48 spécialistes du mariage du monde entier, catholiques et non catholiques, ont fait parvenir une lettre ouverte au Pape et aux membres du Synode sur la famille.
Quels sont les grands enjeux touchant la famille dans le monde et la société d’aujourd’hui ? Quelles sont les réalités atemporelles du mariage ? Pas moins de 48 chercheurs et spécialistes de plusieurs pays, catholiques ou non, ont fait parvenir en juin dernier au Vatican une lettre ouverte, via Mgr Carlo Maria Vigano, nonce apostolique.
Voici le texte intégral cette lettre ouverte :
Saint-Père, Eminences, et Excellences,
Nous nous réjouissons que le Saint-Père ait ainsi capté l’attention du monde entier et de tant de bonnes volontés pour la foi chrétienne ! Comme d’autres, nous sommes profondément émus par ses expressions d’amour et de miséricorde, en écho à l’amour et à la miséricorde du Christ, en particulier pour ceux qui sont sans défense et abandonnés.
C’est dans ce contexte que nous nous félicitons de la décision de convoquer un Synode extraordinaire des évêques pour examiner les défis posés au mariage et à la famille. Comme chacun d’entre vous, nous croyons que la famille est, avec l’Église elle-même, la plus grande manifestation institutionnelle de l’amour de Christ. Pour ceux qui veulent aimer comme Il voudrait que nous aimions, le mariage et la famille sont indispensables, à la fois en tant qu’instruments de salut et remparts de la société humaine.
Les derniers papes ont été très clairs sur ces points. Le Pape Benoît XVI, par exemple, a écrit que « le mariage est vraiment un instrument de salut, non seulement pour les personnes mariées, mais pour toute la société ». Et, dans Evangelii Gaudium, Votre Sainteté a réaffirmé que « la contribution indispensable du mariage à la société dépasse le niveau de l’émotivité et des nécessités contingentes du couple ».
Ce Synode est une occasion d’exprimer des vérités éternelles sur le mariage. Pourquoi ces vérités sont-elles importantes? Comment représentent-elles l’amour vrai, pas l’« exclusion » ou le « préjudice », ou l’une ou l’autre des accusations portées contre le mariage aujourd’hui ? Des hommes et des femmes ont désespérément besoin d’entendre la vérité sur pourquoi ils devraient se marier, en premier lieu. Et, une fois mariés, pourquoi le Christ et l’Église veulent qu’ils demeurent fidèles l’un à l’autre tout au long de leur vie sur cette terre. Et que, quand le mariage devient difficile (comme c’est le cas pour la plupart des couples), l’Eglise soit une source de soutien, pas seulement pour les conjoint, mais pour le mariage lui-même.
Vous avez écrit des paroles si fortes, Saint-Père, sur l’importance d’une nouvelle évangélisation au sein de l’Eglise : “La communauté évangélisatrice, par ses œuvres et ses gestes, se met dans la vie quotidienne des autres, elle raccourcit les distances, elle s’abaisse jusqu’à l’humiliation si c’est nécessaire, et assume la vie humaine, touchant la chair souffrante du Christ dans le peuple.”
Permettez-nous de suggérer humblement que, dans le cadre du mariage et de la vie de famille, vos paroles soient un appel à la responsabilité personnelle, non seulement pour nos propres conjoints et enfants, mais pour les mariages de ceux que Dieu a placés à nos côtés : nos parents et amis, ceux qui sont dans nos églises et dans nos écoles.
Les enjeux sont considérables. Selon un rapport mondial « Child Tendance 2013s », “L’augmentation spectaculaire, au cours des quatre dernières décennies, de la cohabitation, du nombre de divorces et de naissances hors mariage dans les Amériques, en Europe et en Océanie, suggère que l’institution du mariage est beaucoup moins pertinente dans ces parties du monde”. Aux États-Unis, le taux de mariage est le plus bas jamais enregistré, la cohabitation hors mariage, ou concubinage, est en train de devenir une alternative acceptable au mariage, et plus de la moitié des naissances chez les femmes de moins de 30 ans se produit maintenant en dehors du mariage. Parmi d’innombrables autres associations négatives qui ont été avancées, chacune de ces tendances a été liée à une valeur nette basse et à la mobilité économique, la pauvreté et le bien-être – pour les femmes et les enfants, en particulier.
Parmi les mariages existants, nombreux sont fragiles et tendus. Selon les prévisions, 40 à 50% de tous les premiers mariages aux Etats-Unis finiraient par un divorce. Ce taux augmente nettement avec chaque remariage successif ; et selon les enquêtes, la raison n’en est pas la médiocre qualité des relations conjugales, mais la faiblesse de l’engagement.
