Comment un groupuscule fondé en 2003 a-t-il pu devenir le groupe terroriste le plus riche au monde ?
Une vraie start-up du mal… Voilà une réussite financière qui interroge sur ses soutiens économiques. Les quantités d’argent brassées par les terroristes de l’État Islamique en Irak et au Levant (Daesh en arabe) impressionnent sur le terrain. « Ils sont littéralement bourrés de fric, s’exclame crûment un irakien chrétien. Ils terrorisent une partie de la population. Mais l’autre partie, ils l’achètent ! »
En fait, les sources de financement de ce groupe terroriste ont changé avec le temps. Petit groupe peu connu en 2003, il a bénéficié du soutien de « généreux donateurs » saoudiens. Selon David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS), et chercheur associé à l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), interrogé par Radio Vatican, « ce financement est ambigu, parce qu’il est impossible de savoir s’il relève directement de l’État Saoudien, ou si ce sont de riches familles qui ont financé indépendamment cette organisation. Les relations entre l’État et les familles sont poreuses. »
Le changement de cap saoudien
À l’origine de ce financement, on trouve la volonté de nuire aux régimes chiites de Bachar Al-Assad en Syrie et de Nouri Al-Maliki en Irak. Mais l’argent ne fait pas tout : bien que les saoudiens aient financé le Daesh, ils n’en sont pas les créateurs, et la montée en puissance de ce mouvement semble les avoir effrayés.
L’organisation terroriste a officiellement été dénoncée par le roi saoudien Abdallah en juin 2014. Ce changement de cap s’explique par la crainte d’un « retour de feu » : les djihadistes, dont une partie sont saoudiens, pourraient vouloir établir un état islamique en Arabie Saoudite à leur retour au pays. La crispation est palpable, notamment à la frontière irakienne, autour de la localité d’Arar. Peu confiants dans le travail des gardes-frontières irakiens, les saoudiens y ont déployé 30 000 soldats. Une grande partie d’entre eux seraient des égyptiens ou des pakistanais, car les grandes familles saoudiennes se méfient de leur armée : certains membres de l’armée saoudienne ont été trouvés combattant au côté de Daesh.
Un million de dollars par jour
Malheureusement, les dirigeants du Daesh ne sont pas seulement des barbares, ils sont aussi malins, ils ont acquis progressivement leur autonomie financière. Et à ce jour, leur fortune est estimée à environ deux milliards d’euros. Ils gagneraient un million de dollars par jour en rançonnant les minorités religieuses et en prélevant des droits de passages sur les routes, mais surtout en vendant le pétrole des raffineries qu’ils détiennent. Pour lutter efficacement contre eux, il faudrait sans doute commencer par couper ces sources de financement, et notamment reprendre le contrôle des raffineries de pétrole, dont dépend plus de la moitié de leurs revenus.