Actuellement dans le collimateur de la justice française, la banque helvétique lui a livré les dossiers de clients français soupçonnés de fraude fiscale.
Le journal suisse-allemand Sonntagszeitung a annoncé ce lundi la transmission par les autorités suisses des dossiers de 300 clients français soupçonnés d’évasion fiscale. Ces documents auraient été remis à la justice française au cours des dernières semaines. Le site affirme que les clients n’ont pas été avertis de l’opération, ce que dément une source proche du dossier citée par Romandie.com, qui indique au contraire que les « toutes les personnes concernées par l’entraide administrative ont été informées ». La source précise en outre qu’un « nombre important » de dossiers initialement transmis par Paris n’ont pas pu être traités, car beaucoup des personnes visées ne possédaient aucun compte chez UBS.
Vers l’abolition du secret bancaire ?
Ce nouveau pas vers l’abolition du secret bancaire en Suisse résulte des tensions de nature fiscale grandissantes entre Paris et Berne. Paris, qui avait mis en examen la banque zurichoise UBS pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage illicite en juillet dernier, pourrait lui infliger l’amende historique de 4,9 milliards d’euros, si celle-ci était reconnue coupable. L’établissement, qui a déjà dû verser la caution record de 1,3 milliards d’euros à la justice française, envisage un pourvoi en cassation contre cette caution (dont elle conteste la méthode de calcul) ainsi qu’un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Les coulisses de l’évasion fiscale
L’ordonnance des juges d’instruction se fonde également sur le témoignage d’anciens salariés d’UBS, avec en tête de liste Stéphanie Gibaud, qui se fait le nouveau porte-voix du combat contre le monde du silence bancaire. Cette dernière a été durant huit années directrice de la communication, et a régulièrement organisé des événements en France, afin que les banquiers de Genève puissent y démarcher des clients potentiels. Après l’explosion de l’affaire opposant UBS aux Etats-Unis en 2007 pour les mêmes motifs, Stéphanie Gibaud aurait pris conscience du caractère illégal du système dans lequel elle opérait, et décide de porter plainte contre UBS en 2009. Elle relate le déroulement de l’affaire dans une récente interview accordée à Swissinfo. Au journaliste qui s’interrogeait à juste titre sur son revirement après des années passées à organiser ces fameuses opérations de recrutement, celle-ci déclare avoir « ignoré jusqu’en 2007 » qu’elle détenait « une information à risque » et a décidé de fournir les informations à la justice française, afin de ne pas être inquiétée pour complicité. Dans son livre La femme qui en savait vraiment trop paru cette année, elle dévoile « les coulisses de l’évasion fiscale en Suisse ».
Si la pratique du secret bancaire comporte des risques – en permettant notamment dans certains cas au crime organisé de dissimuler ses méfaits, ou en entraînant une perte budgétaire en cas d’évasion fiscale, elle a pour but premier de garantir l’honnêteté du banquier envers son client. Comme le rappelle l’Institut économique Molinari, le secret bancaire est une pratique presque aussi ancienne que l’activité bancaire elle-même, qui émane du droit des contrats et qui est devenue au fil du temps une convention assimilable au secret médical. Il constitue en outre un aspect du respect de la vie privée (prévu à l’art. 8 de la Convention Européenne des droits de l’homme), de même qu’un moyen de défense contre l’arbitraire étatique, et une aide à la résistance à l’oppression (prévu par l’art. 2 du préambule de la Constitution de 1958).