Les conséquences du divorce et de la cohabitation pour les enfants comme pour les adultes sont nombreuses et variées – allant de la pauvreté, la faible réussite scolaire jusqu’à la détérioration de la santé physique ; de l’engagement matrimonial plus faible à l’âge adulte à la mort survenue plus tôt. Et tandis que chaque nation est unique, les études montrent que l’impact de ces tendances s’étend au monde entier. Un petit échantillon de ces études : la Chine, la Finlande, la Suède, l’Uruguay, le Mexique, la Grèce, l’Afrique, les pays de l’Asie de l’Est et du Pacifique.
Les coûts de la pornographie pour les sociétés sont importants. Selon les enquêtes menées sur l’impact de la pornographie sur les relations, elle constitue une cause majeure de la destruction des mariages. Malheureusement, la recherche à long terme sur l’effet de la pornographie sur le mariage est pratiquement inexistante.
Les lois relatives au « divorce sans faute » aux États-Unis et dans de nombreux autres pays ont autorisé un système dans lequel les juges et les avocats facilitent la dissolution du mariage, souvent contre la volonté des époux qui restent fermes dans leur engagement matrimonial.
En dépit de la tristesse de ces tendances, nous sommes encouragés et renforcés dans notre décision par l’exhortation du Saint-Père: “ Les défis existent pour être relevés ! Soyons réalistes, mais sans perdre la joie, l’audace et le dévouement plein d’espérance ”.
Peut-être la nouvelle façon pour nous, et la plus audacieuse, d’évangéliser les couples mariés (et par extension les futurs mariages de leurs enfants) est de construire de petites communautés de couples mariés qui se soutiennent inconditionnellement dans leur vocation à la vie conjugale. Ces communautés pourraient fournir des réseaux de soutien fondés sur les liens de la foi et de la famille, sur l’engagement pour le mariage à vie, et la responsabilité réciproque.
Ici, nous proposons quelques moyens pratiques pour créer et soutenir ces communautés :
* Commission du Conseil pontifical pour la famille : conduire une recherche longitudinale, interdisciplinaire, sur le rôle de la pornographie
et le divorce ‘sans faute’ dans la crise du mariage.
* Former les séminaristes. Leur offrir des cours obligatoires couvrant les preuves explorées en sciences sociales sur les avantages du mariage, les menaces contre le mariage, et les conséquences du divorce et de la cohabitation pour les enfants et la société.
* Former les prêtres à mettre en avant dans leurs homélies la valeur spirituelle et sociale du mariage, les défis actuels qui se posent à celui-ci, et l’aide apportée par la paroisse pour les mariages en difficulté. Selon une étude récente, pour 72% des femmes catholiques américaines, l’homélie hebdomadaire représente leur principale source pour l’apprentissage de la foi.
* Créer des petits réseaux, dynamiques, de couples mariés solides comme mentors au niveau de la paroisse, disponibles pour offrir aux conjoints des outils pour maintenir leur mariage sain et durable.
* Sensibiliser les paroissiens à l’influence extraordinaire qu’ils peuvent avoir sur les mariages d’amis et de famille. Selon les données de la science sociale, la présence de famille et d’amis divorcés augmente son propre risque de divorce. Par ailleurs, les données suggèrent que des membres de la famille et des amis peuvent contribuer à renforcer l’engagement et la satisfaction au sein des mariages de ceux qu’ils aiment, par leur exemple et leur soutien.
* Encourager et concourir à la réconciliation des couples mariés qui sont séparés ou ont été divorcés par des tribunaux civils.
* Demander aux évêques du monde entier de lancer des prières régulières pendant la messe du dimanche pour des mariages solides et fidèles.
* Soutenir les efforts pour préserver ce qui est bon et juste dans les lois du mariage existantes, résister à toute modification de ces lois qui contribuerait à affaiblir encore l’institution, rétablir les dispositions légales qui protègent le mariage comme une union entre un homme et une femme, inscrit avec une ouverture au don des enfants, et vécu fidèlement et de façon permanente comme le fondement de la famille naturelle.
* Soutenir la liberté religieuse dans les tribunaux compétents en matière de divorce. Beaucoup ne savent pas que la liberté religieuse est régulièrement violée par les juges de divorce qui ignorent ou dénigrent les vues d’un conjoint qui cherche à sauver un mariage, garder les enfants dans une école religieuse, ou empêcher un conjoint qui divorce d’exposer les enfants à un partenaire sexuel non marié. Lancer un consortium d’avocats et de législateurs pour lutter contre ce problème.
Réaliser ces objectifs à l’échelle internationale serait un grand pas en avant pour les mariages et les familles. Les réaliser tous pourrait inverser la crise mondiale.
