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Thaïlande : chez les Karen, les fruits mûrs d’une mission

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Sylvain Dorient - publié le 15/06/14
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L’ethnie Karen, à cheval sur la Birmanie et la Thaïlande, a accueilli l’Évangile au milieu du XXe siècle. A l’heure actuelle, la mission donne des signes de bonne santé, mais mille choses restent à faire !« Lorsque j’ai vu le prêtre élever l’hostie, je me suis dit que je voulais être comme le pado kolawa, le père blanc », explique le père Peter, jeune prêtre de l’ethnie Karen (Peter, Pierre, est son nom de baptême). Comme lui, quelques Karens prennent le chemin du séminaire. Leur vocation n’est pas toujours bien comprise par leurs familles, car le fait de rester célibataire est mal vu, et leur engagement demande donc une résolution profonde.

Les Karens sont un peuple d’environ six millions d’âmes, dont la majeure partie résidait en Birmanie, mais qui a connu des vagues d’exodes successifs vers la Thaïlande, à cause de la guerre qui les a longtemps opposés à la junte militaire birmane. Ils vivent dans un terrain de montagnes et de jungles, leurs meilleures terres dans les plaines de Birmanie ayant été progressivement annexées. Ils sont souvent bouddhistes, parfois chrétiens, mais leur première religion était l’animisme, qui demeure très présent dans les mentalités et qui est encore pratiqué par une partie d’entre eux. Ils ont une culture propre, une langue non-écrite et des traditions solidement ancrées.

Le premier prêtre catholique à les avoir rencontrés en Thaïlande semble être le père Joseph Quintard (1934-2003), missionnaire-baroudeur comme beaucoup de prêtres des MEP (Missions Etrangères de Paris) qui s’est rendu dans les années soixante dans la région de Maesot. Il a appris leur langue, s’est mêlé à eux et son premier travail fut surtout temporel : les Karens vivaient dans un dénuement extrême, repliés sur eux-mêmes et rejetés par leurs voisins qui les considéraient comme des êtres  inférieurs. Il a fondé des écoles, des routes, fidèle à sa devise : « éduquer, former, construire ». Il s’est fait rapidement apprécier de cette population qui se méfiait pourtant des étrangers, et jusqu’à sa mort accidentelle en 2003, il a parcouru le pays de village en village, construisant et prêchant.

Son successeur, le père Alain Bourdery, continue son œuvre d’éducation et d’évangélisation. Il est fier de pouvoir affirmer qu’ « à présent, tout Karen qui le souhaite peut étudier ». Mais le travail n’est pas achevé, et il se montre inquiet de voir les Karens diplômés quitter leur région. Il faudrait développer sur place des métiers à haute valeur ajoutée, en agriculture spécialisée par exemple… Des initiatives voient le jour comme les tissus de Terre Karen ou le centre agricole de Poblaky, mais les besoins sont encore énormes !

Un autre souci permanent pour les missionnaires est de ne pas acculturer les Karens. Sous l’impulsion du père Quintard et de ses successeurs, la langue des Karens a été écrite, pour éviter qu’elle se perde, et elle est enseignée dans les écoles en même temps que le thaï. Bien que le pays qu’ils habitent demeure reculé, la « civilisation » avec tout ce qu’elle apporte – le meilleur et le pire – frappe à la porte. Devant la beauté de leurs maisons traditionnelles et de leurs rizières entièrement travaillées à la main, sans l’aide d’un tracteur mais parfois avec celle d’un éléphant, il serait tentant de souhaiter les préserver, d’en faire une population déconnectée des tentations de la modernité, mais c’est un piège, nous avertit le père Alain.
« Vous pouvez rêver de les laisser en autarcie, explique-t-il, mais lorsque les Thaï arriveront pour bâtir une autoroute, ils ne demanderont l’avis de personne et attaqueront tout au bulldozer ! Ce serait la pire solution. Il y a quelques années, par exemple, le gouvernement thaï leur a offert des générateurs solaires pour qu’ils puissent avoir des télévisions chez eux. Partir en croisade contre le petit écran aurait été stupide, nous avons préféré nous emparer du problème. Les vendeurs de paraboles proposaient les engins les plus coûteux, avec un bouquet de chaînes payantes contenant les pires saletés ! Nous avons donc joué les médiateurs, et proposé à nos paroissiens de se contenter des chaînes officielles gratuites, avec une parabole abordable. »

En quelques générations, les Karens ont appris à écrire et à accéder aux plus hautes études, les plus jeunes sont tous bilingues, alors qu’une génération avant eux, c’était une rareté. Il y a désormais parmi eux des ingénieurs, des mécaniciens, des professeurs… Avec malheureusement encore assez peu de débouchés. Avis donc aux entrepreneurs occidentaux qui savent allier éthique et solide sens pratique : vous pouvez faire beaucoup de bien dans ce pays ! 

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