Alors que le principe de l’universalité des allocations familiales est remis en cause, Mgr Podvin estime “qu’on ne prend pas les choses par le bon bout”.
Les députés socialistes comme le Premier Ministre se réjouissent d’avoir décidé le 16 octobre de moduler les allocations familiales versées à partir du deuxième enfant en fonction des revenus, et ce à compter de 2015. Avec cette décision, les allocations de base seront divisées par deux à partir de 6000 euros de revenus pour le foyer, et par quatre à partir de 8000 euros. Il y a à peine quelques jours de cela, François Hollande repoussait encore l’idée… Mais il semble donc que ce ne soit plus à l’Elysée que le pouvoir réside.
Politique familiale ou comptable?
Mesure après mesure, c’est toute la politique familiale à la française que le gouvernement actuel remet en cause, bien sûr au nom de l’égalité. Un dernier clou pour refermer le cercueil de la politique familiale à la française, une des rares, et des dernières, qui fonctionne ? Depuis l’élection de François Hollande, il est hélas patent que le gouvernement et les dirigeants actuels ont, que ce soit sciemment ou accidentellement, constamment joué à dresser une partie de la France contre une autre. Diviser pour mieux régner, cliver pour avoir une chance de conserver un électorat, et donc le pouvoir et ses avantages ? En région parisienne, du fait des salaires plus élevés, mais d’un coût du logement qui représente parfois la moitié des revenus, de très nombreuses familles devraient être touchées par cette mesure censée ne frapper que des "riches". Comme si plus de 5 millions de français touchés par le chômage ne suffisaient pas à rendre les fins de mois difficiles pour celles et ceux qui ont fait le choix, courageux et souvent heureux, de bâtir une famille.
A nouveau diviser sur la famille
Le Premier Ministre s’est félicité de ce qu’il a qualifié de «mesure de justice». L’argument pourrait faire sourire s’il n’était pas aussi hypocrite : ce serait pour sauver le congé parental et maintenir la prime à la naissance que les députés auraient fait ce choix. Mais le but réel de la manœuvre est clairement de réaliser, encore, 800 millions d’euros d’économies en année pleine sur le dos des familles. Ou comment crucifier le modèle familial français en associant mauvaise foi et idéologie, après avoir déjà fait exploser les impôts des familles nombreuses, et quelques semaines après avoir, là aussi au nom de l’égalité, sacrifié les congés parentaux, là aussi au nom d’une conception très particulière de l’égalité. "Je pense qu’on ne prend pas les choses par le bon bout, a réagi Mgr Podvin, porte-parole des évêques de France, sur l’antenne de Radio Classique. Je regrette qu’on le prenne par ce bout parce que je trouve qu’on risque à nouveau de diviser sur la famille, sans même d’ailleurs que la mesure ne produise une efficacité réelle. Vouloir la justice sociale, oui, bien sûr. L’argument de justice sociale, qui ne le défendrait ? La famille n’a pas besoin de ça en ce moment. Elle a besoin d’autres mesures, d’autres soutiens, d’un soutien à notre démographie, qui est enviable au niveau mondial".
Ouvrir la boîte de Pandore
"Ce gouvernement n’aime pas les familles, s’en prendre à la famille, c’est s’en prendre à l’avenir, a souligné pour sa part Marc Le Fur, vice-président UMP de l’Assemblée Nationale." "La mise sous conditions de ressources des allocations familiales, c’est ouvrir une nouvelle boîte de Pandore et mettre les familles en péril, a réagi quant à elle La Manif Pous Tous dans un communiqué. Le débat n’est pas sur le plafond. La véritable question, c’est son existence, qui remet en cause la politique familiale qui vient d’être enterrée pour se transformer en politique sociale. Et si le plafond est de 6000 € en 2015, sera-t-il de 5000 € en 2016 puis 4000 € en 2017 ? Il faut dire la vérité aux familles de France : en plaçant les allocations familiales sous conditions de ressources, on fait passer la politique familiale à la guillotine. Quel avenir pour les familles, premier lieu de solidarité et refuge pour les plus vulnérables, particulièrement en période de crise ? Quel avenir pour les enfants, avenir de notre société ?"
Le message est clair : le mieux, en matière d’enfant, serait d’éviter tant d’en faire que de s’en occuper. Un pas de plus, à force de taper sur les familles, vers une simili politique de l’enfant unique à la chinoise, un enfant à enlever au plus vite à sa mère pour le confier aux bons soins de l’Etat ?
Dans un entretien à paraître vendredi dans Le Figaro, le président des députés UMP, Christian Jacob, rappelle que "la politique familiale ne peut pas être une politique d’ajustement budgétaire. Avec la mise sous condition de ressources des allocations familiales, rien n’empêchera demain que les soins médicaux soient remboursés selon les revenus et que la retraite par répartition soit remise en cause". Même le N° 1 de la CGT, Thierry Lepaon, dénonce une mesure "contraire à l’esprit même de la sécurité sociale" et une "remise en cause sans précédent de ce qu’on appelle l’universalité."
Le SFT sera-t-il renégocié ?
Armée, familles… Les cibles des dernières réformes sont en tout cas claires : en priorité celles et ceux qui ne risquent pas de faire grève quand on les sacrifie. Quid des avantages des élus, des régimes spéciaux, des différences de cotisation ou de du calcul des retraites entre privé et public, des gabegies de la formation professionnelle ? Plus directement, quid du SFT (supplément familial de traitement) accordé aux fonctionnaires, et qui augmente avec le traitement ? En effet, plus un fonctionnaire gagne, plus il perçoit pour ses enfants, comme le précise le portail du servic public : une part fixe, à laquelle s’ajoutent 3% de son traitement brut s’il a deux enfants, 8% s’il en a trois, et 6% par enfant supplémentaire, avec des montants plafonnés depuis peu. Un avantage estimé à environ 1,5 milliard d’euros par an. Au nom de l’égalité et de la justice sociale mis en avant par Marisol Touraine, le SFT sera-il également remis en cause ? Il est permis d’en douter…