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Irak : Dix choses à savoir sur l’Etat Islamique

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John Burger - publié le 16/08/14
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EI, ISIS? EEIL ? Les trois sont corrects. Le groupe djihadiste le plus fanatique qui soit au monde a peut-être plusieurs noms, mais il poursuit un seul but : tuer.
ISIS ou ISIL ? Etat islamique ou Califat ? Le groupe de combattants qui a d’ores et déjà ravagé certaines parties de la Syrie et de l’Irak n’a pas seulement semé la mort et la destruction sur son passage. Il a aussi semé la confusion. Pour tenter d’y voir plus clair, Aleteia a contacté certains membres de son Comité d’experts afin de rédiger ce premier aperçu d’ensemble sur l’Etat islamique d’Irak et de Syrie (ISIS), l’une de ses nombreuses appellations.
Nous remercions pour leur collaboration à cet article Mgr Elias D. Mallon, directeur des affaires extérieures de la Catholic Near East Welfare Association basée à New York ; le père jésuite Mitch Pacwa de EWTN, et William Kilpatrick, auteur de Christianity, Islam and Atheism: The Struggle for The Soul of The West.

1. ISIS, c’est quoi ou c’est qui ? Comment est-il né ?
Le groupe terroriste le plus fanatique du monde, bien pire qu’Al-Qaida,  a acquis depuis peu son nom actuel, après que l’ « Etat islamique en Irak et Al-Sham (ISIS) », ait été proclamé l’an dernier.  Al-Sham a été traduit de l’arabe par « Levant », d’où ISIL. Ce groupe est composé d’extrémistes sunnites recrutés un peu partout dans le monde arabophone, et peut-être au-delà.
Ses origines sont liées à Abou Moussab al-Zarqaoui (ou Zarkaoui), un terroriste notoire né en Jordanie. « Il avait voyagé en Afghanistan à la fin des années 1980, relate le père  Mallon. Il a fondé l’organisation terroriste Tawhid wal-Jihad, (c’est-à-dire proclamant l’unité de Dieu) et finit en 2004 par l’amener sous la bannière d’Al Qaïda, déclarant  la guerre totale aux chiites ». L’Etat islamique est le groupe qui, durant la guerre d’Irak, était souvent mentionné comme « Al Qaïda en Irak », précise la lettre d’information de l’archidiocèse de Toronto. Le groupe se proclame Etat indépendant ayant vocation à s’étendre à l’Irak, la Syrie et au Liban. Il était bien établi dans les premières années de la guerre d’Irak … Le groupe visait les gouvernements d’Irak et de Syrie, mais a aussi revendiqué sa responsabilité dans des attaques ayant tué des milliers de civils irakiens. Selon une étude réalisée par les services de renseignement américains, l’État islamique a l’intention de s’emparer du pouvoir et de transformer le pays en un Etat islamique fondamentaliste."

Al-Zarqaoui a été tué par une bombe américaine en 2006. « ISIS est, semble-t-il, une émanation ou un développement du Al-Qaïda en Irak de al-Zarqaoui », estime le Père Mallon. « Cependant, al-Qaïda a répudié ISIS, à ses yeux trop  indistinctement violent et, par conséquent, risquant de perdre le soutien populaire ». Emanation d’al-Qaïda, ISIS suit la théologie de la secte wahhabite de l’islam sunnite, qui a vu le jour en Arabie orientale dans les années 1740, explique le père Pacwa. « Ils se passionnent pour l’unicité de Dieu et l’élimination de tout shirk, ou association de quelqu’un ou quelque chose avec Dieu. Les premiers Wahhabites, écœurés par les honneurs rendus au Prophète Mahomet sur sa tombe à Médine, l’ont complètement détruite… Leur catéchèse en Arabie soulignait  l’unicité absolue de Dieu et appelait  tous les musulmans à les rejoindre dans la pratique de cette doctrine, ou mourir ».

ISIS est désormais dirigé par  Abou Bakr al-Baghdadi , qui s’est autoproclamé  «  calife » (successeur de Mahomet), le 29 Juin. Si vous êtes déconcertés par les changements d’appellation d’ISIS, vous le serez aussi à propos d’Al Baghdadi. Se faisant appeler initialement  Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri al-Samarrai, al-Baghdadi a adopté son nom de guerre après le nom du premier calife, Abou Bakr. « Récemment, il s’est autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi – les deux derniers noms cherchant à établir une filiation avec Mahomet et sa tribu Quraysh, » explique père Mallon.  « S’il descendait vraiment du prophète, on pourrait penser qu’il apparaîtrait à l’évidence dans son nom. Tout récemment, il se fait appeler Calife Ibrahim  commandeur des croyants, utilisant le titre traditionnel et ancien de Calife—Commandeur des croyants.”

