Marc Dufumier, expert auprès des Nations Unies et de la Banque mondiale, calcule que l’on pourrait nourrir les habitants de la planète bien au-delà de la population actuelle.
Nous sommes actuellement 7,2 milliards d’habitants dans le monde, dont 842 millions souffrent d’une faim chronique. Pourtant, l’agriculture fournit bien plus que les 2 200 calories nécessaires en moyenne par habitant. Marc Dufumier décortique ce paradoxe et donne des solutions iconoclastes…
Un régime moins carné
Le calcul est sans appel, pour une calorie animale dans l’assiette (lait, œuf ou viande), il faut dépenser entre trois et dix calories végétales. L’auteur de Famine au Sud, malbouffe au Nord (Nil, février 2012) constate : « Au Brésil, un hectare de terre peut nourrir cinquante végétariens mais seulement deux carnivores ». Faudrait-il renoncer à la viande ? Non, car une partie des terres traditionnellement réservées à l’élevage n’est pas cultivable, les animaux peuvent aussi entretenir certains milieux comme les prairies qu’ils « tondent ». Le bétail peut participer à une production agricole équilibrée. En revanche, nourrir du bétail avec du soja défie le bon sens…
La préservation des agricultures vivrières
Une grande partie de la population mondiale travaille encore la terre avec des moyens traditionnels, mais ces paysans sont gravement concurrencés par les importations de l’industrie agroalimentaire des pays du Nord. Or leur faillite provoque des situations désastreuses : exode rural, chômage et création de bidonvilles. Pour résoudre ce problème, il faudrait que les pays qui subissent une concurrence déloyale de l’agriculture subventionnée et mécanisée puissent établir des droits de douanes sur leurs importations.
Vive le bio ?
Une solution plus iconoclaste encore proposée par le professeur Dufumier, dans 50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation : nourrir les 9,5 milliards d’habitants que nous serons en 2050 avec une agriculture « biologique ». Il y a une erreur fondamentale à croire que les rendements en « bio » sont inférieurs aux rendements en agriculture « conventionnels ». Le rendement par agriculteur doté de grosses machines et d’engrais chimique est très supérieur à celui d’un agriculteur bio, mais il n’en va pas de même du rendement par hectare. Dans les pays tropicaux notamment, le système d’agriculture conventionnel ne fonctionne pas bien, il lui faut un climat stable. À l’inverse, des pratiques comme les cultures associées, c’est-à-dire de plusieurs espèces sur la même parcelle, permettent d’augmenter les rendements. L’université anglaise Essex, a réalisé en 2006 une synthèse sur 57 pays et 37 millions d’hectares. Elle conclut que les rendements sont 79 % plus élevés en agriculture bio dans les zones tropicales. Et cela sans défricher un hectare de plus. Évidemment, l’inconvénient de ce type d’agriculture, c’est qu’il ne permet pas de mécaniser l’agriculture à grande échelle. Mais au regard du problème mondial du chômage, la mécanisation doit-elle être encore considérée comme une priorité ?