Le dernier épisode du désastreux feuilleton de la présidence « normale » lui porte le coup de grâce. Il faudra beaucoup d’efforts, de patience et de vertu pour rendre aux Français l’estime de la chose publique.
Un chef d’Etat contraint de répondre à des questions de journalistes concernant les vilenies que lui prête son ancienne maîtresse lors d’une conférence de presse à un sommet international à l’étranger, c’est du jamais vu ! C’est pourtant l’exercice auquel s’est livré François Hollande au sommet de l’Otan à Newport la semaine dernière. Un vaudeville particulièrement déplacé alors que l’objet de la rencontre internationale était le terrorisme islamique et la guerre fratricide qui ensanglante les confins de l’Ukraine et de la Russie.
Le principal défaut du roman de gare de l’ex compagne du président de la République, c’est de ne pas être un roman ! Ce n’est pas ainsi qu’il se présente, ce n’est pas ainsi qu’il est reçu. On y voit la vengeance au demeurant sordide d’une femme publiquement humiliée après avoir rempli sinon tenu le rôle de « première dame ». Valérie Trierweiler avait un bureau à l’Elysée, un secrétariat, des gardes du corps. Elle était aux côtés du président de la République dans nombre de ses voyages ou dans des cérémonies officielles. Elle était même présente dès le soir de son élection dans une posture qui n’avait rien d’effacé (la scène du : « Embrasse-moi sur la bouche » est encore dans toutes les mémoires…comme le restera désormais l’expression -politiquement mortelle pour son ancien amant- des « sans-dents »). Sa répudiation signifiée par un communiqué à l’AFP était du même goût, sans que la situation n’en redevienne pour autant « normale ». D’autant que Ségolène Royal, précédente rivale et ennemie de Valérie Trierweiler, la mère des quatre enfants de François Hollande, le côtoie à nouveau comme l’un de ses principaux ministres ! Quel romancier aurait oser imaginer un tel scénario au sommet de l’Etat ?
Tous ces protagonistes « qu’ils le veuillent ou non, (…) ont un statut particulier qui les distingue des citoyens ordinaires, souligne le sociologue Jean-Pierre Le Goff dans un remarquable entretien au Figaro. C’est cette dimension symbolique essentielle à la représentation qui est déniée quand on veut en faire une simple affaire privée de règlement de comptes au sein d’un couple qui s’est séparé, comme on en voit beaucoup aujourd’hui. Ce déni et l’irresponsabilité politique qui l’accompagne sont symptomatiques d’un individualisme nouveau en politique pour qui le rapport à l’institution, les contraintes et les sacrifices qu’implique le service de l’État et du pays ne vont plus de soi. »
Après les démêlés sentimentaux de Nicolas Sarkozy (Cécilia puis Carla « c’est du sérieux ») et ses « sorties » indignes de sa fonction (« Casse-toi pauvre c… ! »), après l’escapade « closerisée » de son successeur « normal » à scooter à laquelle réplique ce livre, après les affaires Strauss-Kahn, Cahuzac et maintenant Thévenoud (trois virtuoses du Ministère des finances : la malédiction du règne de l’argent ?), comment rendre à nos concitoyens ébranlés par la crise morale, politique et économique du pays, confrontés à la montée irrésistible du chômage, et légitimement inquiets pour l’avenir de leurs enfants, l’amour du bien commun, l’énergie et la fierté d’être Français ? Service, abnégation, exemplarité dans la vie publique comme dans la vie privée : parions qu’ à la prochaine campagne pour l’élection présidentielle, le candidat qui aurait le courage d’exhumer ces « vieilles lunes » en affichant sa volonté de rompre avec les décennies délétères d’un « show-biz » moitrinaire ("moi, moi, moi"), aurait les meilleures chances de l’emporter.