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Ecole primaire : pourquoi cache-t-on certains livres aux parents ?

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Judikael Hirel - publié le 17/09/14
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Dans les consignes d’un livre utilisé dans les écoles primaires depuis des années figure noir sur blanc le fait de le cacher aux parents.
Les récentes polémiques sur l’enseignement des théories du genre dans les écoles publiques n’auraient-elles été que la partie visible de l’iceberg ? Aux parents qui ont reproché à l’Education Nationale non seulement de lui cacher ce qui se passe vraiment dans les écoles, mais aussi de sortir de son rôle d’éducation pour passer dans un rôle de rééducation voire d’endoctrinement, il avait été répondu "fantasme, passez votre chemin". Laurence Rossignol parlait même de "la France moisie" qui soutient les Journées de Retrait de l’Ecole, résumant tout cela d’un sectaire et lapidaire : "Les Américains ont leurs créationnistes – en France nous avons désormais les anti-genders".

Eviter les réactions négatives des parents
Pourtant, cette semaine,  un livre baptisé "Que font les petits garçons" ?" crée la polémique, et l’élargit. La raison ? Dans la fiche de présentation de ce livre (à découvrir en ligne ici) destiné aux enfants de l’école primaire, il est écrit noir sur blanc qu’"il est impératif que la phase de découverte (de ce livre) ait lieu en classe et que les albums ne soient pas empruntés pour être emmenés à la maison. Les réactions très négatives de certains adultes à l’égard du livre pourraient compromettre son exploitation". Dit autrement, on demande aux enseignants de dissimuler aux parents ce qui se fait à l’école, et aux enfants à mentir à leur parents. On peut imaginer les dégâts à long terme de ce genre de comportement au sein de familles fragilisées, dont les parents ne lisent pas ou peu, voire ne parlent pas français.

Une fiche éloquente… et archivée
La fiche de l’ouvrage sur le site Web de Académie de Nantes a été rapidement archivée mais est encore lisible sur le site de Direct Matin. Et le contenu du livre, comme sa présentation, posent question sur ce qui est véritablement enseigné au sein des écoles de la République : "présenté sous forme d’abécédaire, sur chaque page de gauche une petite fille jongle avecla lettre initiale du prénom d’un garçon et annonce son activité. Sur les pages de droite, une illustration maltraite les conventions culturelles de la représentation de l’enfance." (…) "Le décalage entre le laconisme et la platitude du texte et les provocations de l’image constitue le principale ressort de cet album qui, l’expérience le montre, met mal à l’aise beaucoup d’adultes quand il ne suscite pas leur franche hostilité."

Plus loin, on apprend que "les allusions explicites à la sexualité contribuent à pervertir les règles habituelles. (…) Grégory réfléchit devant une grande affiche publicitaire pour la lingerie féminine qui joue sur les ressorts de l’érotisme graphique." Et "les images qui évoquent la mort ne les arrêtent pas car celles qui concernent la sexualité accaparent leur atttention." Rappelons que l’on parle d’un ouvrage destiné aux élèves de fin de primaire… Plus loin on lit : " Faut-il voir dans le " tas de petites filles" que connaît Karim une image de harem et comme un lointain écho du bain turc d’Ingres ? " Racisme inconscient ? En tout cas, l’association entre un prénom tel que Karim et un harem a également de quoi faire bondir les parents d’origine maghrébine… Une raison de plus de cacher cet album aux parents ? Sur le site de l’Académie de Lille, depuis 2005, on explique sans détour que le thème abordé par ce petit livre tout sauf innocent est notamment la découverte de la sexualité (homosexualité, voyeurisme, …). Autant de notions en effet essentielles à enseigner au plus tôt aux enfants de primaire dans des écoles publiques…

Le monde parallèle de l’Education Nationale
Mais le fond du problème est encore ailleurs : depuis quand ment-on aux parents, et sur combien d’ouvrages, combien d’intervenants, combien de sujets orientés, militants voire tout simplement déplacés ? Car cet album signé Nikolaus Heidelbach a été publié en 2000 et la fiche présente sur le site de l’académie de Nantes date de décembre 2006. Et l’ouvrage est utilisé depuis des années dans de nombreuses autres académies dans toute la France (Lille, Créteil, Montpellier…).  La préconisation de l’utilisation de ce livre en école primaire n’est au fond qu’un exemple repéré grâce aux internautes. Mais il est en fait représentatif d’une vision du monde propre à l’Education Nationale, une vision orientée, engagée, partiale et partielle, qui semble plus viser à formater les esprits malléables des enfants qu’à leur enseigner ce qui devrait l’être.

 

En consultant, à partir de ce livre, un projet pédagogique "naître garçon, naître fille" sur le site de l’Académie de Lyon, on y apprend que les enseignants ont à "repérer le changement d’un comportement masculin ou féminin dans un récit, le refus de se conformer à ce que l’entourage attend (La fée sorcière), le moment où la relation bascule (Remue- ménage chez Madame K ; Vite, vite, chère Marie !), où le personnage se révolte (Lola s’en va)." Pour apprendre aux enfants à résister aux parents, à s’opposer à leur entourage ? A se libérer de toute entrave pour devenir des consommateurs heureux ?

"L’homme a la main mise sur le monde"
De même, sur le thème de la construction de l’identité sexuelle, on recommande aux enseignants de "rechercher des livres où il y a doute sur l’identité sexuelle d’un personnage (Jan, mon ami), des personnages androgynes, des livres où un personnage féminin se déguise en garçon (Sarah de Cordoue), des livres où un personnage masculin se déguise en fille. On se rend compte que dans le premier cas, il s’agit souvent d’une nécessité pour accéder à quelque chose d’essentiel, alors que dans le second, c’est souvent une question de goût. Il est plus facile dans la société d’être un homme (Les passagers du vent)." Bien au-delà d’un simple esprit de promotion de l’égalité entre homme et femme, entre garçon et fille, le discours comme la réflexion sont clairement fondés sur un postulat initial : la suprématie, la dictature masculine : "les personnages représentés sont souvent vus comme un groupe indifférencié, dans lequel il est difficile de distinguer le masculin du féminin, surtout lorsqu’il s’agit des enfants (Haïti chérie ; L’enfant noir). Au moment de la puberté, il y a réellement séparation des rôles de chacun (L’amour d’Aïssatou). L’homme prend une importance et une place prépondérantes ; c’est lui qui accède à la spiritualité, au monde surnaturel. Il a la main mise sur le monde et le pouvoir de changer les choses".

Changer les enfants pour changer le monde
Le rôle de l’enseignant, en qui les parents mettent et doivent mettre toute leur confiance, et avec qui les enfants passent tant d’heures chaque semaine, est-il donc de "changer les choses" de changer les enfants pour changer le monde ? Dans une interview accordée en janvier 2014 à L’Express, Laurence Rossignol déclarait : "Les enfants n’appartiennent pas à leurs parents", je rappelais tout simplement une notion qui est enseignée à l’université en 1re année de droit : aucun individu, enfant ou adulte, n’appartient à personne. Les parents ont la responsabilité éducative de leurs enfants, mais ils n’ont pas le droit de propriété sur eux." Et si le même raisonnement s’appliquait également aux enseignants ?

 

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