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Prolonger la Pentecôte avec saint Séraphim de Sarov

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Jacques Gauthier - publié le 10/06/14
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Ce grand mystique russe avait découvert cette réalité toute simple : même s'il faut toute une vie pour l'accueillir vraiment, c'est tous les jours le temps de l'Esprit.

Voilà ! En ce lendemain de veille à l’Esprit Saint, j’aurais bien aimé qu’on prolonge d’une semaine la Pentecôte, comme on le fait pour Pâques avec l’octave pascale. Mais n’est-ce pas tous les jours le temps de l’Esprit ?

Je me suis rappelé l’entretien que saint Séraphim de Sarov avait eu avec le laïc Motovilov à la fin novembre 1831. Cet entretien témoigne de la transfiguration qu’opère l’Esprit Saint dans la totalité d’une personne devenue lumière, chaleur, douceur, paix et silence. Mais avant de lire des extraits de l’entretien, voici un bref rappel de la vie de Séraphim de Sarov pour qui le but de la vie chrétienne consistait à acquérir le Saint-Esprit.

L’ermite de Jésus


 Prokhor Mochnine est né à Koursk, au sud de Moscou, en 1759. Son père meurt alors qu’il n’a que trois ans. Dans la vingtaine, il entre au monastère de Sarov. Novice pendant huit ans, il reçoit l’habit monastique et prend le nom prédestiné de Séraphim, qui signifie « le flamboyant ». Il y mène une vie de prière et de travail manuel où il est bûcheron et sculpteur. Il est ordonné prêtre en 1793.


Son désir de s’identifier au Christ grandit chaque jour. À trente-cinq ans, avec l’accord de ses supérieurs, il choisit la vie solitaire dans la forêt russe. Il cohabite avec les bêtes sauvages et s’efforce de revivre la vie de Jésus dans la forêt, devenue par lui une Terre sainte. Ainsi, il a son Nazareth, son Thabor, son Gethsémani, etc. Il passe la plupart de ses nuits en prière, debout sur un rocher. Il vit une grande intimité avec Marie, la sainte Mère de Dieu, qui lui serait apparu plusieurs fois.


En 1804, attaqué par des brigands et gravement blessé, il est transporté au monastère où il est miraculeusement guéri par la Vierge, qu’il appelle « joie de toutes les joies ». Après avoir perdu patience contre l’un de ses frères, il prend la résolution d’un silence complet pendant trois ans, en signe de repentir. Il passe mille jours et mille nuits dans la prière pour acquérir plus d’humilité et de tendresse. Il vit comme reclus durant plusieurs années à son monastère, puis il commence à donner des conseils spirituels.


En 1825, alors qu’il est âgé de soixante-six ans, il sort de sa cellule pour accomplir un ministère spirituel auprès de milliers de gens qui viennent lui demander conseil. Il retourne à la cabane de sa forêt. Ce qui était caché se fait lumière aux yeux du monde. Ses dons attirent de nombreux visiteurs qu’il accueille par cette expression pascale : « Ma joie. Christ est ressuscité. » Il ouvre la porte de sa cellule pour déverser sur d’autres la lumière du Christ qui éclaire sa vie. Il réconforte chacun et chacune dans les épreuves et leur donne le conseil nécessaire pour avancer dans la connaissance de Dieu. Il fonde, non loin de Sarov, un couvent de femmes et donne comme seule règle de vie la « prière de Jésus », qui est la répétition et la méditation du nom de Jésus. Il répète constamment cette prière : « Jésus, aie pitié de moi, pécheur » (cf. Lc 18, 13). Il montre que la prière nous donne l’Esprit Saint et nous aide à garder la paix du cœur. Il écrit : « Si tu gardes la paix du cœur, beaucoup autour de toi trouveront la paix. »

La joie du Saint Esprit


Illuminé par l’Esprit Saint, Séraphim de Sarov fut surnommé de son vivant « le transfiguré ». Il meurt le 2 janvier 1833, à genoux devant l’icône de Notre-Dame-de-Tendresse à qui il avait dédié son ermitage. Il est canonisé par l’Église orthodoxe le 19 juillet 1903. L’essentiel de son message spirituel se trouve dans son entretien avec Motovilov. Voici quelques extraits.

Le Père Séraphim me serra fortement les épaules et dit :
– Vois! Nous sommes, en cet instant même, tous les deux dans la plénitude de l’Esprit-Saint ! Pourquoi ne me regardes-tu pas ?
– Petit père, lui dis-je, je n’y arrive pas ! Des éclairs jaillissent de vos yeux ! Votre visage est plus resplendissant que le soleil ! Les yeux me brûlent comme une fournaise !
– N’ayez pas peur, dit le Père Séraphim. Vous êtes devenu aussi lumineux que moi. Vous aussi, vous êtes à présent dans la plénitude de l’Esprit Saint. S’il en était autrement, vous n’auriez pas pu me voir ainsi.
Il inclina la tête vers moi et me murmura doucement à l’oreille :
– Remerciez le Seigneur de nous avoir donné cette grâce ineffable. Avez-vous remarqué ? Je n’ai pas eu à faire un seul signe de croix. Simplement, dans mon cœur, dans ma pensée, j’ai prié le Seigneur : « Mon Dieu, rends-le digne de voir avec ses yeux de chair la venue de ton Esprit Saint, comme Tu l’as fait voir à tes serviteurs élus lorsque Tu daignas leur apparaître dans la magnificence de ta gloire ! »
– Que sentez-vous à présent ? me demanda le Père Séraphim.
Je me sens extraordinairement bien !
– Mais comment cela : bien ? En quoi consiste ce bien ?
– Je ressens dans mon âme un tel silence, une telle paix… Je ne peux les décrire par des mots.
Mais, me demanda le Père Séraphim, que ressentez-vous d’autre que cette paix ?
– Une douceur extraordinaire
Et que sentez-vous encore ?
– Tout mon cœur déborde d’une joie indicible.
– Oui, c’est cela, continua le Père Séraphim. Lorsque le Saint Esprit descend vers l’homme et le couvre de la plénitude de ses dons, l’âme se remplit d’une inexprimable joie. Car tout ce qu’il touche, le Saint Esprit le recrée en joie !…Vous m’avez dit tout à l’heure qu’il faisait chaud comme aux bains. Eh bien, pourtant, regardez autour de nous ! Vous voyez : la neige qui couvre nos épaules ne fond pas, pas plus que celle qui est sous nos pieds. Ce n’est donc pas dans l’air que se trouve cette chaleur, mais à l’intérieur de nous. C’est la chaleur que l’Esprit Saint nous pousse à demander quand nous adressons à Dieu cette prière : « Que ton Saint Esprit me réchauffe ! »

L’entretien avec Motovilov, Orbey, éditions Arfuyen, 2002.
Voir également mon Petit dictionnaire de Dieu (Novalis).

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