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Les croisades ont-elles été des guerres justes ?

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Gelsomino Del Guercio - publié le 29/08/14
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Question : ce qui se passe en Irak s’apparente-t-il à une guerre sainte ? La mise au point de Mgr Luigi Negri et de l’historien Marco Meschini.
Mgr Luigi Negri, archevêque de Ferrare-Comacchio, a récemment fait la une des journaux après cette déclaration qui a fait débat : « Le fait est que nous, chrétiens du Troisième millénaire, nous devons beaucoup aux Croisades. Nous leur devons que ne se soit pas perdue la possibilité des grands pèlerinages en Terre Sainte : dans les lieux de la vie historique de Jésus-Christ et de la naissance de l’Église ». 
« Aux Croisades »,  a ajouté Mgr Negri, « nous devons que la fin de la grande épopée de la civilisation byzantine ait été retardée d’au moins deux siècles, et surtout qu’aient été sauvées de la domination turque les régions de notre belle Italie, en bordure de la mer Adriatique, la mer Tyrrhénienne et la mer Ionienne, décimées par les raids systématiques des pirates et des Turcs qui, au cours des siècles, ont appauvri notre peuple ». 

1- LES CROISADES EN RÉPONSE AU JIHAD ?
Le professeur Marco Meschini, historien et professeur d’histoire médiévale, et l’un des plus grands spécialistes des Croisades en Italie, partage l’avis de l’archevêque de Ferrare : « Les déclarations de Mgr Negri sont justes et, j’ajouterais volontiers, importantes, a déclaré Marco Meschini à Aleteia. « Nous devons toujours nous souvenir que les croisades en Terre Sainte sont une réponse au Jihad, autrement dit à la guerre sainte islamique. Il est donc juste d’affirmer que les Croisades ont soutenu l’Orient chrétien, c’est-à-dire Byzance, mais avec certains épisodes sombres, comme par exemple la Quatrième Croisade ». 

2- UN BOUCLIER PROTECTEUR 
Mais en dehors de cela, les Croisades, de la fin du XIe siècle jusqu’à la fin du XIIIe siècle, ont créé au cours de cette longue période « une sorte de bouclier qui a protégé l’Orient chrétien, et à vrai dire l’Europe occidentale aussi. En effet, après la conquête islamique de Byzance en 1453, le Jihad s’est propagé vers l’Ouest et, pour l’arrêter, il a fallu bien des efforts, couronnés par les victoires de  Lépante (1571) et de Vienne (1683) ». 

3- LES  SIMILITUDES AVEC LE CALIFAT
Le professeur se montre très prudent sur le fait d’établir un parallèle entre la question irakienne actuelle, où les chrétiens sont chassés de leurs maisons, et les croisades :« On peut  aussi trouver des correspondances très relatives avec le prétendu Califat islamique, précise le professeur  Meschini. Mais la période historique et les motivations sont très différentes. » 

4- LA TENTATION DE L’EXPANSION 
La plus grande similitude est peut-être celle-ci : au-delà des circonstances historiques, le Califat islamique autoproclamé aujourd’hui en Irak « ne fait que répéter l’éternel refrain de l’Islam : une expansion politique et militaire, et pas seulement religieuse, au détriment de ses voisins non-islamistes ». En effet,  dès lors qu’il existe une réalité politique et religieuse islamique (n’oublions pas que, pour l’Islam, politique et religion ne font qu’un, et le Califat correspond à ce type de réalité), « leur objectif propre, c’est de se répandre au détriment de ceux qui ne sont pas (encore) islamistes. C’est là conceptuellement leur identité ». 

5- UNE RÉPONSE TACTIQUE A l’ISIS
Dans un certain sens, explique le professeur Meschini, « combattre et peut-être mettre fin à toute structure de ce type s’apparente à ce qu’ont fait les Croisades en plein Moyen-Age. Là s’arrête la ressemblance, il n’y en a pas d’autre ». En revanche, les différences sont multiples : d’abord, actuellement il n’y a pas en Occident une vision commune du monde ; tout au plus, nous pouvons avoir des points communs entre les différents pays et les réponses sont alors d’ordre plus tactique que stratégique ». 

6- ON NE COMBAT PAS POUR LES CHRÉTIENS
Ainsi, le président Obama a donné le feu vert pour des raids, « mais je ne pense pas qu’il l’ait fait pour contrer l’expansion d’un Etat islamique en tant que tel, mais, tactiquement, pour empêcher ses concitoyens qui sont en Irak d’être exposés à un risque excessif ».  Une autre différence est qu’ « aujourd’hui on ne combat pas pour reconquérir des terres qui étaient chrétiennes. L’Irak, l’Iran, etc. ne sont pas perçus – et dans un certain sens ne pourraient pas l’être  – comme des territoires chrétiens. En revanche, les Croisades avaient comme objectif le reconquête de la Terre Sainte ». 

7- LE CONCEPT DE GUERRE JUSTE
Il existe aussi un élément commun entre aujourd’hui et hier dans le concept de “guerre juste”, comme l’a rappelé également le pape François : c’est qu’il est légitime (du point de vue juridique, plus que moral) de répondre avec une force appropriée à la violence d’une agression. « Mais les Croisades, observe l’historien, qui ont été indéniablement des guerres « justes », étaient aussi des guerres “saintes” : et quand une guerre juste devient aussi une guerre sainte, alors beaucoup de choses deviennent compliquées. »

8- UNE SEULE EXCEPTION EN 200 ANS
Par exemple, il y a eu un cas de « déviation » de l’objectif initial lors de la cinquième croisade, (1221) : « au lieu de « se borner » à reconquérir les lieux saints, le commandant suprême des Croisés  tenta de porter la guerre directement contre Bagdad, autrement dit contre l’Islam en tant que tel : cela a été un échec retentissant. Mais en fait il s’est agi d’un seul cas, totalement isolé en quelque 200 ans d’histoire  et plus de neuf grandes expéditions européennes ».

9- L’ÉTAT ISLAMIQUE ET TOTALITAIRE ?
Lorsque nous parlons de “guerre juste”, conclue le professeur Meschini, « nous nous référons avant tout à un concept juridique, pas moral. Par exemple, la Seconde Guerre mondiale contre le fascisme nazi a-t-elle été une guerre juste ? Oui, certes, mais cela ne justifie pas tous les moyens, et encore moins du point de vue moral. Pensez au bombardement de Dresde, ou à l’utilisation de la bombe atomique, et ainsi de suite ». L’idéologie nazie était «violente et totalitaire, et elle a été à juste titre stoppée. Tout est dans la façon dont nous jugeons la réalité telle qu’elle se dégage de l’histoire : ce Califat autoproclamé est-il un totalitarisme ou pas ?»

Traduit de l’édition italienne d’Aleteia par Elisabeth de Lavigne

 

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