Pour donner à la visite du cardinal Barbarin à Erbil une portée mondiale, une équipe d’une cinquantaine de personnes a mis bénévolement ses compétences au service d’une organisation bien rôdée.
Projet « de ouf », organisation « de ouf »… De Lyon à Erbil en passant par Paris et Moscou, des twittos, graphistes, monteurs vidéo, traducteurs, concepteurs de sites Internet et même un ambianceur se sont mobilisés pour assurer le succès médiatique de la visite du cardinal Barbarin et de sa délégation auprès des chrétiens irakiens réfugiés. Les bénévoles, « âgés en moyenne de
23 ans » selon l’un d’eux, étaient regroupés en pôles, chacun chargé de missions précises pendant la grosse semaine de préparation puis de déroulement de l’événement.
Tout est parti d’un verre de jus de mangue dans un bar du centre de Lyon. Natalia, directrice de la communication du diocèse de Lyon, Thomas, ingénieur informatique de 25 ans et Patrick, auto-entrepreneur de 40 ans, décident de mettre en place une organisation à la hauteur de l’événement qui se prépare : l’exportation de la Fête des Lumières de la capitale des Gaules à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. « Nous avons décidé de récupérer en direct des informations sur place à Erbil, et de les transmettre à Lyon en temps réel pour qu’elles soient traitées et envoyées sur les réseaux sociaux et le site de manière quasi instantanée », explique Thomas.
Un site en 10 langues monté en 4 jours par un étudiant
Une semaine avant le jour J, Thomas, Patrick et Natalia font appel à Bastien, 22 ans, étudiant en informatique, pour la conception du site Internet. « On a dû se dépêcher pour le créer en quatre soirées », raconte-il. Et de préciser : « Deux noms de domaines, Erbilight.com et Arbilight.com pour les arabes, en 10 langues, sur deux serveurs au cas où l’un lâcherait ». Le jeune homme a déjà créé plusieurs sites Internet, mais « en si peu de temps, jamais, c’est une première ! ».
En parallèle, il s’agit pour Patrick, Thomas et Natalia de monter le pôle Saint-Irénée, basé à Lyon, qui sera chargé de collecter les photos et vidéos envoyées en temps réel par Dropbox, un service de partage de fichiers en ligne, depuis l’Irak. « Nous avons contacté les gens dont nous connaissions les compétences, sur Twitter surtout », indique Thomas. Les postes les plus difficiles à pourvoir ? « Nous avons eu du mal à trouver des traducteurs pour le discours du Pape et les contenus sur le site et les réseaux sociaux, poursuit l’ingénieur. Trouver un Russe a été facile. Pour les autres, cela a été hyper dur ! »
Sécurité oblige, le projet et la destination doivent rester secret. Mais alors, comment le faire connaître ? C’est Natalia qui commence à faire du teasing dès le lundi sur son compte Facebook personnel, avec le hashtag #ProjetDeOuf. La directrice de la communication diocésaine compte de nombreux « amis » dans la cathosphère connectée, des amis très vite intrigués. Du lundi au vendredi, un noyau dur de relais potentiels, progressivement mis dans la confidence, ont contribué à attiser la curiosité des internautes. Pas moins de 3 500 tweets contenant le mot-dièse ont été envoyés entre le 29 novembre et le 7 décembre. Un site avec un compte à rebours a même été créé pour alimenter l’intérêt. À 13 h précises le vendredi, le hashtag officiel de l’événement est dévoilé par le compte du cardinal Barbarin qui tweete le lien du site Internet. Depuis quelques heures déjà, la trentaine de jeunes du pôle Saint-Irénée s’activait dans deux salles du diocèse de Lyon, assistée par quelques personnes à Paris.
Des bénévoles et un petit budget pour une opération mondiale
À plusieurs milliers de kilomètres de là, la dizaine de membres du pôle Saint-Thomas, équipée de modules wifi en 4G, arpentait les camps de réfugiés en envoyant simultanément photos et vidéos à leurs camarades lyonnais. La communication entre tous s’effectuait par le truchement d’un groupe Facebook sur lequel s’échangeaient alertes, liens vers les articles, photos… mais aussi des blagues !
« Ce qui m’a marquée, c’est la solidarité, glisse Jacqueline, la benjamine de la « team ». On n’était que des bénévoles, et pourtant on a pu faire jusqu’à huit heures de boulot par jour. [Des gens arrivaient] en disant : "Moi je sais faire tel truc, comment puis-je le mettre au service de cette cause ?". »
Au final, pour moins de 1000 euros, dépensés en nourriture (vietnamienne) pour les bénévoles du Pôle-Irénée, en matériel et en achat de noms de domaines, la visite de la délégation auprès des réfugiés irakiens a été retransmise dans le monde entier. Mais pas sans quelques légers accrocs et gros coups de stress. Ainsi, Bastien raconte que le nom d’utilisateur @projetdeouf sur Twitter a brièvement été utilisé par une personne qui divulguait des informations avant tout le monde. Plus grave et plus étonnant à la fois, c’est… Radio Vatican qui a brisé l’embargo du discours du Pape en le diffusant dès le samedi après-midi, alors que la vidéo devait demeurer une surprise jusqu’à la fin de la procession nocturne dans les rues d’Erbil, coupant ainsi l’herbe sous le pied à la fine équipe.
Une belle frayeur papale
Enfin, le Pape lui-même a causé un cafouillage entre les pôles lorsque son compte Twitter a diffusé un extrait de la vidéo du discours avant qu’il ne soit diffusé sur l’écran géant d’Erbil. « Tout le monde a cru que le Pape rompait l’embargo, raconte Bastien, et nous avons donc tweeté aussi la vidéo en entier parce que nous n’avions pas remarqué qu’il n’en tweetait qu’un extrait. » Thomas poursuit : « J’ai supprimé le tweet et la vidéo dès que je les ai vus, étant donné que l’exclusivité appartenait à KTO TV et Euronews. »« La veille, l
a vidéo avait mis deux heures à se charger sur YouTube, explique Bastien. Nous n’avions que 30 minutes avant la diffusion à Erbil. Nous sommes allés dans la grande salle, la "war room" et nous avons dit deux Je vous salue Marie avec tout le pôle Irénée. » Et à la minute près, la vidéo a pu être tweetée sur les comptes @ErbiLight et @LyonMossoul.
« Les couacs ? Obligés. Mais l’avantage de la foi c’est que nous savons que Jésus a l’habitude de bosser avec des bras cassés et des "pas pros" : il semblerait même qu’Il ait une certaine prédilection pour eux. Avec nous, Il a été servi, sourit Natalia. Ce que nous avons réussi, c’est avant tout à fédérer des gens qui ne se connaissaient pas forcément, qui n’avaient pas forcément les mêmes opinions, mais qui ont mis tout leur coeur et toutes leurs forces pour leurs frères irakiens, dans une ambiance pleine de joie. Je n’attends qu’une chose : retravailler avec eux sur un autre projet. »