Pour Mgr Rufin Anthony, les chefs religieux musulmans ont « presque encouragé les vengeances personnelles ».
Les réactions se sont succédé sur la scène internationale après l’assassinat odieux, le 4 novembre dernier, de Shahzad Masih, âgé de 27 ans et de sa femme, Shama Bibia, 24 ans, alors enceinte de quatre mois. Ils ont été, sous une fausse accusation de blasphème, lynchés et brûlés vifs par une foule de 300 à 400 musulmans en furie.
Cela s’est produit au Penjab, à Kot Radha Kishan, à environ 60 km de Lahore, sous l’impulsion d’un responsable musulman local qui avait fait savoir aux fidèles que Shama Bibia avait brûlé des pages du Coran en faisant le ménage chez son beau-père décédé. Si le Premier ministre Nawas Sharif a depuis promis une réaction ferme à ce « crime inacceptable », considérant qu’« un État responsable ne pouvait tolérer qu’une foule se livre au lynchage au grand jour et dans l’impunité », les condamnations du monde musulman pakistanais se font quelque peu attendre.
L’évêque d’Islamabad, Mgr Rufin Anthony, dénonce la passivité des chefs religieux musulmans dans les cas d’exécutions sommaires comme étant la cause de ces atrocités (Il Sismografo). Il va jusqu’à parler de complaisance, voire d’approbation de la part de ces leaders : « [Ils] se sont prudemment abstenus d’exprimer des paroles de condamnation. Ils ont en fait presque encouragé les vengeances personnelles ». « Si des mesures appropriées avaient été prises par le passé, toute cette barbarie aurait pu être évitée », regrette-t-il.
Parmi les quelques voix émanant du monde musulman pakistanais depuis les événements, la plupart attribuent la faute aux autorités locales. C’est le cas par exemple de Muhammed Tahir Ashrafi, le chef du Conseil des oulémas pakistanais, qui a blâmé la négligence de la police locale, estimant qu’elle aurait pu éviter le drame, sans toutefois remettre en cause la fameuse loi anti-blasphème qui fait rage dans tout le pays.
Il semblerait en effet que beaucoup de chemin soit encore à parcourir pour les droits fondamentaux de l’homme au Pakistan, dont la population approuve à 75% la « Black Law », convaincue que celle-ci est « nécessaire pour protéger l’islam » dans leur pays.
ST