 

 

2. Pourquoi  ISIS existe-t-il ?
Le Père Mallon souligne deux raisons à l’existence d’ISIS :
– Idéologique : répandre l’Islam et la loi islamique à travers les terres du Califat abbasside classique, voire jusque dans la péninsule ibérique. Comme tel, ISIS montre peu de compréhension de l’histoire du califat, très en dents de scie. En cela, ISIS tend à être une sorte  de mouvement romantique, mais d’une incroyable brutalité.

– Pratique : Beaucoup de sunnites en Irak se sentent privés de leurs droits par la loi alaouite de Bachar al-Assad à Damas, ou la loi chiite de  Nouri al-Maliki à Bagdad. Le Père Mallon  pense que "les sunnites sont nombreux à considérer l’ISIS  comme la seule opposition efficace au régime de Bagdad en particulier. Et que, peut-être,  leur loyauté ne va pas beaucoup plus loin."

3. Quel est leur but ? Comment seront-ils en mesure d’y parvenir ?
Selon le père Mallon, leur but est de restaurer le califat et d’étendre l’hégémonie religieuse, politique et militaire islamique aussi loin qu’ils le peuvent. Pour y parvenir, ils sont prêts à violer les principes traditionnels de la guerre islamique.

4. Est-ce un mouvement mondial ?
Oui et non, juge le père Mallon. « Il est mondial en ce qu’il est fait appel à un large public de musulmans qui partagent l’idée romantique d’un califat dans lequel les musulmans règnent sur le monde. Ce n’est pas un mouvement mondial en ce qu’il n’est probablement pas durable pour plusieurs raisons. La première, et non des moindres, est que l’opposition viendrait d’un désir croissant de démocratie dans de nombreux pays musulmans. La démocratie est l’antithèse des califats historiquement autocratiques. En outre, les chiites sont en principe opposés à un califat sunnite régnant sur eux ».

Il ajoute : « Même si ISIS utilise les méthodes les plus brutales et sauvages, ce serait une grave erreur de penser qu’il s’agit d’un groupe primitif. Il s’est montré inquiétant et sophistiqué dans son utilisation de la communication de masse et des médias sociaux. Il existe un magasin à Istanbul, et un site Internet sur lequel on peut acheter des t-shirts avec le logo ISIS  ainsi que le bandeau que l’on voit souvent  barrant le front des combattants d’ISIS.
« Le New York Times estime qu’ISIS est le groupe terroriste le plus riche dans le monde, ayant accès à des centaines de millions de dollars », souligne le père Mallon. « La plus grosse partie, sinon la totalité, de la richesse d’ISIS vient du pillage de villes, banques et individus. Apparemment, il a soigneusement évité de devenir dépendant de sources de financement extérieures susceptibles d’être coupées ».

5. Quelle est leur attitude envers le christianisme, en particulier au Moyen-Orient ?
Le Père Mallon explique que l’attitude de ISIS envers le christianisme semble être basée sur la croyance que toutes les références positives aux chrétiens dans le Coran (par exemple, 5:83, où les chrétiens sont appelés «  les plus proches de vous dans l’amour ») ont été abrogées et qu’ils prennent les chrétiens comme cibles en vue de les convertir, les humilier ou les anéantir. « Il ne s’agit pas là d’une position largement répandue parmi les musulmans ». Le Père Pacwa explique que les Wahhabites ont changé l’enseignement coranique traditionnel concernant les autres religions. « Le Coran enseigne que les juifs et les chrétiens sont des « gens du Livre », puisque leur Bible comprend des livres par ou sur les anciens prophètes que l’islam accepte.
« Les juifs et les chrétiens qui se soumettent à l’Islam et paient l’impôt (jizya) seront en sécurité. Cependant, les wahhabites enseignent que les Juifs et les chrétiens d’aujourd’hui, s’étant écartés de leurs formes originelles, ne sont plus éligibles au statut de “gens du Livre”. Au lieu de cela, ce sont des infidèles, ou kufar en arabe, qui n’ont d’autre choix que de se convertir ou d’être tués, comme des païens ou des athées. De façon surprenante, ils attribuent le statut d’infidèles aux chiites et à toutes les autres sectes, comme celle des Alaouites qui gouvernent la Syrie. Cela explique pourquoi ils attaquent les chrétiens, chiites, alaouites, yezidis et toute personne autre que les wahhabites qui, quant à eux, enseignent la forme la plus pure de l’unicité de Dieu ».

