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Saint Benoît, messager de paix, maître de civilisation, héraut de la Foi

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Fêté le 11 juillet, le patriarche des moines d’Occident est aussi le patron principal de l’Europe et un maître pour quiconque « aime la vie et désire couler des jours heureux » (Ps. 33)
Du blogue de Jacques Gauthier
 
De 1973 à 1977, j’ai eu la grâce de m’initier à la vie monastique à l’ancienne abbaye cistercienne d’Oka, près de Montréal. J’ai saisi toute l’importance de saint Benoît, père des moines d’Occident. Nous connaissons saint Benoît à travers deux sources principales : sa vie, écrite par le pape saint Grégoire vers 594, et un texte législatif appelé « la règle des monastères ». La première source présente des faits de sa vie où se mêlent légende et histoire. La seconde, plus fiable, nous livre sa spiritualité et l’organisation du temps dans un monastère, cette « école où l’on apprend à servir Dieu » et à « ne rien préférer à l’amour du Christ ».

Ne plaire qu’à Dieu seul
Benoît naît à Nursie, en Ombrie, vers 480, dans une famille de petite noblesse. Il étudie à Rome où il approfondit le droit romain. Dégoûté de la vie corrompue de la ville et attiré par la vie parfaite, il se retire dans la solitude de Subiaco, où il mène une vie d’ermite, « désireux de plaire à Dieu seul », comme l’écrit son biographe. Il expérimente cette vie durant trois ans. D’autres moines arrivent et lui demandent assez vite d’être leur supérieur et leur maître. Il accepte, mais ce sera un échec, à cause de la décadence de certains moines.
Cette expérience lui sera tout de même bénéfique. Il crée ainsi douze petits monastères de douze moines chacun. Sa renommée devient si grande que des nobles romains lui confient l’éducation de leurs fils, tels Maur et Placide, qui deviendront saints. Le clergé local est jaloux de cette expansion. Benoît quitte Subiaco vers 529 avec un petit groupe de moines. Il va vers le Sud dans l’ancienne forteresse du Mont-Cassin. Il adapte le temple païen en oratoire et, avec un grand sens pratique, il utilise les autres édifices comme habitations pour les moines et pour les pèlerins, et comme espace pour leurs activités de travail. Il organise ainsi la vie cénobitique (vivre en commun), à l’opposé de la vie érémitique (vivre en solitaire), pour qu’en toutes choses Dieu soit loué. Il est sollicité pour d’autres fondations, dont les premières sont Terracine et Rome.
Âgé de près de soixante-dix ans, le patriarche des moines d’Occident sent ses forces diminuer. Après une rencontre avec sa sœur Scholastique, il se fait transporter dans l’oratoire de Saint-Martin où il meurt debout, les bras levés au ciel. La tradition situe la date de sa mort le 21 mars 547, mais il est fêté le 11 juillet. Quelques siècles plus tard, les dépouilles de saint Benoît et de sainte Scholastique sont transférées à l’abbaye Saint-Benoît-sur-Loire.

En 1964, Paul VI proclame saint Benoît patron principal de l’Europe, « parce qu’il a été messager de paix, opérateur d’unité, maître de civilisation et surtout héraut de la Foi et initiateur de la vie monastique en Occident » (Bref Apostolique Pacis Nuntius). En succédant à Jean Paul II le 19 avril 2005, le cardinal Joseph Ratzinger avait choisi le nom de Benoît comme modèle de son pontificat. Benoît XVI, pape émérite, a été à sa manière un « messager de paix » et un « opérateur d’unité ».
 
La règle de saint Benoît
C’est au Mont-Cassin que le fondateur des Bénédictins rédigera sa fameuse règle qui, selon les mots de Bossuet, est un véritable « précis de l’Évangile ». Ce texte exercera une influence considérable jusqu’à nos jours, à cause surtout de son équilibre. Benoît décrit des attitudes et des comportements concrets, au lieu d’exposer des principes abstraits. Constituée de 73 courts chapitres et d’un prologue, la règle commence ainsi : « Écoute, mon fils, les préceptes de ton Maître, prête-moi l’oreille de ton cœur. » À mesure que le moine vit cette règle, affirme Benoît, son cœur se dilate et il court d’amour vers son Dieu.
 