Sous votre direction, nous contribuerons à la réussite et l’épanouissement du mariage en plaçant la plus grande valeur sur l’engagement matrimonial – à tous les niveaux de la société, dans tous les coins du monde. Nous remercions Votre Sainteté, Eminences, et Excellences d’assumer cette tâche vitale et vous pouvez être assurés de nos prières pour son grand succès.
Les signataires :
Greg and Julie Alexander Fondateurs, The Alexander House Apostolate, Texas
Ryan T. Anderson William E. Simon Fellow in Religion and a Free Society, The Heritage Foundation, Washington, DC
Erika Bachiochi, Esq., legal scholar and author, Massachusetts
Monsignor Renzo Bonetti Fondateur et Président, Fondazione Famiglia Dono Grande, Italy
Gerard Bradley Professeur de Droit, University of Notre Dame Law School
Ana María Celis Brunet Professeur de Droit,Pontificia Universidad Católica de Chile
Mary Eberstadt Senior Fellow, Ethics and Public Policy Center, Washington, DC
Jason and Crystalina Evert Fondateurs, Chastity Project, Colorado
Patrick Fagan Directeur, The Marriage and Religion Research Institute, Family Research Council, Washington, DC
Thomas Farr Visiting Associate Professor and Director, The Religious Freedom Project Georgetown University
Silvio Ferrari Professeur de Droit, University of Milan, Italy
Richard Fitzgibbons Directeur, The Institute for Marital Healing, Pennsylvania
Juan G. Navarro Floria Profesor Ordinario, Pontificia Universidad Católica Argentina
Matthew Franck William E. and Carol G. Simon Center on Religion and the Constitution The Witherspoon Institute, New Jersey
Robert P. George McCormick Professor of Jurisprudence, Princeton University
Mary Ann Glendon Learned Hand Professor of Law, Harvard University
Bruce and Jeannie Hannemann Co-Directeurs, RECLAiM Sexual Health Co-Fondateurs, Elizabeth Ministry International
George A. Harne Président, The College of Saint Mary Magdalen
Mary Hasson Fellow, Catholic Studies Program, Ethics and Public Policy Center, Washington DC
Alan J. Hawkins Professor of Family Life, Brigham Young University
Kent R. Hill International Development leader, Washington DC
Byron Johnson Distinguished Professor of the Social Sciences and Director, Institute for Studies of Religion, Baylor University
Thomas Lickona Directeur, Center for the 4th and 5th Rs (Respect and Responsibility) State University of New York at Cortland
John McCarthy Dean, School of Philosophy, The Catholic University of America
Rocco Mimmo Chairman, Ambrose Centre for Religious Liberty, Sydney, Australia
Gloria M. Moran Professeur de Droit, Chair of Law, Religion and Public Policy, University of La Coruña Spain.
Jennifer Roback Morse Président, Ruth Institute, California
Melissa Moschella Assistant Professor of Philosophy, The Catholic University of America
Rafael Navarro-Valls Professeur émérite de Droit, Complutense University, Spain Secretary General of the Spanish Royal Academy of Jurisprudence and Legislation
Rafael Palomino Professeur de Droit, Complutense University, Spain
Marcello Pera Ancien Président, Sénat d’Italie Professor, Pontifical Lateran University, Rome, Italy
Vicente Prieto Universidad de La Sabana, Bogotá, Colombia
Fr. Juan Puigbó Diocese of Arlington, VA
David Quinn Director, The Iona Institute, Ireland
Mark Regnerus Associate Professor of Sociology, University of Texas at Austin
Balázs Schanda Professor of Law, Pázmány Péter Catholic University, Hungary
Alan E. Sears President, CEO, & General Counsel, Alliance Defending Freedom
Reverend Charles Sikorsky President, The Institute for the Psychological Sciences, Virginia
O. Carter Snead Professeur de Droit, William P. and Hazel B. White Director, Center for Ethics and Culture, University of Notre Dame
Reverend D. Paul Sullins Professor of Sociology, The Catholic University of America Senior Fellow for Family Studies, Family Research Council President, The Leo Institute, Washington, DC
Rebecca Ryskind Teti Center for Family Development at Our Lady of Bethesda
Mervyn Thomas Chief Executive, Christian Solidarity Worldwide, United Kingdom
Javier Martinez-Torron Professeur de Droit, Chair of the Department of Law and Religion, Complutense University
Hilary Towers Psychologue, Manassas, Virginia
D. Vincent Twomey Professeur émérite de théologie morale, Pontifical University, Maynooth, Ireland
Paul C.
Vitz Senior Scholar and Professor, The Institute for the Psychological Sciences, Virginia
Rick Warren, Founder and Pastor, Saddleback Church, Lake Forest, California
Robert Wilken William R. Kenan, Jr. Professor of the History of Christianity Emeritus, University of Virginia