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Les Irakiens chrétiens qui ont dû fuir n’ont « strictement plus rien »

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Les Irakiens chrétiens qui ont été chassés de Mossoul « n’ont strictement plus rien! Ils dépendent donc complètement de l’aide qu’on peut leur apporter », confie à Zenit Marc Fromager, directeur de l’Aide à l’Eglise en détresse de France.L’ultimatum lancé par « l’Etat Islamique » aux chrétiens de se convertir ou fuir Mossoul est-il un évènement sans précédent en Irak ?
Marc Fromager :
Malheureusement non. Il est vrai qu’à « l’époque moderne », et en particulier ces dernières années, on a plutôt assisté à une lente et progressive détérioration de la situation des chrétiens en Irak, avec tout de même des attentats et une violence continue à leur égard. Mais on n’a pas été habitué à une telle brutalité. C’est la raison pour laquelle tant de personnes aujourd’hui réagissent. Et c’est heureux qu’enfin, on prenne nos frères en considération.

Cela étant, il ne faudrait pas oublier ce que même l’EIIL revendique, à savoir un retour aux origines de l’islam et à son expansion territoriale. À cette époque et pendant des siècles, l’islam s’est propagé selon le scénario imposé à Mossoul aujourd’hui : conversion, soumission à un statut discriminant ou exil, sans quoi ne restait comme option que la mort. La quasi intégralité des musulmans d’Irak et du Moyen-Orient en général ont des ancêtres chrétiens qui ont fini, par lassitude ou par épuisement (le statut discriminant est discriminant !), par se convertir. L’avantage, s’il y en a un, dans ce qui se passe à Mossoul aujourd’hui, c’est que les choses sont enfin claires. Même si le sort des chrétiens de Mossoul est devenu tragique ces dernières semaines, en réalité, cela fait longtemps que leur situation est devenue insoutenable, et en particulier depuis ces deux dernières décennies. Il y a vingt ans, il y avait encore 100 000 chrétiens à Mossoul, l’EIIL n’en a trouvé plus que 3000.

Les chrétiens se sont enfuis vers le Kurdistan dans la précipitation : comment vivent-ils aujourd’hui ?
M. F. :
Les derniers chrétiens à fuir sont en effet partis dans la plus grande précipitation : ils n’ont eu que quelques heures pour s’enfuir. Le peu qu’ils ont pu emporter a été totalement confisqué au moment de sortir de la ville : argent, bijoux, clés… Ils n’ont pu partir qu’avec les habits qu’ils portaient. Résultat : ils n’ont strictement plus rien ! Ils dépendent donc complètement de l’aide qu’on peut leur apporter. Les autorités kurdes offrent le minimum, et déjà une certaine sécurité ce qui, dans ce contexte, est déjà beaucoup. Pour le reste, c’est l’Eglise sur place qui doit gérer. Sans l’aide d’organisations comme l’AED, l’Oeuvre d’Orient, Caritas et d’autres, ils ne pourraient simplement pas faire face. En ce qui concerne l’AED, notre aide d’urgence pour les réfugiés chrétiens a été considérablement accrue ces dernières années, que ce soit en Irak ou en Syrie, et en particulier pour les chrétiens réfugiés au Kurdistan depuis la chute de Mossoul.

Quel avenir pour les chrétiens d’Irak : seront-ils encore protégés demain au Kurdistan ou devront-ils fuir à nouveau ? Peut-on imaginer un Irak sans chrétiens ?
M. F. :
Difficile aujourd’hui de se prononcer sur l’avenir des chrétiens dans un contexte si mouvant. Dans la partie kurde, ils sont en effet à l’abri pour le moment. Les Kurdes y trouvent un intérêt dans leur stratégie de communication, au moment où ils évoluent rapidement vers une indépendance de fait. Mais rien ne dit qu’ils les protègeront indéfiniment. N’oublions pas qu’il y a un siècle, au moment du génocide arménien par les Turcs, les assyro-chaldéens ont également été massacrés et les Kurdes y ont activement participé.

À Bagdad, où il reste également des chrétiens, leur sort dépend de ce qu’adviendra la ville, actuellement plongée dans un certain chaos. Mais pour l’instant, il n’y a rien de très encourageant qui se dessine.

Le nombre de chrétiens a considérablement baissé ces dernières années, et en particulier depuis l’invasion américaine de 2003. Ils étaient encore 1,4 million il y a dix ans. Ils ne seraient plus que 400 000 au mieux, soit une disparition des deux tiers de la communauté, et seulement 150 000 au pire, c’est-à-dire une chute de 90%, en l’espace encore une fois d’une décennie.

Le christianisme a déjà disparu de certains pays de la région, comme l’ensemble de la péninsule arabique, par exemple. Rien n’interdit de penser qu’il disparaîtra également de l’Irak, même si l’espérance chrétienne nous empêche aujourd’hui d’entrevoir cette possibilité. La disparition des chrétiens d’Irak serait bien sûr une perte pour l’Eglise, mais également pour le reste de la population irakienne. Une des composantes historiques essentielles du pays, avec ses traditions et sa culture, manquerait alors de manière définitive à l’Irak.

lire cet article sur le site de l'AED

 

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