Le chef religieux a expliqué lors d’une interview que son diocèse est privé de célébrations pour la première fois en 1500 ans.
L’archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul, Mgr Nicodème Daoud Sharaf, n’a pu contenir son émotion en évoquant la situation de ses frères chrétiens en Irak, un peu plus de quatre mois après l’instauration du califat dans le nord du pays. Lors d’une interview accordée à une chaîne irakienne le 15 octobre dernier, celui-ci déplore une tragédie sans précédents pour les fidèles de son diocèse :
« Aujourd’hui c’est le jour de la mort de Shmuni [la Saint Shmuni, une célébration de l’Eglise syriaque le 15 octobre 2014 NDLR], c’est une fête très importante pour notre diocèse, parce que nous avons une église de ce nom à Qaraqosh. Chaque année, sainte Shmuni apparaît sur le mur de cette église ; nous la voyons tous. Depuis 1500 ans, nous n’avons jamais cessé de célébrer cette fête dans cette église, depuis 1500 ans ; même quand les Mongols, Tatar et Hulagu ont traversé la région. En dépit de toutes les nombreuses guerres qui ont éclaté sur la terre d’Irak ; nous n’avons jamais cessé de prier dans nos églises, ni même à Mossoul ou dans les villages voisins. Depuis 1500 ans, c’est la première fois… », dit-il avant de fondre en sanglots.
Les fidèles du diocèse de Mossoul devront donc pour la première fois prier loin de chez eux, et pour beaucoup en dehors d’un lieu de culte. La plupart d’entre eux sont réfugiés à Erbil au Kurdistan et confinés sous des tentes tandis que le climat se fait rude. Des conditions qui ne sont pas sans provoquer l’amertume de Mgr Sharaf, qui incrimine les pays membres de l’Onu, qu’il avait déjà interpellés le 16 septembre dernier à Genève, les sommant de reconnaître et condamner l’expulsion des chrétiens d’Irak en tant que génocide :
« Les soi-disant pays des ‘Droits de l’homme’ ont regardé ce qui arrivait à notre pauvre peuple, et personne ne nous aide. Cela fait trois mois que les chrétiens ont été chassés de leurs maisons à Mossoul et notre communauté est sans-abri. Nous leur avons demandé de nous aider avant que l’hiver et la pluie n’arrivent. Ils sont venus sur place et ont constaté les conditions misérables dans lesquelles se trouve notre peuple », tempête-t-il, rappelant néanmoins que cette adversité généralisée ne ferait que renforcer encore davantage la fierté et la foi des fidèles de la région.
L’archevêque syriaque de Mossoul n’est pas le premier responsable religieux à pleurer à la télévision devant la tragédie des chrétiens d’Irak. En août dernier, Nahi Mahdi, un religieux musulman, avait fondu en larmes sur la chaîne nationale Iraqi TV en évoquant le sort réservé aux chrétiens par les membres de l’Etat islamique. « Ils sont notre chair et notre sang », avait- affirmé devant les caméras, comparant l’Irak à une rose, dont les pétales sont les chrétiens, les musulmans, les Kurdes, les Sabéens, le peuple Shabak… « Ce sont tous nos concitoyens. Tout cela me laisse sans voix », avait-il conclu.
ST