Deux semaines avant le départ du Pape pour la Corée, Aleteia a recueilli les impressions de Mgr Lazzaro You Heung-sik.
Le 14 août prochain, le pape François se rendra en Corée du Sud. C’est le père Federico Lombardi qui en avait fait l’annonce, précisant que le Saint-Père, « acceptant l’invitation du président de la République et des évêques coréens », partirait le 13 août pour demeurer en Corée du Sud jusqu’au 18 août, à l’occasion de la 6ème édition de la Journée de la Jeunesse asiatique, qui se déroulera dans le diocèse de Daejeon.
Que trouvera le Pape aux « extrêmes confins de la terre » ? Nous avons posé la question à Mgr Lazzaro You Heung-sik, évêque de Daejeon, qui sera à ses côtés durant son séjour coréen.
Dans une récente interview accordée à l’Osservatore Romano, vous avez cité une phrase du pape François extraite de l’Evangelii Gaudium : « Celui qui annonce l’évangile n’est pas à un enterrement, il doit avoir un visage joyeux ». Avec quel « visage » vous et votre peuple coréen accueillerez le Pape ?
Mgr Lazzaro: En ce qui me concerne, j’aime beaucoup rire, et quand je ne ris pas les gens qui me connaissent pensent que je suis très en colère [rire]. Ainsi, pour ne pas sembler en colère, je ris en permanence ! Le visage du christianisme devrait être un visage souriant. La plupart des fidèles coréens aiment beaucoup le Pape, le peuple l’attend à bras ouverts ! J’ai récemment été interviewé par des journalistes de Séoul au sujet de la journée de la jeunesse asiatique, et ces derniers en ont profité pour me poser beaucoup de questions sur le Pape. Cela m’a ému, j’étais ravi parce que j’espère – et je suis convaincu – que les fidèles catholiques accueilleront le Pape avec leur cœur, et des visages souriants. Je peux dire que presque tous les coréens suivront chaque pas du Saint-Père en Corée avec grand intérêt.
Le Pape se rendra précisément à Daejeon ; un tiers des martyrs coréens sont nés dans ce diocèse. Mais à l’origine la religion catholique est entrée par la Chine, en tant que science occidentale…
Mgr Lazzaro: Mon diocèse a toujours été composé de personnes issues de la campagne. Donc elles ont toujours été très simples. Nous devons rappeler que le christianisme est entré sur le territoire de mon diocèse pas tant comme enseignement de l’Eglise, mais davantage comme témoignage de la vie quotidienne des personnes converties. Des personnes simples. Nous sommes en train de parler de la fin du XVIIIème siècle, lorsque la société était particulièrement divisée entre les diverses classes sociales, les jeunes, les personnes âgées, les hommes et les femmes.
Et comment ces divisions ont-elles cédé ?
Mgr Lazzaro : En récitant ensemble le Notre Père, de nombreuses divergences sont tombées, et cela a créé une véritable égalité entre les fidèles. Ce témoignage était extrêmement révolutionnaire et a suscité de nombreuses conversions, même pendant la période de forte persécution, qui a duré près de 100 ans, jusqu’à la fin du XIXème siècle.
Il existe en Corée du Sud de nombreuses histoires de conversion et de martyrs, souvent méconnues en Occident. Pouvez-vous nous en raconter une ? Quels sont les cas qui vous ont le plus ému ?
Mgr Lazzaro : À l’occasion de la grande rencontre avec le Saint-Père, justement, quelques protagonistes de notre histoire seront proclamés bienheureux, parmi les enfants de notre terre tués entre 1791 et 1888, durant les persécutions contre les chrétiens. L’un d’entre eux, Wong Sijang, qui s’était baptisé comme Pierre, possédait un caractère très fort. Il était riche. Puis lorsqu’il a reçu le baptême, il est devenu comme un agneau, il a changé radicalement, et par son intermédiaire, 30 familles se sont converties. Ce témoignage démontre encore que dans mon diocèse le catholicisme a touché le peuple par le biais de témoignages de vie, conformément à l’évangile. A Séoul en revanche, il est arrivé sous forme de doctrine dans la sphère intellectuelle.
Pensez-vous que le « modèle de foi » coréen puisse être un exemple pour les autres entités plus « hostiles » comme la Chine et la Corée du Nord voisine ?
Mgr Lazzaro : Je ne peux pas dire qu’il y aura le même modèle de foi en Chine, mais je l’attend en tout cas pour la Corée du Nord parce qu’avant la guerre et la séparation, nous avions la même expérience de persécution, nord et sud confondus. De nombreuses familles sont par ailleurs divisées entre les deux Corées. J’espère qu’un jour tout cela conduira les Coréens du Nord à se convertir et à coopérer pour le difficile processus de réunification.
Parlons un peu de votre expérience personnelle. Quelle est l’origine de votre expérience de foi ?
Mgr Lazzaro : Mon père est mort à la guerre alors que je n’avais que six mois, laissant à ma mère la charge de tous mes frères et sœurs aînés. Elle se trouvait en grande difficulté, mais voyant que j’étais un petit garçon intelligent, elle m’a envoyée à l’école catholique pour deux raisons, qui n’étaient pas liées à la foi : l’école était proche de mon village et offrait une bonne bourse d’étude. C’est là que j’ai connu Jésus et que j’ai été baptisé, à 16 ans.
J’ai connu la figure de saint André Kim : sa vie était si pleine d’aventures et si forte que je me suis dit « cela pourrait être un modèle pour ma vie future ». C’est ainsi que j’ai décidé d’entrer au séminaire majeur. Je fus ainsi le premier catholique de ma famille. Ma mère n’a initialement pas compris ma décision, elle ne mangeait plus, ne dormait plus et pleurait beaucoup. J’ai pensé que le temps lui aurait fait comprendre, et que si elle ne le comprenait pas sur terre, elle l’aurait compris après sa mort. Après un an de séminaire, presque tous les membres de ma famille se sont baptisés !
*Interview traduite de l’italien par Solène Tadié