes, « la seule réponse » à ce type d’acte qui relève de « l’anarchisme » est « la main tendue ». « Lorsque la seule raison de vivre devient la violence, c’est qu’on a perdu tout sens », explique encore l’évêque pour qui, justement, la visite des imams au Vatican est « une entreprise de sens ».