Bien vécue de l’intérieur, la règle crée dans le monastère une atmosphère de paix où le temps est employé à la recherche de Dieu. C’est ce que l’on demande aux postulants qui veulent entrer en communauté : chercher Dieu. Tout dans la règle favorise cette recherche pour la gloire de Dieu et la sanctification du moine. Dans ce dessein, le moine tend à l’humilité par la conversion continuelle, la vigilance du cœur, l’obéissance et le désir d’aimer le Christ. C’est ce désir de bonheur qui le pousse au monastère. Pour saint Benoît, là est le chemin de la vraie vie. Il reprend cet extrait du psaume 33 dans son Prologue : « Quel est celui qui aime la vie et désire couler des jours heureux ? »
Les monastères qui vivent sous la règle de saint Benoît forment une grande famille dont les membres sont unis par des liens de respect et d’affection dans le Christ. L’abbé, ou l’abbesse, est un père, ou une mère, qui doit s’adapter à chaque frère, à chaque sœur, guidant les forts et les faibles avec mesure et discrétion. « Qu’il cherche plutôt à être aimé par eux, et non pas craint », conclut Benoît, en parlant de l’abbé au chapitre 64. Il l’exhorte aussi à se souvenir de sa propre fragilité et à veiller « à toujours faire prévaloir la miséricorde sur la justice, afin qu’il puisse un jour la recevoir à son tour ». Ce conseil s’applique bien à toute personne qui exerce l’autorité, patrons, prêtres, professeurs ou parents, au bureau ou à l’école, à l’usine, à la maison ou à l’église.
Au chapitre 4 de sa règle, Benoît énumère soixante-douze préceptes qui sont autant d’instruments de l’art spirituel. Au dernier précepte, il revient sur la miséricorde : « Et ne désespérer jamais de la miséricorde du Christ. » C’est comme s’il disait à ses moines : si vous êtes incapables de suivre pleinement les préceptes précédents, vivez au moins celui-là qui résume tout le christianisme.
 
Dans le secret de l’oraison
L’oratoire est le cœur du monastère. « Chaque fois qu’un frère désire s’y recueillir dans le secret de l’oraison, qu’il entre simplement et qu’il prie, non en élevant la voix, mais avec les larmes du cœur et la ferveur de l’esprit » (chap. 52). Cet esprit d’oraison libère le désir du moine et lui apprend l’humilité et la compassion dans la pauvreté et la fidélité.
Benoît privilégie la prière du publicain de l’Évangile qui, courbé au fond du temple, s’écrie : « Aie pitié de moi, pécheur. » Cette prière doit être courte et fervente, écrit l’homme de Dieu au chapitre 20 de sa règle : « Ce n’est d’ailleurs pas en multipliant les formules, mais seulement par la pureté d’intention et les larmes de la componction qu’on est sûr d’être exaucé. L’oraison, dès lors, sera plutôt brève, afin de rester pure, à moins qu’un sentiment né de la grâce divine ne nous inspire de la prolonger. »
La lectio divina, les offices liturgiques, l’amour fraternel, le silence et la solitude du cloître, l’accueil des hôtes, le travail manuel et intellectuel orientent la prière du moine qui consacre le temps. Au fil des ans, sa vie devient de plus en plus une parole de Dieu faite prière. Et de chercheur de Dieu, il passe à celui qui est cherché par Dieu. Il en est ainsi pour tout baptisé. Dieu nous cherche plus que nous le cherchons. Il est toujours le premier arrivé au rendez-vous d’amour qu’il a lui-même fixé.
Grégoire disait de Benoît qu’il habitait avec lui-même. N’est-ce pas là le secret de la durée? Habiter avec soi-même en toute confiance, sans se fuir, c’est descendre de la tête au cœur. Loger dans son propre cœur, où le Seigneur demeure, c’est vivre en vérité, dans ce temps qui nous est donné. Habiter chez soi, comme un hôte, c’est se recevoir de Dieu, origine de tout, et se mettre à son écoute.
 
Prière
Inspire-nous, Père de miséricorde, l’art de vivre en paix, d’habiter avec nous-mêmes,  de ne rien préférer à l’amour du Christ.
Que nous soyons à l’écoute, attentifs à notre cœur, qui se dilate en courant vers toi, avec Benoît, dans la ronde trinitaire.
Amen.                  

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