 

 

6. De nombreux rapports font état d’atrocités commises contre les chrétiens et autres minorités religieuses, telles que la décapitation. Que sait-on avec certitude ?
Comme l’a expliqué le patriarche Sako à Aleteia, il n’y a pas eu de cas de massacres ou de crucifixions de chrétiens par les troupes d’Isis, mais un ultimatum à quitter leur domicile ou mourir. En revanche, des centaines de membres de la communauté Yezidi ont été exécutés, et des centaines de femmes vendues comme esclaves à Mossoul ou utilisées comme bouclier humains. Pour le Père Pacwa, l’idéologie wahhabite n’explique pas les crucifixions qui ont été rapportées. « Les décapitations d’enfants ne sont pas une pratique islamique courante, pas plus que les têtes humaines de jeunes enfants qu’ils exhibent comme trophées. S’ils étaient fous, la forte discipline militaire ne serait pas aussi bonne qu’elle est. Apparemment, ils ont choisi une telle noirceur d’âme que même Al Qaida rejette ISIS ».

7. Les Etats-Unis et la communauté internationale les ont-ils stoppés ? Peut-on les arrêter maintenant ?
ISIS peut être réduit, endommagé ou anéanti par les Etats-Unis et la communauté internationale, pense le Père Mallon, « mais je ne crois pas qu’il puisse être stoppé de l’extérieur. Il doit être arrêté de l’intérieur, depuis la Syrie et depuis la société irakienne. Lorsque toute la population a été révoltée par la violence de al-Zarqawi, le mouvement a perdu considérablement de sa force ». « Les partisans romantiques / idéologiques [de ISIS] semblent être peu influencés par l’histoire, les faits ou même, semble-t-il, par la morale islamique. Je crois, cependant, que les partisans concrets / politiques sont dans la majorité. Les soutiens pratiques et politiques sont des  Sunnites avec de réelles et sérieuses plaintes contre les gouvernements de Damas et de Bagdad. Je suppose que si  les exigences de ces Sunnites avaient été satisfaites de façon juste, équitable et démocratique,  ISIS aurait perdu  beaucoup de soutien ».    C’est une réalité que les gouvernements occidentaux, il faut l’espérer, vont comprendre.

8. L’Irak est en train de former un nouveau gouvernement. A quel point la réussite de cette entreprise est-elle importante?
"La formation d’un nouveau gouvernement n’est pas suffisante, juge le Père Mallon. L’Irak doit former un nouveau type de gouvernement – un gouvernement sans corruption ni copinage, un gouvernement de, par et pour tous les Irakiens. Sans un tel nouveau type de gouvernement, je ne crois pas que l’Irak soit viable en tant que pays unifié."

9. Quel rôle peuvent jouer les Eglises ?
Pour le Père Mallon, « d’un côté, les Églises chrétiennes au Moyen-Orient sont dans une situation de grande faiblesse, peut-être la pire depuis des siècles, voire depuis toujours. Néanmoins, ces Eglises peuvent fournir une assistance à la fois matérielle et spirituelle à ceux qui souffrent. Les Eglises peuvent être un puissant témoignage du besoin de justice. Les Eglises ont la capacité de diffuser une information non partisane sur l’ensemble de la planète. Les Eglises pourraient peut-être même jouer un rôle de réconciliateurs. Les chrétiens arabes sont souvent très instruits. Ils pourraient fournir le cadre théorique de l’émergence d’une société civile et de structures démocratiques dans la région et jouer le rôle d’agents de réconciliation. Que ces éventualités peuvent se concrétiser est une question ouverte, qui semble quelque chose de loin dans le futur. Mais l’avenir est là où l’espérance vit ».

10. D’autres éléments peuvent être utiles pour comprendre la crise actuelle : 
Le  Wahhabisme extrême se manifeste dans la destruction de sanctuaires à  Mossoul 
– <a data-cke-saved-href="http://www.frontpagemag.com/2014/dgreenfield/if-genocide-wont-unite-iraq-nothing-will/" href="http://www.frontpagemag.com/2014/dgreenfield/if-genocide-wont-unite-iraq-nothing-will/" "="" target="_blank">Si le génocide n’unit pas l’Irak, rien ne le fera

John Burger est éditeur de l’édition anglaise de Aleteia
Traduit par Elisabeth de Lavigne

 

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